Aéroport Charles-de-Gaulle : dans la zone des étrangers « non-admis » en France

Chaque jour, à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, des étrangers soupçonnés de vouloir entrer illégalement en France sont retenus dans une zone réservée, appelée la ZAPI. Située à quelques pas des pistes d’atterrissage, l’enceinte est ultra-sécurisée et fermée au public. Pour les ONG, le lieu est une « prison » qui ne dit pas son nom, une zone où les droits des étrangers sont bafoués et les expulsions expéditives. InfoMigrants a pu exceptionnellement y accéder.

 

ZAPI, salle d’attente de la France

Dans le réfectoire de la ZAPI. Crédit : InfoMigrants

 

 

Audrey s’amuse à faire des grimaces à la petite fillette qu’elle tient dans ses bras. « Elle n’est pas à moi », précise-t-elle d’emblée en montrant la mère du doigt, assise sur un autre banc, à quelques mètres de là. « Je m’amuse avec elle pour passer le temps ». Audrey, une Gabonaise de 28 ans, vit en ce moment entre les quatre murs de la zone d’attente de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle, aussi appelée ZAPI – un lieu réservé aux personnes qui ne sont pas autorisées à entrer sur le territoire français.

Le rire d’Audrey est à peine audible. Celui de la petite fille aussi. Ils sont couverts par le vrombissement d’un avion qui vient d’atterrir à moins de 50 mètres d’eux. « Ce bruit, c’est dur… Ça nous empêche de dormir, on entend les avions tout le temps… », deplore la jeune Gabonaise sans même jeter un regard à l’immense appareil dont les ailes frôlent les grillages de la ZAPI.

Audrey, une Gabonaise de 28 ans, bloquée dans la ZAPI. Crédit : InfoMigrants

Cette antichambre du territoire français jouxte les pistes de l’aéroport. Ni tout à fait en France, ni même à l’étranger. « La ZAPI, c’est un peu une excroissance de la zone internationale », explique Alexis Marty, le chef de la division immigration de la police aux frontières (PAF). Juridiquement parlant, la zone n’est effectivement pas sur le territoire français. « C’est un endroit où se trouvent les personnes à qui on refuse l’entrée en France et dans l’espace Schengen » pour défaut de visa, documents de voyage douteux… Audrey, qui y séjourne depuis moins d’une semaine, raconte avoir été interceptée à sa descente d’avion. Elle a été placée là parce qu’elle n’avait pas « d’hôtel » et « pas assez d’argent ».

Pour un séjour de moins de trois mois en France, les étrangers doivent en effet remplir certaines conditions avant de fouler le sol hexagonal : avoir un passeport valide, obtenir un visa (selon les pays de provenance), fournir une assurance médicale couvrant la durée du séjour et une attestation d’accueil (hébergement en hôtel ou chez sa famille), disposer de ressources financières suffisantes, et être en possession d’un billet retour.

Touristes mal préparés ou immigrés clandestins ?

Les voyageurs étrangers interpellés à la douane car ils ne remplissent pas ces conditions finissent généralement en ZAPI. « Nous n’envoyons pas tout le monde là-bas », tient à nuancer Alexis Marty. « Il y a des touristes distraits qui ont vraiment mal préparé leur voyage, qui ont oublié un justificatif. Mais il y a aussi ceux dont l’intention est différente, qui produisent de faux-papiers pour essayer d’entrer illégalement sur le sol européen ».

Vue d’ensemble de la zone extérieure dans la ZAPI. Crédit : InfoMigrants

Reconnaître le touriste étourdi du fraudeur n’est pas une chose facile. Une première étape est donc nécessaire. « Nous n’envoyons pas directement les gens en ZAPI, nous procédons à des premières vérifications. À la sortie de l’avion, nous emmenons les cas suspects dans une ´salle de maintien’ pour vérifier leurs papiers, leur poser des questions, écouter leurs réponses, vérifier leurs informations. Si tout va bien, nous les relâchons au bout de quelques heures », précise Alexis Marty. « Mais si les incohérences et les doutes persistent, si des personnes produisent des faux papiers ou pas de papiers du tout, si le ‘risque migratoire’ existe, nous plaçons ces personnes en ZAPI ».

En cette journée d’octobre, la zone d’attente de Roissy compte 96 personnes, dont un mineur seul. Le nombre de personnes y fluctue quotidiennement. « Généralement, le temps passé en ZAPI est de 4 jours et demi, la rotation est donc assez rapide à l’intérieur », précise Serge Berquier, commandant de police, chef de la ZAPI. La durée maximale y est de 20 jours. Les hommes, les femmes et les enfants – même les mineurs seuls – peuvent y être envoyés. Il n’y a pas de limite d’âge.

Au terme des trois semaines de rétention, le « ZAPIste » n’a que trois options : soit il est finalement autorisé à entrer sur le territoire français (avec un sauf-conduit), soit il est « réacheminé » vers son pays de provenance, soit il est placé en procédure judiciaire (pour refus d’embarquer, fraude aux documents d’identité…) En 2016, près de 7 000 personnes ont été retenues à Roissy, dont 53% ont été immédiatement refoulés.

En attendant de connaître leur sort, les « ZAPIstes » patientent comme ils peuvent, Ils déambulent dans l’espace extérieur, restent dans leur chambre, ou s’installent dans la salle de télévision. Les « ZAPIstes » ne sont pas « détenus » mais « retenus », précise la PAF. Ils ont donc des droits, ils peuvent recevoir la visite de leurs proches, ils ont accès à un service de restauration, à une assistance juridique et humanitaire délivrée par la Croix-Rouge, qui tient une permanence dans la ZAPI.

« Ce n’est pas une prison », ajoute Alexis Marty, de la police aux frontières. « Ici, vous pouvez garder vos effets personnels, vos téléphones portables, vous pouvez aller et venir hors des chambres comme bon vous semble. La seule restriction, c’est l’interdiction de sortir ».

Pas une prison certes, mais un lieu de privation. Tous les téléphones portables ne sont pas autorisés. Ceux dotés d’un appareil photo sont automatiquement confisqués.

Lire la suite

Source : Infomigrants-net

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source www.kassataya.com

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page