MAURITANIE À L’ÉGARD DU MALI : POSITION DE NON INGÉRENCE, NON INDIFFÉRENCE!

Le 6 juillet 2018, le site MALIACT.NET a publié un article intitulé: «Mali: terrorisme: des preuves de connexion entre Nouakchott et AQMI», par Jean-Pierre James.

Permettez-moi d’apporter les éléments suivants à titre d’éclaircissement, mais aussi de réponse:

Oui, je suis d’accord avec M. James, que le Mali et la Mauritanie sont liés par des «liens séculaires de bon voisinage». Mais, pour ma part, au de-là du voisinage, ces pays sont frères dans tous les sens du mot.

C’est la raison pour laquelle la Mauritanie a toujours répondu présente aux côtés du Mali, et ce, abstraction faite aux régimes politiques en place et bien sûr, des circonstances liées aux dérapages institutionnels du moment.

On n’a qu’à penser aux évènements des années quatre vingt dix, mais aussi à ceux des dernières années, lesquels évènements ont amené la Mauritanie a abrité des milliers de réfugiés maliens, lesquels réfugiés sont encore aujourd’hui sur son sol.

I- GÉNÈSE DE L’INSTABILITÉ MALIENNE :

Ceci dit, on ne doit pas perdre de vue que le Mali et la Mauritanie, frères soient-ils, sont deux pays souverains et indépendants l’un de l’autre, si bien que leurs stratégies, leurs visions et leurs intérêts peuvent diverger par moment, mais toujours dans le respect mutuels.

À cet égard, nos frères du Mali ont adopté une position discutable dans la gestion des problèmes endémiques, identitaires et administratifs, relatifs à la région du Nord du pays. La Mauritanie respecte foncièrement les choix du gouvernement malien à cet égard. Mais, de grâce, ne lui demandez pas de les cautionner!

Alors, si cette position maladroite intransigeante des autorités maliennes a poussé une partie de la population de l’AZAWAD à se tourner contre son pays à partir de la Libye, la Mauritanie n’est pour rien! Que le Mali qualifie ses opposants de «terroristes» et veut que la Mauritanie adopte la même position et qualificatif, cela est on ne peut plus paternaliste.

Mieux, compte tenu de ses liens viscéraux avec le Mali, la Mauritanie ne pouvait, ne peut et ne doit se placer entre l’arbre et l’écorce, à savoir entre l’État malien et ses propres citoyens. Évidemment, elle reste, quand même, préoccupée par ce qui lui arrive ou lui arrivera à l’avenir.

II- LE PROBLÈME EST UN PROBLÈME INTERNE AU MALI:

Hélas, sous le régime de Ould Taya, la Mauritanie a expérimenté la stratégie malienne, en donnant main forte à son l’armée. On connait le résultat! Les deux pays furent frappés par une vague d’attentats terroristes sans précédent, et comble du malheur, deux Coups-d‘État interviennent dans les deux pays respectifs.

La conséquence du Coup-d’État opéré en Mauritanie, est que les nouvelles autorités ont décidé de revenir aux fondamentaux originels, de base, dans la gestion des affaires de souveraineté: restructurer les forces de défense et de sécurité, leur donner les moyens nécessaires et, enfin, cadenasser les frontières.

Malheureusement, le Coup-d’État au Mali fut une catastrophe inqualifiable! Nos frères du Mali se sont enfargés dans des conflits institutionnels, voire intestines, y compris à l’intérieur des forces de défense et de sécurité: bonnets rouges contre bonnets verts … et j’en passe!

Or, les racines du problème sont ailleurs, et les autorités maliennes n’ont, malheureusement, pas su faire le bon diagnostique, encore moins adopter la bonne stratégie et posture, en toute lucidité et détermination, et ce, même encore AUJOURD’HUI.

Tous les malheurs du Mali lui viennent de cet aveuglement systématique de ses dirigeants; aveuglement coulé dans une opiniâtreté sans borne.

III- LA MAURITANIE S’OCCUPE DE SES AFFAIRES:

Contrairement aux allégations sans fondement ni preuve de M. James, la Mauritanie n’a aucun lien avec l’AQMI, encore moins un «deal» avec ce groupe terroriste, ou toute autre fraction de la nébuleuse d’Al Qaida. Et au risque d’être simpliste, la paix dans laquelle baigne la Mauritanie aujourd’hui, lui revient d’une simple stratégie: elle s’occupe de ses affaires, à l’intérieur de ses frontières et elle ne cherche AUCUN ennemi en dehors de celles-ci.

Ça va de soi, qu’à proprement parler, l’État n’a pas d’amis, il n’a que des intérêts! Quand il s’agit de questions relatives à l’intégrité du territoire et la protection des citoyens et leurs biens, tout gouvernement a une obligation de RÉSULTAT. Il est donc tenue de prendre toutes les mesures nécessaires, eu égards aux circonstances, y compris négocier avec des groupes descendus directement de la «planète Mars»!

Mais bon, pourquoi rencontrer des martiens, alors que la stratégie simple du «occupe toi de ce qui te regarde» demeure encore et toujours payante! La preuve est que tous les pays qui ont adoptée cette stratégie, sont demeurés stables et sécuritaires: du Canada à la Finlande en passant par l’Islande.

IV- LE MAURITANIE ET LE GROUPE DU G5 SAHEL:

En Mauritanie on pense que l’extraterritorialité de notre armée ne doit s’exercer que dans le cadre d’une FORCE DÉFENSIVE DE MAINTIENT DE LA PAIX, suivant une résolution claire de l’ONU, à l’instar de la mission en Centre-Afrique!

Car, la stratégie de la guerre aux fantômes, comme on cherche à le faire par le biais du G5 Sahel, a démontré son aveuglement, sa barbarie, son engrenage, son irrationalité et ses limites. En fait, cette stratégie, du vent en guerre, est un échec cuisant pour ses adeptes: France au Mali, USA en Irak, en Afghanistan, L’Arabie-Saoudite au Yémen …, etc.

Car, au de-là des calculs géostratégiques français ou je ne sais qui d’autre, la Mauritanie n’a aucun intérêt à faire partie de ce G5.

En effet, tant que le Mali n’ait pas décidé, de bonne foi et de bonne volonté, de régler DÉFINITIVEMENT les revendications politiques et identitaires dans la région de l’AZAWAD, toute la région du Sahel restera instable et, malheureusement, ne connaitra jamais une paix durable! Toutes les analyses et tous les indicateurs convergent et se superposent à cet égard.

Alors, pourquoi ne pas prendre tous ces moyens financiers mobilisés pour cette force de G5 et les mettre à la disposition du processus de paix au Mali, plutôt que de les fumer sous le Soleil du Midi de ce désert brulant et son vent de l’Harmathan?

Aujourd’hui, les autorités de notre pays ont décidé, malheureusement, de se lancer dans ce G5! Soit! Mais nous, en tant que citoyens, nous voulons seulement la paix. Et cette paix, nous l’a voulons partagée avec nos frères au Mali, du Nord au Sud, et avec tous les autres les pays de la région et ailleurs. On lance donc un vibrant appel à nos frères maliens de chercher une issue rapide à ces problèmes identitaires et ethniques afin d’assoir une réelle paix durable, suivit d’un développement économique bénéfique à tous.

 

 

Maître Takioullah Eidda, avocat

Montréal, Canada

(Reçu à Kassataya le 16 juillet 2018)

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