Portrait du bon président africain

Il  existe en ce moment dans l’un des 54 pays africains, un chef d’Etat qui intrigue. Ce leader qui parle peu a réduit son salaire de 100 000 à 7 000 dollars mensuels, bousculant ministres et collaborateurs.

 

Situé entre le populisme spectaculaire d’un Nana Akufo-Addo et le pragmatisme martial d’un Paul Kagamé, ce président africain s’inscrit plutôt dans l’école de José Mujica, l’ancien président uruguayen, qui avait réduit son salaire de 90% pour compatir avec les plus démunis. A défaut de trouver la baguette magique (laquelle n’existe pas dans l’histoire du développement) ce leader démocratiquement élu s’est, depuis son investiture en novembre 2015, armé d’une pioche pour tailler dans les effectifs d’une fonction publique enflée par les emplois fictifs.

Son tout dernier acte porte sur le licenciement de 10 000 fonctionnaires titulaires de faux diplômes. Sa première décision fut, au tout début de sa mandature, outre le fait, évoqué ci-dessus, de réduire son salaire et  d’annuler les fastueuses cérémonies d’indépendance.

Dans la même veine, les fonctionnaires candidats aux missions à l’étranger se sont vus invités à documenter leurs déplacements. Les dîners parlementaires réservés aux députés ont été supprimés et reversés dans les budgets des hôpitaux publics.

Mathématicien et chimiste de formation, ce chef d’Etat, anciennement ministre de l’Elevage, n’a pas le verbe fleuri d’un Alpha Condé, la réthorique révolutionnaire de Maduro mais, à coup sûr, la détermination d’un Mao pour affronter les obstacles et le réformisme d’un Attatürk pour forcer le destin.

À la différence du populisme «sekoutourien» qui consistait en un procès continu du colon bouc-émissaire, ce chef d’Etat a décrété la gratuité de l’éducation en levant les fonds nécessaires à ce qui fut sa grande promesse électorale.

Ce président porte un surnom: le « Tingatinga » ou «bulldozer » en swahili. C’est clair, John Pombe Joseph Magufuli, 62 ans, n’a pas l’obsession paralysante du deuxième mandat.

Héritier de Julius Nyerere, l’actuel président tanzanien est le continuateur d’un dirigisme démocratique à l’africaine.

Héritier de Julius Nyerere, l’actuel président tanzanien est le continuateur d’un dirigisme démocratique à l’africaine. Son leadership repose sur la récompense et la sanction immédiate. Il n’a pas hésité à arrêter le directeur de la Tanzanian Revenue Authority suite à la découverte d’un trou de 40 millions de dollars dans les comptes de cette institution.

L’une de ses grandes décisions a porté sur l’audit transparent du secteur minier. Ce qui a abouti au limogeage du ministre des mines et au redressement de nombre de compagnies minières britanniques adeptes de la sous déclaration. L’impact de cet audit public est énorme.

Ainsi, une seule de ces entreprises fautives s’est vu appliquer une amende de 190 milliards de dollars. Grâce à une politique transparente, la Tanzanie a pu renégocier avec Petra Diamonds interpellé sur un cas flagrant de sous déclaration de diamants à l’export et trouvé un compromis avec Accacia Mining, filiale de Barrick Gold Corporation, première société mondiale productrice d’or, qui a consenti à payer une amende de 300 millions de dollars. La clé de répartition des bénéfices de l’exploitation du métal jaune a évolué au profit de l’Etat.

Bref, la Tanzanie est entrain de réécrire son histoire avec méthode et austérité grâce à son énigmatique président devenu depuis peu, la cible de la presse internationale et de certaines organisations dites des droits de l’homme. C’est que, on ne remet pas en cause l’ordre établi sans en payer le prix.

Adama WADE

Directeur de publication de Financial Afrik. Dans la presse économique africaine depuis 17 ans, Adama Wade a eu à exercer au Maroc dans plusieurs rédactions. Capitaine au Long Cours de la Marine Marchande et titulaire d’un Master en Communication des Organisations, Adama Wade a publié un essai, «Le mythe de Tarzan», qui décrit le complexe géopolitique de l’Afrique.

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