Mauritanie : Un blogueur toujours détenu un an après un jugement annulant sa condamnation à mort

• Alors que les autorités auraient dû le libérer en novembre 2017, Mohamed Mkhaïtir est toujours détenu dans un lieu secret

• Sa santé physique et mentale se dégrade du fait de sa détention prolongée
• 32 organisations de défense des droits humains font campagne pour sa libération et sa protection

Il faut que les autorités mauritaniennes libèrent rapidement et dans les meilleures conditions de sécurité un blogueur qui est toujours détenu alors qu’une cour d’appel a ordonné il y a un an de commuer sa peine de mort, ont déclaré Amnesty International, Human Rights Watch, Freedom Now, le Forum des organisations nationales des droits de l’homme en Mauritanie et 28 autres groupes de défense des droits humains le 8 novembre 2018.

Mohamed Cheikh Ould Mkhaïtir (35 ans) est toujours détenu dans un lieu secret, où il n’a que des contacts très limités avec sa famille et ne peut consulter ses avocats, car les autorités n’ont pas appliqué la décision de libération rendue par une cour d’appel le 9 novembre 2017.

Tenir un blog n’est pas une infraction et, conformément à la décision de la justice mauritanienne, cet homme doit être libéré immédiatement et sans condition. En outre, il faut que les autorités étudient tous les moyens possibles d’assurer sa sécurité
Kiné-Fatim Diop, Chargée de Campagnes pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International

« En maintenant Mohamed Mkhaïtir en détention, les autorités mauritaniennes font preuve d’un profond mépris à l’égard de l’état de droit. Cet homme est un prisonnier d’opinion dont la vie est entre les mains des autorités simplement parce qu’il a exercé, pourtant de manière pacifique, son droit à la liberté d’expression, a déclaré Kiné Fatim Diop, chargée de campagne pour l’Afrique de l’Ouest à Amnesty International.

« Tenir un blog n’est pas une infraction et, conformément à la décision de la justice mauritanienne, cet homme doit être libéré immédiatement et sans condition. En outre, il faut que les autorités étudient tous les moyens possibles d’assurer sa sécurité. »

Mohamed Mkhaïtir a été arrêté le 2 janvier 2014 parce qu’il avait publié, en décembre 2013, un billet de blog sur l’esclavage et la discrimination, notamment à l’égard de la caste des forgerons, dont il fait partie.

Après cette publication, des manifestations de grande ampleur dont les participants réclamaient son exécution pour « blasphème » – notamment une qui a bénéficié de la bienveillance du président de la République – ont eu lieu dans tout le pays.

Inculpé d’apostasie

Mohamed Mkhaïtir s’est ‘’repenti’’ à plusieurs reprises, pendant son interrogatoire par la police et dans une déclaration écrite datée du 11 janvier 2014. Son procès s’est ouvert le 23 décembre 2015. Inculpé d’apostasie et d’outrage au prophète Mahomet, Mohamed Mkhaïtir a été condamné à mort le lendemain.

Le 9 novembre 2017, une cour d’appel a ramené sa peine à deux ans d’emprisonnement, qu’il avait déjà purgés, et lui a infligé une amende. En mars 2018, le ministre de la Justice, Mokhtar Malal Dia, a déclaré dans une interview que le blogueur était « toujours détenu quelque-part en Mauritanie ».

En mai les autorités mauritaniennes ont informé le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) que cet homme était « en détention administrative pour sa propre sécurité ».

Pendant près d’un an, les avocats de Mohamed Mkhaïtir n’ont cessé de demander à lui rendre visite mais le ministre de la Justice ne leur a pas répondu. Mohamed Mkhaïtir serait en mauvaise santé et aurait besoin de soins médicaux urgents.

« Au lieu de respecter la décision de justice, les autorités refusent de révéler où se trouve Mohamed Mkhaïtir et le privent de contacts avec le monde extérieur, a déclaré Fatimata Mbaye, défenseure des droits humains et avocate locale du blogueur.

« Cela s’apparente à une détention au secret, qui est une grave violation des droits humains. Il faut que les autorités mettent fin à cette détention arbitraire, libèrent Mohamed Mkhaïtir et assurent sa sécurité. »

Les Nations unies ont critiqué à plusieurs occasions la détention et la condamnation à mort de Mohamed Mkhaïtir. En juin 2017, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a conclu que le procès du blogueur avait été inique, que sa détention était arbitraire et que la Mauritanie bafouait le droit international.

En mai 2018, six experts des Nations unies spécialisés dans les droits humains se sont déclarés profondément préoccupés par la détention prolongée de Mohamed Mkhaïtir.

Ce cas est emblématique de la répression à laquelle le régime mauritanien soumet les libertés d’expression et d’information, en particulier celles des défenseur·e·s des droits humains qui font campagne contre les discriminations et des journalistes qui dénoncent le recours illégal au travail servile
Kate Barth, directrice juridique de Freedom Now

« Ce cas est emblématique de la répression à laquelle le régime mauritanien soumet les libertés d’expression et d’information, en particulier celles des défenseur·e·s des droits humains qui font campagne contre les discriminations et des journalistes qui dénoncent le recours illégal au travail servile, a déclaré Kate Barth, directrice juridique de Freedom Now.

« Il faut que la Mauritanie libère immédiatement et sans condition Mohamed Mkhaïtir et cesse d’emprisonner des personnes qui n’ont fait qu’exprimer pacifiquement leurs opinions. »

COMPLÉMENT D’INFORMATION

En avril 2018, l’Assemblée nationale a adopté un texte qui remplace l’article 306 du Code pénal et rend la peine de mort obligatoire en cas de « propos blasphématoires » et d’« actes sacrilèges ».

La nouvelle loi supprime ainsi la possibilité, prévue par l’article 306, de remplacer la peine capitale par une peine d’emprisonnement pour certaines infractions liées à l’apostasie lorsque l’auteur se repent immédiatement. En outre, elle étend le champ d’application de la peine de mort aux « actes de rébellion ». Le fait que la loi soit entrée en vigueur quelques mois seulement après qu’une cour d’appel a ordonné la libération de Mohamed Mkhaïtir semble avoir un lien avec cette affaire.

La Mauritanie a ratifié de nombreux traités internationaux concernant les droits humains, y compris le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), la Convention contre la torture et la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples, qui protègent le droit à la vie.

La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit.

Le Comité des droits de l’homme examinera l’application du PIDCP par la Mauritanie en 2019.

 

SIGNATAIRES

Action des Chrétiens pour l’abolition de la Torture (France) ; Africtivistes ; Amnesty International ; Anti-Slavery International ; Association des Blogueurs pour une Citoyenneté Active (ABCA)- Niger ; Association des Femmes Chefs de Famille (Mauritania) ; Association Mauritanienne des Droits de l’Homme (Mauritania) ; Association Villageois 2.0 (Guinea) ; Committee to Protect Journalists (CPJ) ; Comité de Solidarité avec les Victimes des Violations des Droits Humains en Mauritanie (CSVVDH) ; Ensemble Contre la Peine de Mort ; FIDH (International Federation for Human Rights) within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders ; Fondation Sahel (Mauritania) ; Forum des Organisations Nationales des Droits de l’Homme en Mauritanie (FONAD) ; Freedom Now ; Freedom United ; GERDDES-Mauritania ; Human Rights Watch ; International Publishers Association ; International Humanist and Ethical Union (IHEU) ; Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritania) ; Minority Rights Group International ; PEN America ; Réseau des bloggeurs du Burkina ; Pour une Mauritanie verte et démocratique ; Réseau des blogueurs du Sénégal #NdadjeTweetup ; Reporters without borders ; SOS Esclaves- Mauritania ; The Raoul Wallenberg Centre for Human Rights ; Touche pas à ma Nationalité (Mauritanie) ; Unrepresented Nations and Peoples Organization ; World Organisation Against Torture (OMCT) within the framework of the Observatory for the Protection of Human Rights Defenders

 

 

 

Source : Amnesty International

 

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