Deux tours pour désigner des conseils municipaux, régionaux et des députés : Et Maintenant ?

Les mauritaniens se sont rendus aux urnes le 15 septembre pour le 2ème tour des élections municipales, régionales et législatives de 2018. Une élection qui a mis aux prises plusieurs partis politiques dont certains n’existaient jusque là que de nom. Au terme de ce scrutin, l’un des plus complexes que le pays ait connu, le principal parti de la majorité présidentielle remporte, non sans difficultés, une majorité  plus que confortable. Il se fait talonner  par le parti islamiste, Tawassoul qui vient  conforter sa domination sur l’opposition démocratique depuis 2013. En attendant la proclamation par la CENI  des résultats provisoires  du scrutin du 15 courant, l’Union  pour la République  (UPR) rafle  89 députés sur les 157,  à l’Assemblée nationale,  ne laissant  aux autres  concurrents qu’une portion congrue : 31 sièges. Les  résultats du 2e tour contrastent, quelque peu,  avec ceux du 1e tour, l’UPR avait été contrainte au ballotage dans de nombreuses circonscriptions, même les plus emblématiques, Nouakchott, Nouadhibou, Zouerate, Kaédi… En s’emparant des 22 sièges en ballotage, l’UPR  atteint l’objectif que  son patron lui avait  assigné, à savoir une majorité confortable  au Parlement, composé, depuis août dernier d’une seule chambre. De ces deux tours du scrutin, on peut tirer quelques  enseignements.

L’absence de consensus autour de la gestion du processus électoral. L’opposition dite radicale ayant été écartée de la composition de la CENI qui a prouvé, en dépit des bonnes intentions affichées par son président, ses nombreuses limites. L’opposition n’a pas hésité d’évoquer l’existence d’une CENI parallèle  qui dicte, à celle officielle les volontés du pouvoir. Elle relève des « falsifications » des résultats des partis et coalition pour faire place aux listes  de l’UPR et de ses  satellites. C’est dire qu’avec  sa composition actuelle, la CENI serait très  mal placée pour conduire les élections présidentielles de 2019. Un  net recul  démocratique  par rapport aux élections de 2007, et dans une certaine mesure, celle de 2013 que les observateurs n’ont pas manqué de relever. On a noté l’usage abusif de la corruption et d’achat des consciences, pression sur les citoyens et fonctionnaires pour voter pour le parti au pouvoir, le recours au vote militaire etc.  Des dysfonctionnements  auxquels  doit s’attaquer le  prochain gouvernement qui serait bien inspiré de trouver un consensus autour de la gestion du processus électoral.

Net recul

Autre enseignement, le pouvoir  en place a contribué, par l’engagement personnel du président  de la République  et  de l’administration, à porter un sérieux  coup à l’image d’une  compétition électorale non inclusive, à  une CENI  qui  cherchait  encore  ses pas. En appelant  ouvertement  les mauritaniens à donner une majorité écrasante à son parti, l’UPR, le président de tous les mauritaniens  n’a pas rendu un gros service à notre démocratie. Certains  mauritaniens  dont les hauts cadres  et notables  qui se demandent ce qu’il va en faire,  se sont précipités, pour  mobiliser les leurs,  pour  user de tous les moyens en vue d’atteindre cet objectif. Partout où il  était en  ballottage,  l’UPR  a vu accourir  ses grosses pontes  pour lui prêter main forte.  Le président de la République doit certainement s’être rendu compte que sans lui, l’UPR ne pèse pas gros sur le terrain. N’est-ce pas lui qui  avait jugé utile  de redynamiser ce mammouth,  quelques semaines avant les élections ? Il doit poursuivre la  lessive.

De son côté, l’opposition  démocratique  se doit une profonde autocritique. Son émiettement et l’absence d’ancrage de certains d’entre ses partis  sur le terrain commandent une véritable remise en cause. Les élections doivent ouvrir les yeux aux responsables politiques  pour se sortir des stratégies individuelles, selon Me Bettah, président du CDN. Des micro-partis, sans militants, sans moyens ne peuvent construire de projets de société viables,  ne peuvent  convaincre  des citoyens à  y adhérer. C’est tout l’enjeu  des prochains mois. Les mauritaniens  dont certains ont fini par devenir cyniques,  attendent mieux de leurs acteurs politiques : susciter  l’espoir chez les citoyens, en particulier chez la  jeunesse, changer la manière de faire de la politique en acceptant de se fondre dans un  grand parti politique, entre autres. Les partis politiques ne doivent pas se préoccuper du sort que la loi sur la dissolution des partis politiques réserve à ceux qui n’ont pas obtenu 1% pendant deux élections, mais plutôt comment  parvenir à une arène politique assainie, dynamique, à même d’offrir une alternative  viable. Un chantier  que doivent attaquer, sans plus tarder les acteurs politiques de l’opposition, mais aussi du pouvoir.

 

DL

 

Source : Le Calame

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Quitter la version mobile