SAHARA OCCIDENTAL : LA MAURITANIE DOIT SOUTENIR TOUT DIALOGUE, CAR ELLE EST JURIDIQUEMENT CONCERNÉE

Le 6 novembre 2018, le roi Mohamed VI a invité l’Algérie à un «dialogue direct et franc, afin que soient dépassés les différends conjoncturels et objectifs qui entravent le développement (des) relations» entre les deux pays.

Des pays du Golf au Nations-Unies, en passant par l’Europe, tous ont applaudi l’ouverture d’un « dialogue » entre l’Algérie et le Maroc. La Mauritanie n’est pas du reste! Et pour cause: ce conflit nous afflige un embargo économique de fait. Il obstrue nos horizons touristiques et sécuritaires. Il force nos frères sahraouis à vivre exilés, dans une misère inqualifiable, dépouillés de leurs droits de vivre en paix sur leur territoire et sans perspective à cet égard.

Puisque les parties au confit sont très bien connus et désignés par toutes les résolutions de l’ONU, la Mauritanie ne peut être que favorable à tout DIALOGUE DIRECTE constructif entre le Maroc et l’Algérie, voire entre la Mauritanie, l’Algérie, l’Espagne et je ne sais qui d’autre, en autant que de tels dialogues apportent une solution définitive, qui prend en considération le respect du droit du peuple sahraoui à l’autodétermination.

En fait, ce que certains semblent oublier, c’est que nous, en Mauritanie, on est toujours juridiquement liés par ce conflit. D’abord, par les accords de Madrid du 14 novembre 1975, lesquels ont été déposés au greffe de l’Assemblée Générale des Nations-Unies et qui, depuis, n’ont jamais été renégociés, ni amendés, ni même annulés!!

Puis, par notre présence effective, en tant que «puissance administrante», à Lagouéra, bourgade située sur la pointe Sud du Sahara Occidental.

Donc, au-delà de nos liens socioculturels avec le peuple sahraoui, la Mauritanie est tenue par des obligations juridiques spécifiques vis-à-vis des populations sahraouies se trouvant dans la partie Sud du territoire, notamment à Dakhla, Awserd, El Argoub, Tichla, Legouéra, etc. Territoires que la Mauritanie occupait de 1975 à 1979.

Ceci dit, ne montons pas si vite sur nos chevaux, sur la seule parole du roi Mohamed VI. Car, ce n’est pas la première fois que le Maroc tend la main à l’Algérie pour, par la suite, la fermer et donner un coup à ce pays «frère» de la manière la plus malicieuse et la plus abrupte.

Rappelons-nous, en 1995, le Maroc a procédé à la fermeture unilatérale de ses frontières terrestres avec l’Algérie. S’ensuivent le carnage de Beni Ounif et les actes de terroristes, de contrebandes des hydrocarbures et de drogues, lancés à partir du Maroc, dans le seul but de déstabiliser «l’Algérie sœur».

Venaient ensuite la visite du Président Bouteflika à Rabat, lors des obsèques de feu Hassen II. Puis, le sommet de la ligue arabe à Alger (22-24 mars 2005), avec toutes les tentatives de réchauffement des relations entre les deux pays. Peine perdue! En fait, le Maroc n’a jamais été et ne sera jamais, de bonne foi dans sa volonté de rapprochement avec l’Algérie, attitude qu’on connait bien en Mauritanie!

Aujourd’hui, le roi du Maroc demande à l’Algérie de ré-ouvrir les frontières terrestres; de permettre la circulation des biens et des personnes et de «normaliser» les relations diplomatiques entre les deux pays.

Le hic dans la nouvelle proposition du roi, c’est qu’il veut que cette redynamisation avec l’Algérie se fasse abstraction faite au conflit du Sahara Occidental, ce qui est pratiquement impossible, compte tenu du fait que ce conflit est non seulement au cœur des relations bilatérales de deux pays, mais aussi le moteur de leurs stratégies et de leurs crédibilités aux yeux de l’opinions publiques nationales et internationales.

En conclusion, le Maroc doit plutôt se comporter de façon réaliste et pratique, en permettant l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental. Car, la normalisation de ses relations avec l’Algérie est conditionnée par sa volonté d’aplanir tous les contentieux avec ce pays, notamment ceux relatifs aux tracés définitifs des frontières; le trafic frontalier; le conflit du Sahara Occidental, etc. … etc …

Or, la solution de tous ces contentieux n’est, malheureusement, pas pour demain. Au fond, le discours du roi Mohamed VI n’a qu’un seul objectif: confondre tout en chacun dans le but de gagner, encore, du temps.

Alors, jusqu’à quand?

 

Maître Takioullah Eidda, avocat

Montréal, Canada

(Reçu à Kassataya le 10 novembre 2018)

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