
C’est un discours de politique générale du nouveau premier ministre mauritanien très attendu par les observateurs et la classe politique toutes tendances confondues après les élections de septembre dernier. Un discours qualifié de démagogique sur le fond par les observateurs devant les nouveaux parlementaires qui ont pour le moment les regards tournés vers avril 2019. En attendant Ould Béchir les invite à voir dans cette politique générale le programme pour les années à venir. Avec un tel bilan positif du deuxième quinquennat de Ould Aziz il ne reste plus qu’à dérouler le tapis rouge au candidat de l’UPR.
Ce sont les secteurs clés du développement qui sont passés en revue par le nouveau premier ministre devant les députés de l’assemblée nationale. Un exercice facile pour l’ancien patron de la SNIM qui a passé l’éponge volontairement sur l’échec de ce fleuron de l’industrie mauritanienne dont le surendettement risque même de grever sur les grands chantiers dès 2019. C’est la pêche qui donne satisfaction pour le moment avec une production en hausse d’une valeur de 34 milliards de MRU et qui génère actuellement 60000 emplois dans toutes les filières de pêche. L’agriculture et l’élevage demeurent le talon d’Achille des gouvernements précédents. Ces deux secteurs souffrant d’une absence de politique nationale de développement et qui font face depuis des années à des déficits graves pluviométriques au point que les populations du centre et du Sud pays sont menacées constamment par de graves famines.
A part les nombreuses constructions d’écoles et établissements secondaires et l’ouverture prochaine de 5 lycées d’excellence et de 5 écoles d’excellence le premier ministre s’est contenté d’un bref regard sur la transition des nouvelles technologies qui nécessitera la mise en place d’un réseau national d’éducation et de recherche ainsi qu’un système d’information intégré selon ses propres termes. Ould Béchir a également zappé un des secteurs les plus importants du pays la santé qui traverse une grave crise liée aux conditions précaires des médecins généralistes et spécialistes nationaux et du manque d’équipement adéquat surtout pour les urgences. Ce n’est pas le recrutement de 500 personnes qui va changer le visage d’une santé à plusieurs vitesses. La santé pour tous n’est pas pour demain.
De même le programme de lutte contre la pauvreté est un vœu pieux. La réduction des inégalités ne passe pas seulement par l’implantation sur le territoire des boutiques EMEL en denrées alimentaires à prix subventionnés ou la délégation d’une agence pour réduire la pauvreté des Hratins qui représentent près de 40 pour cent de la population mais par un changement structurel. C’est surtout sur les réformes politiques où le bât blesse. La démagogie de bons résultats sur la consolidation d’un Etat de droit est à prendre avec beaucoup de précautions.
La protection des droits de l’homme est un leurre. Même la communauté internationale a reconnu de graves violations dans ce domaine comme en témoigne la détention arbitraire actuellement du député Ould Abeid pour une affaire de diffamation et les nombreuses arrestations et emprisonnements des militants anti-esclavagistes de l’IRA. Et également l’éradication de l’esclavage et la lutte contre le travail forcé des enfants demeurent deux domaines où le gouvernement mauritanien pêche par orgueil du fait de l’influence grandissante des lobbies esclavagistes. C’est surtout la démocratie qui a pris un grand coup depuis 2009. Et durant le deuxième quinquennat la violation de la constitution a permis à Ould Aziz de lancer ses réformes après un référendum largement rejeté par les mauritaniens dans toute sa diversité.
Néanmoins la suppression du Sénat a permis la création de 13 conseils régionaux tous dirigés par le parti au pouvoir. Une perspective de régionalisation qui nécessitera une gouvernance territoriale plus près des populations. La culture et le sport demeurent les parents pauvres de ce programme au niveau de l’impulsion d’une nouvelle politique nationale malgré la qualification historique des Mourabitounes à la CAN 19. Et aujourd’hui la culture se réduit presque aux festivals des villes nouvelles et la promotion de la culture « Hassanya ».
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
(Reçu à Kassataya le 24 novembre 2018)
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