Coupe du monde de football en Russie : pourquoi être supporteur rend dingue

Des chercheurs en neurosciences se sont intéressés aux mécanismes cérébraux qui régissent les comportements, parfois fous, des supporteurs de football. Tout réside dans une motivation décuplée par un fort sentiment d’appartenance au groupe.

 

À l’heure où débute la Coupe du monde de football en Russie, vous vous demandez peut-être ce qui se passe dans le cerveau d’un supporteur hurlant seul devant sa télé, pleurant la défaite de son équipe fétiche ou participant à la liesse au milieu de 1,5 million de personnes un certain 12 juillet 1998… Qu’on s’intéresse au foot ou non, les comportements individuels et collectifs induits par le fait de supporter une équipe ont en effet de quoi surprendre. Des neuroscientifiques français et brésiliens ont ainsi observé de plus près l’activité cérébrale liée à ces comportements altruistes qui traduisent un phénomène d’identification au groupe particulièrement marqué. Un sujet d’étude idéal pour Jean-Claude Dreher, directeur d’équipe au Centre de neurosciences cognitives de Lyon, qui travaille de façon plus générale sur les mécanismes cérébraux de la motivation et de la prise de décision. Choisir des supporteurs permet en effet de disposer d’un groupe “naturel”, où le sentiment d’appartenance des sujets au groupe est réel et constant.

Pour leur étude publiée dans Scientific Report en novembre 2017, les chercheurs de l’Institut d’Or à Rio de Janeiro (Brésil) ont recruté 27 supporteurs des principaux clubs de football de la ville : Botafogo, Flamengo, Fluminense et Vasco de Gama. Il s’agissait de les soumettre à un test de motivation un peu particulier pendant que leur cerveau était observé à l’imagerie par résonance fonctionnelle (IRMf), une technique qui permet de suivre en temps réel l’activité cérébrale. Une fois installé, chaque sujet devait actionner d’une main un capteur de force afin de gagner une somme d’argent proportionnelle à l’effort fourni. Autrement dit, plus les participants appuyaient fort plus la somme était importante. Trois types d’effort étaient proposés : dans le premier cas, l’argent revient à celui qui appuie, dans le deuxième, à d’autres supporteurs de la même équipe, dans le troisième, à des personnes n’appartenant pas à son club.

Les conditions d’un fanatisme footballistique

 

Ce protocole “nous a permis de mesurer leur motivation réelle pendant l’exercice”, explique le Dr Bortolini, l’un des auteurs de l’étude. L’analyse montre que les supporteurs parvenaient à appuyer plus fort lorsqu’il s’agissait de faire gagner de l’argent aux “supporters amis” que pour ceux d’un groupe extérieur. Ils étaient toutefois plus efficaces encore quand ils empochaient eux-mêmes les gains ; en effet, aussi altruiste soit-il, un individu a toujours tendance à en faire un peu plus pour soi-même…

Mais l’intérêt de l’expérience réside ailleurs : il est apparu que les supporters agissaient vis-à-vis des autres supporters de leur équipe, même de parfaits inconnus, de la même façon qu’ils le feraient avec des membres de leur propre famille. En effet, la partie médiane du cortex orbitofrontal — qui s’active dans les trois configurations du test — nouait des connexions plus fortes avec le cortex cingulaire antérieur lorsque l’effort était fait pour un fan de la même équipe. Or cette deuxième zone du cerveau est connue pour être impliquée dans les comportements altruistes et les sentiments d’affiliation à un groupe, en particulier la famille. Une connectivité fonctionnelle importante qui dit bien le lien qui unit les supporters autour d’une équipe. Et un phénomène d’appartenance au groupe qui peut aussi bien être source de solidarité que de fanatisme… Dans le cas d’une coupe du monde, on peut imaginer que le sentiment d’appartenance à une nation vient s’ajouter à ce lien quasi familial qui unit des supporters entre eux et à leur équipe. Avec des ressorts motivationnels aussi forts, nichés dans le cerveau, on comprendra mieux l’engouement un peu fou dont on peut faire preuve devant un match.

Hugo Jalinière

Source : Sciences et Avenir

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