Xinjiang : Le cruel châtiment des musulmans chinois

Un univers digne de « 1984 » · L’arrivée au sommet de l’État et du Parti communiste de Xi Jinping en 2012-2013 a coïncidé avec la montée des tensions dans le Xinjiang. L’année 2014 fut une année noire, marquée par de nombreux attentats. Le nouveau leader chinois décida alors d’amener les Ouïghours et les autres minorités turcophones musulmanes à se comporter en citoyens modèles, à même d’afficher une foi inébranlable en la nation chinoise, instaurant un régime qui rappelle celui décrit par George Orwell dans son roman 1984.

Depuis l’arrivée de Chen Quanguo1 aux manettes du Parti communiste dans le Xinjiang en 2016, l’approfondissement des dispositifs de contrôle développés à la suite des émeutes de 2009 et de la série d’attentats de 2014 se poursuit désormais à un rythme accéléré. Selon les travaux conduits par Adrian Zenz2, les budgets alloués à la sécurité ont explosé. Forces de police spéciales et dispositifs anti-émeutes ont été renforcés. Plus largement, c’est plus de 100 000 policiers qui ont été recrutés après 2009 dans cette province de 23 millions d’habitants.

Les recrutements ont culminé entre l’été 2016 et l’été 2017 avec plus de 90 000 policiers, soit douze fois plus qu’en 2009. Il s’agissait notamment de tenir l’objectif de mise en place d’antennes des bureaux de la sécurité publique dans chaque village ou hameau de la région. A été aussi lancé le programme « Faire famille ». Les fonctionnaires séjournent régulièrement et restent parfois plusieurs jours dans les familles pour interroger adultes et enfants afin d’identifier les comportements subversifs, pousser à la dénonciation et faire de l’éducation patriotique. Le dispositif qui a émergé au tournant de 2013-2014 a été renforcé et intensifié, avec désormais plus d’un million de fonctionnaires particulièrement impliqués dans les zones rurales du sud où se concentre la défiance à l’égard de Pékin.

Des barbes « anormales »

 

Par ailleurs, des cadres juridiques de plus en plus étroits continuent d’être raffinés en vue de lutter contre l’influence de l’islam dans la société, et plus largement contre ce que les autorités chinoises appellent l’« extrémisme », autrement dit toutes les opinions et idéologies qui ne cadrent pas avec les lignes du Parti. Au mois de novembre 2014, l’Assemblée de la région autonome du Xinjiang avait déjà voté une loi réformant les régulations religieuses régionales de 1994. Cette nouvelle loi avait ajouté 18 articles aux régulations précédentes afin de « moderniser » le dispositif d’accréditation des imams et plus largement de contrôle des mosquées et de ce qu’il reste des structures d’enseignement religieux déjà sous étroite surveillance3.

En 2017, un nouveau train de régulations a été édicté afin de lutter contre l’« extrémisme ». Ces nouveaux cadres juridiques mettent plus que jamais l’accent contre les dangers de « l’extrémisme religieux » et le contrôle des nouveaux supports de diffusion des contenus religieux ou politico-religieux. Néanmoins, pour beaucoup de musulmans, ils comportent une dimension très intrusive. Ces régulations vont jusqu’à proscrire par exemple le port des barbes dites « anormales », le voile dans l’espace public ou des prénoms musulmans marqueurs d’une trop grande ferveur religieuse.

Fichage ADN

 

Alors qu’en Chine il n’existe pas véritablement de protection contre le fichage des données et leur croisement, le Xinjiang est devenu un vaste terrain d’expérimentation pour l’Etat et les fleurons de la surveillance high-tech et du big data sécuritaire4. Les smartphones seraient équipés de logiciels espions. Ils sont sujets à vérification, voire peuvent être aspirés à tout moment au niveau des multiples checkpoints qui émaillent les routes et des points de contrôle policier. Après les évènements de 2009, un vaste système de vidéosurveillance avec reconnaissance faciale a été développé, alors que des codes QR5 sont apposés à l’entrée des maisons pour mieux accéder aux données de ceux qui les habitent. Les véhicules doivent être quant à eux équipés de systèmes GPS les rendant localisables, et les systèmes de reconnaissance automatique des plaques d’immatriculation scannent les véhicules sur les routes. Alors que les allées et venues à l’entrée de la région sont particulièrement surveillées, beaucoup ont dû remettre leur passeport aux bureaux de police, ce qui a réduit à néant les espoirs de ceux qui souhaitent gagner l’étranger.

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Rémi Castets

 

Source : Orientxxi.info

 

https://orientxxi.info/magazine/xinjiang-surveillance-et-repression-des-musulmans-chinois,2888

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