La RD Congo vote dans un climat tendu

Les bureaux de votes ont ouvert dans le plus grand pays d’Afrique sub-saharienne. Après trois reports et une campagne marquée par les violences, s’ouvre peut-être la page de l’après-Kabila.

 

Historiques ou chaotiques? Après deux ans de retard et trois reports, les élections ont enfin commencé dimanche en République démocratique du Congo pour désigner le successeur du président Joseph Kabila.

«Je sens comme une libération. Je me sens libéré, dégagé», dit Victor Balibwa, fonctionnaire de 53 ans, un des premiers électeurs à déposer son bulletin de vote à Lubumbashi. Dans la capitale minière comme dans tout l’Est du pays, les opérations de vote ont commencé à partir de 5h (heure suisse).

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Un pays sur deux fuseaux

 

Le vote a commencé une heure plus tard (6h) dans l’Ouest et Kinshasa, capitale du plus grand pays d’Afrique sub-saharienne qui s’étend sur deux fuseaux horaires.

Dans un bureau dans le Bukavu avant l’ouverture du vote, 30 décembre 2018. AFP

 

«Ça m’excite de voter, de pouvoir enfin choisir. C’est mon premier vote!» s’exclame Rachel, 18 ans, étudiante à Goma, dans ce pays où la majorité des 80 millions d’habitants ont moins de 25 ans. «Je suis heureux d’avoir fait le bon choix!» ajoute avec un large sourire Jean-Chrisotome, étudiant en médecine et agent électoral dans un bureau de vote à Goma, fief de l’opposition.

Des «machines à voter» controversées

 

Des bureaux ont ouvert avec retard à Goma et ailleurs. Les problèmes sont souvent dus aux «machines à voter»: derniers réglages, introduction du mot de passe, public peu habitué…

La «machine à voter» est un écran tactile qui permet à l’électeur d’imprimer son bulletin de vote et de le glisser dans l’urne. L’opposition dénonce une «machine à tricher».

21 candidats, trois principaux

 

Au total, 21 candidats – dont la plupart n’ont même pas fait campagne – se présentent à ce scrutin à un seul tour, dont l’enjeu est historique: désigner le successeur d’un président sortant pour une première transmission pacifique du pouvoir.

Le président Kabila a renoncé à briguer par la force un troisième mandat interdit par la Constitution. Sa décision est intervenue avec du retard, puisque les élections ont été reportées trois fois depuis la fin de son second mandat il y a deux ans en décembre 2016. Il a voté dans un bureau de Kinshasa.

Joseph Kabila arrivant au bureau de vote de l’Institut de la Combe, Kinshasa, 30 décembre 2018.

 

A Kinshasa, le candidat de la majorité et «dauphin» du président Kabila, l’ex-ministre de l’Intérieur Emmanuel Ramazani Shadary, a voté dès l’ouverture des bureaux dans le quartier huppé de la Gombe.

Il a été suivi par un des deux principaux candidats de l’opposition, Martin Fayulu, qui voulait accomplir son devoir électoral avant d’aller à la messe. L’autre grand candidat de l’opposition, Félix Tshisekedi, devait voter plus tard dans la journée.

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Martin Fayulu donné favori

 

Les 40 millions d’électeurs enregistrés peuvent voter jusqu’à 16h dans l’Est et 17h à Kinshasa). Les résultats provisoires seront annoncés le 6 janvier, avant d’inévitables contentieux devant la Cour constitutionnelle. Des sondages donnent le «dauphin» perdant et prédisent la victoire de Martin Fayulu.

Martin Fayulu au vote, 30 décembre 2018 AP

Les frontières sont fermées

 

Des élections législatives et provinciales ont lieu en même temps que la présidentielle. Pour ces élections, Kinshasa a refusé toute aide logistique des Nations unies, présentes depuis 20 ans au Congo, de même que toute mission d’observation occidentale.

Quant au représentant de l’UE en RDC, il a pris l’avion pour Bruxelles samedi soir, après avoir été sommé de quitter le pays jeudi par les autorités.

Pour le jour du vote, le pouvoir a annoncé la fermeture de ses frontières terrestres, lacustres et fluviales avec ses neuf voisins, de Brazzaville à l’Angola en passant par le Rwanda. En revanche, internet n’était pas coupé dimanche matin, contrairement à ce qui se passe lors des journées de fortes tensions.

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Un campagne de violences

 

La campagne a été rattrapée par la violence, avec une dizaine de morts selon une association de défense des droits de l’homme, ce que nie le pouvoir.

Samedi soir, les deux candidats de l’opposition ont refusé de signer un document destiné à prévenir les violences post-électorales, en claquant la porte d’une médiation conduite par des observateurs africains.

 

Des centaines de groupes armés

 

La RDC reste un des pays les plus instables du continent, avec des centaines de groupes armés encore actifs dans l’Est. Leurs exactions menacent les civils, à commencer par les femmes violées et soignées dans la clinique du gynécologue Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.

Des centaines de milliers de réfugiés et de déplacés internes ne pourront pas voter après avoir fui les conflits civils au Kasaï (centre), Tanganyika, Ituri… Les ONG affirment nourrir des millions de Congolais.

Trois régions privées d’élections

 

Depuis des mois, le centre de toutes les douleurs se trouve à Beni, dans le Nord-Kivu, victime des massacres de civils attribués aux milices des ADF et d’une épidémie d’Ebola.

Les élections ont d’ailleurs été reportées à Beni et dans la ville voisine de Butembo, de même qu’à Yumbi (ouest) théâtre de très récentes violences communautaires. Bilan: plus de 1,2 million d’électeurs en moins sur 40 millions d’inscrits. L’opposition accuse le pouvoir de mettre à l’écart ces bastions anti-Kabila.

AFP

Source : Le Temps (Suisse)

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