Pour limiter le réchauffement climatique, quels sont les efforts « sans précédent » à fournir?

Pour stopper la hausse des températures à 1,5°C, le rapport du Giec évoque des changements technologiques, énergétiques et économiques importants.

 

SCIENCE – En 2015, lors de la COP 21, le monde entier semblait s’être mis d’accord pour tenter de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Après la signature de l’Accord de Paris, les Etats ont donc demandé au Giec, l’organisme scientifique international en charge du climat, de réfléchir aux solutions pour y parvenir.

Le résultat a été rendu public ce lundi 8 octobre. Le rapport, et son résumé aux décideurs, fait froid dans le dos. Les changements nécessaires sont « sans précédent » en termes d’échelle et impliquent des réductions drastiques d’émissions de gaz à effet de serre dans tous les secteurs, des mesures d’atténuations larges et une augmentation « significative des investissements ».

Alors que Donald Trump souhaite sortir de l’Accord de Paris, que le favori de l’élection présidentielle brésilienne veut faire de même et que l’Arabie Saoudite a passé la semaine dernière à tenter de torpiller le rapport du Giec, difficile de ne pas être sonné par les chiffres avancés par les scientifiques.

Pour autant, le jeu en vaut la chandelle, rappelle le Giec. Et tout espoir n’est pas perdu. Car comme le précise le rapport, si ces changements sont « sans précédent » en termes d’échelle, ils ne le sont « pas nécessairement en termes de vitesse ». Ce qui veut dire que si nous avons par le passé réussi, dans des secteurs spécifiques, des transitions très rapides, nous n’avons jamais tenté un changement de paradigme si global en si peu de temps.

Ne plus polluer ne suffira pas

Pour ne pas dépasser le seuil fatidique des 1,5°C, il est nécessaire de diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de 45% en 2030 par rapport à 2010. Elles devront être nulles en 2050.

Et diminuer nos émissions de gaz à effet de serre ne suffira pas. Dans tous les scénarios envisagés par le Giec pour rester sous les 1,5°C, il est nécessaire d’utiliser des techniques permettant de retirer du dioxyde de carbone de l’atmosphère.

Des méthodes plus ou moins comprises, et dont les implications sont encore incertaines. Ainsi, si certaines techniques naturelles, comme la reforestation, sont bien cernées, d’autres, comme la « gestion du rayonnement solaire » sont plus problématiques.

« Ici, l’idée c’est de réduire le réchauffement non pas via la réduction des gaz à effets de serre, mais en diminuant la source d’énergie, le Soleil, en vaporisant des aérosols dans l’atmosphère. Mais ce sont des méthodes hautement technologiques, très risquées du côté des effets secondaires », précise au HuffPost Joël Guiot, l’un des auteurs du rapport du Giec, paléoclimatologue au CNRS.

Un coût élevé… ou plutôt un investissement

Logiquement, plus nous arrivons à réduire rapidement les émissions de gaz à effet de serre en réalisant une transition vers des énergies propres et électriques, moins nous aurons besoin de compter sur ce type de technologies. Mais cela a un coût. Encore plus si l’on souhaite rester sous la barre des 1,5°C

C’est un effort plus important que celui visant à limiter le réchauffement climatique à 2°C. Cela demande, toujours selon le rapport, un investissement annuel 12% supérieur d’ici 2050 par rapport au scénario 2°C.

Au global, il faudrait investir environ 2,5% du PIB mondial d’ici 2050 dans les systèmes énergétiques pour assurer une transition écologique compatible avec l’objectif des 1,5°C, note le rapport du Giec. Mais ce coût doit être vu comme un investissement d’avenir qui sera rentable. C’est en tout cas le point de vue de 15 scientifiques, dont d’anciens patrons du Giec.

Dans une tribune appelant l’Union européenne a relever ses objectifs de réduction de gaz à effet de serre, les scientifiques rappellent que dans le détail, le rapport estime qu’un réchauffement à 1,5°C au lieu de 2°C « sauverait 1,5 à 2% du PIB mondial d’ici 2050 et 3,5% à la fin du siècle », le tout sans inclure l’impact à long terme de la hausse du niveau de la mer. Hausse qui serait réduite de 20% dans le scénario 1,5°C.

Changer le système capitaliste

En attendant, d’un point de vue économique, de tels changements impliqueraient une refonte globale de notre société. Car limiter le réchauffement à 1,5°C sera plus coûteux. « Pour schématiser, cela veut dire que s’il fallait une taxe de 100 euros pour 2°C, il en faudrait une 300 ou 400 euros, dans le monde, pour arriver à 1,5°C », explique au HuffPost Jean-Charles Hourcade, économiste au CNRS et auteur du rapport du Giec.

« C’est un chiffre très important, mais il peut ne pas être catastrophique », détaille-t-il. Par exemple, cette taxe pourrait également servir à baisser certains impôts. « A mon avis, ces réformes peuvent changer le fonctionnement du système capitaliste. Il y aurait moins d’investissements sur la pierre et plus sur les technologies bas-carbone », estime l’économiste.

« Cela demande une réorientation très profonde des systèmes fiscaux dans le monde. Pour autant, le rapport ne préconise rien, il donne les réformes nécessaires à mettre en place pour que les conditions permettant une limitation du réchauffement climatique à 1,5°C soient respectées ».

De manière générale, le rapport rappelle que ces investissements dans la transition énergétique, comme l’adaptation aux changements climatiques, sont très liés à d’autres domaines. « La justice sociale et l’équité sont des aspects fondamentaux » des politiques visant à limiter le réchauffement climatique à 1,5°C, précise le rapport. D’ailleurs, « une large majorité d’études n’ont pas réussi à construire de chemins » permettant de rester sous ce seuil sans une coopération internationale et une lutte contre la pauvreté et l’inégalité.

Pour que les choses changent, il est en tout cas nécessaire « d’intégrer les politiques climatiques dans d’autres politiques sociales », affirme Jean-Charles Hourcade. Est-il encore temps? « Je ne pense pas qu’on ait régressé depuis 2015, mais si on continue, on va le faire. Si demain, les banques font le basculement, si la fiscalité est réorientée, alors peut-être qu’on fera des choses suffisamment profondes », estime l’économiste. Et de conclure: «  »Est-ce qu’on va gagner la guerre avec ces mesures? Je ne sais pas. Mais tant qu’on continue à faire ce que l’on fait, on la perdra ».

Gregory Rozieres

Source : HuffPost

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