Il était une fois… des contes africains

Assis en demi-cercle sur la place Sainte-Cécile à Cotonou, un public de 7 à 77 ans écoute religieusement le conteur raconter l’histoire de la petite fille qui, désobéissant à ses parents, a sifflé la nuit et bien failli se faire dévorer toute crue par des animaux sauvages.

 

Comme chaque année au Bénin, entre le 14 et le 15 août, plus d’une trentaine de communes, petits villages ou grandes villes accueillent la nuit des contes: une fête organisée par l’association franco-béninoise Mémoires d’Afrique depuis une vingtaine d’années.

Bercée par le calme de la nuit, à la lumière de quelques lampes à pétrole apportées par les spectateurs, Melissa Djimadja, 18 ans, profite de cette soirée pour elle inédite.

C’est « la première fois de ma vie qu’on me raconte une histoire entre hommes et animaux », s’enthousiasme-t-elle. Dans cette histoire digne du Petit Chaperon Rouge dévoré par le loup, la petite villageoise désobéissante est, elle, sauvée par son voisin chasseur qui parvient à effrayer les méchantes bêtes.

« On m’a toujours interdit de siffler la nuit sans que je comprenne pourquoi. Désormais j’en sais davantage », lance la lycéenne, pressée de se concentrer sur une nouvelle histoire racontée cette fois-ci par Amélie Armao, une « conteuse professionnelle » venue de France et passée par le Togo voisin pour s’inspirer de nouvelles fables.

« J’ai débuté ma carrière de conteuse par des contes africains », explique-t-elle. « Je les trouve plein de messages drôles, et plein de philosophie ».

Pour Chris-Maël Tonoukouin, enseignant dans un établissement privé de Cotonou, cette soirée de contes est l’occasion de retrouver avec plaisir des sensations depuis longtemps oubliées.

« Dans le bon vieux temps, nous nouions des draps de lit au-dessus de nous et nous nous asseyions à même le sol, autour d’une lampe à pétrole », se souvient le professeur de français. « On écoutait nos grands-parents raconter ces histoires drôles entre êtres humains et animaux. »

 

– « Sagesse africaine » –

 

Si M. Tonoukouin est aussi nostalgique, c’est que cette tradition de l’oralité, si importante en Afrique de l’Ouest, se perd peu à peu.

« Nous devons agir, à travers les contes, pour que la sagesse africaine ne soit pas complètement emportée dans les tombes par les vieillards qui meurent », explique Raoul Atchaka, représentant national de l’association Mémoires d’Afrique.

Ainsi, tous les soirs du 14 août, le Bénin « réveille les contes », comme il dit, « pour que les populations elles-mêmes s’approprient les contes et continuent à les enseigner aux jeunes générations ».

L’association avait lancé en 2000 un concours d’écriture auquel ont participé plus d’un millier de jeunes Béninois. Il a permis de rassembler plus de 1.500 contes et légendes et de publier ensuite plusieurs ouvrages.

« Le conte, qu’il soit pris comme genre littéraire et/ou discipline artistique, est pour nous une forme de perpétuation des savoirs, des langues, des pratiques et de l’histoire des peuples », estime Patrice Toton, conteur professionnel béninois en France.

Son association, « Katoulati », active dans les deux pays, entend démocratiser le conte auprès de publics variés, allant des écoles primaires aux centres de loisirs, en passant, de manière plus inattendue, par les lieux de pouvoir comme les ministères ou le Parlement.

Mais pour Carmen Toudonou, auteure béninoise, l’avenir du conte africain ne se trouve pas dans les palabres, sous les arbres ou au bord des rivières, mais dans les livres.

« J’encourage les écrivains d’ici à mieux s’intéresser à ce genre, pour pouvoir offrir à nos enfants des histoires à travers lesquelles ils peuvent se reconnaître, s’identifier », explique-t-elle à l’AFP.

« Nous devons leur créer des héros africains, aux côtés des Blanche-Neige et autres Petit Chaperon Rouge », assène cette auteure de nombreux livres pour enfants. « À charge ensuite pour les parents de leur lire très tôt des histoires, pour en faire plus tard des amoureux de belles histoires, des amoureux de la lecture ».

Et peut-être que dans 100 ans, les enfants béninois se souviendront encore qu’il ne faut pas siffler la nuit, au risque de réveiller la colère des bêtes féroces.

 

Source : SlateAfrique

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