Sénégal : la série « Maîtresse d’un homme marié » dans le viseur des associations religieuses

Visée par une plainte de l’association islamique Jamra et du Comité de défense des valeurs morales du Sénégal, la série « Maîtresse d’un homme marié » pourrait être sanctionnée voire interdite sur les écrans par le CNRA. Le gendarme de l’audiovisuel devrait rendre sa décision à partir du 29 mars.

 

« Dépravation des mœurs », « comportements déviants », « promotion de l’obscénité ». Autant de griefs pour lesquels le Comité de défense des valeurs morales du Sénégal a saisi le Conseil national de régulation de l’audiovisuel (CNRA) le 31 janvier dernier. La plainte, à laquelle s’est associée l’ONG islamique Jamra le 20 mars, vise la série sénégalaise « Maîtresse d’un homme marié », dont la première saison est diffusée sur la chaîne 2sTV.

La fiction met en scène le personnage de Marème Dial, jeune sénégalaise qui entretient une liaison avec un homme marié. « Des histoires de femmes qui rappellent notre vécu », écrit sur son site le groupe Marodi qui produit la série, mais qui ne sont visiblement pas du goût des organisations de défense des valeurs morales. Pour cause, les épisodes, diffusés à 20h30 à la suite du journal télévisé de 2sTV, seraient regardés notamment par des enfants, selon Mame Makhtar Gueye, vice-président de Jamra. « Les associations de consommateurs font attention aux denrées alimentaires pour ne pas que les clients mangent n’importe quoi. De la même manière, nous sommes vigilants à ce que l’on peut faire entrer dans le cerveau des enfants », explique-t-il pour justifier la plainte.

« Pornographie verbale »

 

« Adama Mboup, le coordinateur du Comité de défense des valeurs morales, et Jamra ont mis le doigt sur des choses qui leurs semblent en désaccord avec les valeurs de la société sénégalaise », explique le président du CNRA Babacar Diagne. Reçu le 26 mars par le gendarme de l’audiovisuel, les plaignants ont exposé leurs inquiétudes : « Cette série fait la promotion de la pornographie verbale, de l’obscénité, de l’adultère et de la fornication, condamnés par la morale la plus élémentaire, mais aussi par les deux religions du Sénégal que sont l’islam et le christianisme », détaille Mame Makhtar Gueye. Il déplore des fictions « copiées-collées sur les telenovelas sud-américaines, porteuses de perversité, qui font notamment allusion aux unions contre-nature de personnes de même sexe ».

Le jeudi 28 mars, le CNRA recevra les producteurs de la série ainsi que la chaîne 2sTV qui la diffuse, afin de « confronter les différentes remarques et le visionnage de la série », assure Babacar Diagne. S’il donnait raison aux plaignants, le régulateur de l’audiovisuel pourrait imposer à 2sTV des sanctions allant de la simple amende à l’interdiction de diffuser la série. « Cela pourrait aboutir à une sanction pécuniaire comme une décision de changer l’heure de diffusion. Il pourrait aussi ne pas y avoir de sanction du tout, rappelle Babacar Diagne. Avant d’envisager quoi que ce soit, il nous faut entendre toutes les parties prenantes. »

Il faut des discussions constructives sur le sujet

Répliquer par la critique et le débat

 

Pour Fatou Kiné Sène, présidente de l’association sénégalaise de la critique cinématographique (ASCC), il faut promouvoir le dialogue. « Les questions de l’adultère ou de la sexualité interpellent notre société. Il faut en parler, d’autant que les éléments que les Sénégalais ne trouveront pas au sein de leurs propres productions se trouveront ailleurs. Il faut des discussions constructives sur le sujet, mais il ne faut pas que cela soit un frein à la production cinématographique sénégalaise », estime-t-elle, assurant que « la censure n’est pas la meilleure solution pour se faire comprendre ».

« Notre préoccupation ne concerne pas les adultes, chacun est responsable de ses actes. Personne ne peut se faire le gendarme de la morale pour décider de ce qu’un adulte majeur et vacciné peut regarder ou non », rétorque Mame Makhtar Gueye, qui assure avoir maintes fois plaidé auprès de l’État pour de meilleures subventions aux productions nationales. « Notre rôle est simplement d’empêcher que les enfants puissent être agressés jusque dans leur havre de paix et de sécurité familial », revendique-t-il.

Après s’être entretenu avec l’ensemble des parties prenantes, le CNRA devraient rendre son verdict à partir du vendredi 29. Elle pourrait s’assortir aux décisions concernant deux autres saisines émanant elles-aussi du Comité de défense des valeurs morales. Celles-ci concernent des clips jugés « érotiques », dont un de l’artiste sénégalaise Queen Biz, interprète de « Femme sauvage ». Un scénario éculé dans un pays comme le Sénégal qui voit souvent s’affronter productions artistiques décomplexées et associations religieuses.

 

Manon Laplace

à Dakar

 

 

 

Source : Jeune Afrique

 

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