Tempête de Tweet : Trump traite désormais Macron comme ses autres alliés

Le président américain s’en est pris mardi, dans une série de Tweet violents, à son homologue français, avec lequel il entretenait une relation privilégiée.

 

Dans son mépris pour l’Union européenne et ses leaders, le président américain Donald Trump avait jusqu’ici épargné son homologue français, son ami « Emmaaanuel » avec lequel il entretenait une rare relation de proximité, malgré des différends politiques de fond.

Emmanuel Macron est désormais ciblé par les Tweet rageurs du 45e locataire de la Maison Blanche, qui n’a jamais épargné ses alliés. De retour à Washington après les célébrations du centenaire de l’armistice de 1918, Donald Trump dans une série de messages matinaux a raillé la « très faible cote de popularité » du président français. Il l’a attaqué tous azimuts, aussi bien sur le niveau élevé du chômage en France que sur le prétendu protectionnisme contre le vin californien. Ou encore sur le nationalisme hexagonal, qu’il a salué alors même qu’Emmanuel Macron en dénonçait les dangers.

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Mais surtout M. Trump est revenu à la charge sur la proposition de son homologue français de créer une armée européenne, déjà jugée « très insultante » dès son atterrissage à Paris le 9 novembre. « Emmanuel Macron a suggéré la création de leur propre armée pour protéger l’Europe contre les Etats-Unis, la Chine et la Russie. Mais c’était l’Allemagne dans la première et la seconde guerre mondiale », a-t-il écrit sur Twitter.

« Paie pour l’OTAN ! »

 

« Comment ça a marché pour la France ? Ils commençaient à apprendre l’allemand à Paris avant que les Etats-Unis n’arrivent », a-t-il ironisé, dans une référence très peu diplomatique à l’Occupation et à la collaboration, au lendemain du centenaire de l’Armistice, qui a, de nouveau, célébré la réconciliation franco-allemande. « Paie pour l’OTAN ! », a-t-il insisté, clamant encore son exigence que les membres de l’Alliance atlantique participent plus largement à son financement.

C’était pourtant le sens de la proposition du président français sur l’armée européenne. Et lors de leurs entretiens le 10 novembre, à l’Elysée, il avait longuement insisté pour apaiser les choses et dissiper tout malentendu sur « le partage du fardeau ».

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« Donald Trump était l’un des premiers chefs d’Etat arrivé à Paris et il a réservé son premier entretien au président Macron. Ces signaux ont une valeur bien plus grande que des Tweet dont on sait comment et pourquoi ils sont faits et qui sont destinés avant tout aux Américains », note un conseiller de l’Elysée. « La relation entre Emmanuel Macron et Donald Trump n’est pas facile, mais elle est continue et ce qui importe c’est qu’ils se parlent plusieurs fois par semaine », insiste-t-on parmi les proches du chef de l’Etat.

« Une réaction épidermique et personnelle »

 

Roland Lescure, député La République en marche des Français de l’étranger et membre du groupe d’amitié France – Etats-Unis, assure qu’il s’agit d’un malentendu : « C’est une réaction un peu épidermique et personnelle du président américain au discours d’Emmanuel Macron qui a été interprété par la presse américaine à tort, à mon avis, comme une critique en creux à son encontre. » Emmanuel Macron avait notamment souligné dans son discours à l’Arc de triomphe que « le patriotisme est l’exact contraire du nationalisme », visant ainsi explicitement son homologue américain, principal pourfendeur du multilatéralisme.

Même si l’Elysée tente d’en minimiser la portée, la virulence du verbe trumpien est extrême. « Make France great again ! », clame en majuscules le président américain sur Twitter, en écho à son slogan de campagne invitant à retrouver la grandeur des Etats-Unis… mais aussi à son détournement par Emmanuel Macron – « Make the planet great again » – au lendemain de l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris. Et de souligner que le président français cherche à faire diversion, car « il souffre d’un taux de popularité très faible en France, 26 %, et d’un taux de chômage de presque 10 % ».

Puis d’ajouter : « Et au fait, il n’y a pas de pays plus nationaliste que la France, un peuple très fier, et à raison ! » Au passage, le milliardaire, qui ne boit pas d’alcool, s’en prend au vin, produit emblématique s’il en est en France : « Le problème est que la France rend la tâche très difficile aux Etats-Unis pour vendre leur vin en France et applique des tarifs élevés, alors que les Etats-Unis rendent ça facile pour les vins français et appliquent des tarifs très bas. »

« Entre mâles dominants »

 

Il est encore difficile d’évaluer les conséquences de cette polémique sans précédent entre les deux présidents. « Les relations entre la France et les Etats-Unis ne se mesurent ni à l’aune du langage corporel entre les deux présidents ni à celle des Tweet envoyés par Donald Trump », assure un haut diplomate. Dès son arrivée à l’Elysée, Emmanuel Macron avait misé sur la relation personnelle avec le locataire de la Maison Blanche pour tenter de l’influencer et limiter les dégâts. « Quoi que l’on pense de sa personnalité, il est le président des Etats-Unis, la première puissance mondiale, notre allié depuis deux cent cinquante ans », expliquait l’Elysée.

Mais le président français n’a réussi ni à convaincre M. Trump de rester dans l’accord sur le climat ni dans celui sur le nucléaire iranien. Dès la visite à Washington au printemps, les relations ont commencé à se tendre.

« Entre mâles dominants, cela se passe toujours mal, et Donald Trump, qui ne connaît que le rapport de force, n’a guère apprécié les critiques d’Emmanuel Macron à Paris », explique Laurence Nardon, directrice du programme Etats-Unis de l’Institut français des relations internationales. Elle estime que « ces polémiques ne vont pas changer grand-chose, car les deux administrations continuent à travailler ensemble de façon suivie et que les relations entre les services de renseignement comme entre les militaires sont excellentes ».

Le président américain instrumentalise cet affrontement avec son homologue français pour faire passer des messages de politique intérieure et montrer une Amérique combative y compris avec ses plus proches alliés. Et même avec ce jeune président français en qui il voyait une quintessence du gagnant et qui semble aujourd’hui à la peine sur la scène intérieure.

Virginie Malingre et Marc Semo

 

Source : Le Monde

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