Une victime, un médecin et des tribus…

Depuis quelques jours, certains mauritaniens, les plus éloignés de l’affaire, voient apparaître la photo d’un tissu bizarre dans une salle d’opération à côté de ciseaux, le tout accompagné de commentaires en arabe pas toujours déchiffrables. Parfois c’est la photo d’un monsieur qui accompagne le tissu. Le monde francophone s’est aussi emparé de l’affaire. On a fini par comprendre que ce maure blanc aux traits minces est le médecin accusé d’avoir oublié un tissu dans le ventre d’une patiente qui a dû courir au Sénégal pour découvrir la faute professionnelle.

Sur le net deux camps : les uns accusant le médecin de faute grave car il est le chirurgien et il est donc responsable de l’opération de bout en bout même si ce n’est pas lui est censé compter les corps étrangers qui servent à absorber le sang pendant l’opération. D’autres soutiennent le médecin contre vents et marées en estimant que ce qui s’est passé n’est pas une faute professionnelle grave mais juste un accident ou même juste une erreur qui, comme chacun sait, est humaine.

Personnellement je ne connais pas ce médecin et je n’ai pas même cherché à savoir de quelle tribu il est mais à voir les réactions des uns et des autres, il semble clair que le tribalisme et le régionalisme ne sont pas étrangers à l’ampleur de l’affaire sur les réseaux sociaux.

Que les médecins défendent leur confrère, c’est un réflexe de corps banal qui peut prendre une tournure nationaliste sachant que la victime a été sauvée hors du pays par un médecin sénégalais car personne à Nouakchott, malgré ses douleurs, n’a peu tirer la sonnette d’alarme prétextant, comme le rapportent certains, que ce médecin et d’autres ont estimé que les douleurs étaient normales après une telle opération.

On peut s’étonner seulement que dans un pays où chacun a en mémoire une opération qui a mal tourné ou un mauvais diagnostic dangereux, on n’ait jamais eu sur le net le nom d’un médecin jeté ainsi en pâture à l’opinion publique. Il faut dire que les temps ont changé et que beaucoup de médecins ont toujours profité de la pudeur des victimes qui ne veulent pas mettre sur la place publique des affaires intimes. Quelque part on peut se féliciter du changement d’approche. Il est temps que les médecins sachent qu’ils ne sont plus intouchables. Cela va obliger les moins vertueux à faire plus attention surtout aux équipes qui les accompagnent.

Quant au volet tribal : on entend certains beaux esprits dire que leur opinion à propos de cette affaire est à l’abri de toute considération tribale car «ils n’ont pas de tribu».

J’admire cette rare indépendance intellectuelle mais je tiens à rappeler combien chez nous c’est de plus en plus compliqué de tenir pareil discours car si quelqu’un de « chez vous » au sens tribal et régional du terme commet une faute professionnelle ou qu’il est juste responsable sans être directement coupable, comme cela peut arriver dans un travail d’équipe dont il serait le chef, tout de suite il sera d’abord accablé sur les réseaux sociaux par celles et ceux qui n’ont aucun lien tribal ou régional avec lui.

Face à ça, si vous décidiez d’agir comme si vous n’aviez pas de tribu, vous finiriez par faire le jeu de ceux qui l’accablent non seulement parce qu’il serait fautif mais aussi et surtout parce qu’ils n’ont aucun lien tribal ou régional avec lui. Ainsi pendant qu’ils vous féliciteraient de votre liberté de conscience, ils souriraient de votre bêtise et même de votre traîtrise à tirer sur l’un des vôtres.

Voilà, à quelques rares exceptions près, ce qui explique que dans cette affaires, il n’y ait que deux camps :  les uns qui l’accablent peut-être à juste titre et d’autres qui le défendent aveuglément pour les raisons dont je parle.

J’ai personnellement eu affaire à deux ophtalmologues,  » professeurs » tout deux dont l’un est de « chez moi ». J’ai critiqué le diagnostic des deux preuves à l’appui et j’ai donné leurs noms. J’ai eu droit à mille reproches et tout ce qui m’a sauvé d’être accusé d’en n’accabler un qu’à titre tribal c’est que l’autre est censé être de « chez moi ». Chez nous qu’on le veuille ou non tout est désormais affaire tribale. Nul ne peut lutter contre cela tout seul sans faire le jeu des uns contre les autres.

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Vlane

Source : Chezvlane

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