Nous sommes tous des juifs et des musulmans islandais circoncis !

En Islande, on s’apprête à discuter d’un projet de loi qui viserait à criminaliser la circoncision. Au nom de l’intérêt supérieur de l’enfant.

 

 

Début juin, si tout se passe comme prévu, le parlement islandais devrait adopter une loi qui assimilerait la circoncision à un acte de mutilation, passible d’une peine de prison pouvant aller jusqu’à six années.

J’avoue: en lisant pareille annonce, le fantôme de mon prépuce s’est décalotté de lui-même. Évidemment, le projet de loi n’aurait aucun a priori religieux ou ethnique, il vise juste à protéger l’enfant d’une pratique irréversible appréhendée comme barbare et rétrograde. Libre à l’enfant une fois devenu adulte de confier son prépuce aux mains d’un chirurgien expérimenté qui saura le ratiboiser dans les règles de l’art.

Il est vrai que pour l’ayant vécu dans ma chair, je ne me suis jamais vraiment remis de ma circoncision. J’avais à peine quelques jours, on est venu me chercher dans mon berceau alors que je récupérais, peinard, de ma naissance compliquée, on m’a transbahuté manu militari au salon où il y avait déjà un monde fou et quand j’ai croisé le regard illuminé du rabbin qui aiguisait son couteau suisse au revers de son schtreimel, avec au fond de ses yeux comme un amour du sang qui se serait transmis de génération en génération, d’instinct j’ai compris que j’étais dans la mouise.

J’ai bien essayé de fuir à quatre pattes mais mon père m’a rattrapé avant que je ne trouve refuge sous le canapé. Il m’a tenu fermement dans ses bras, le rabbin s’est approché, il a brandi haut dans le ciel son poignard à peine séché du sang de sa dernière victime, ma mère s’est évanouie, ma grand-mère lui a donné une baffe pour la réveiller, j’ai hurlé comme un nouveau-né que je n’étais plus et le rabbin, se saisissant de ma verge innocente, a égorgé à vif mon prépuce dans cet éclat particulier de l’assassin qui commet son crime sans crainte en retour d’un quelconque châtiment. Puis il a brandi le morceau de chair devant l’assistance médusée avant de l’avaler tout cru. Voilà j’étais devenu juif, toute la salle a applaudi et j’ai alors compris que ma vie serait une suite d’emmerdements sans fin.

Serais-je né quelques décennies plus tard à Reykjavík que rien de tout cela ne me serait arrivé. On m’aurait foutu une paix royale et j’aurais pu me trimballer avec une queue cent pour cent conforme à l’originale. Ma vie aurait changé de bout en bout, heu non, du tout au tout plutôt. J’aurais été normal. Déjuivé. Presque goy. Quel soulagement c’eût été.

Certes au lieu de parader comme maintenant avec une queue dont l’absence de prépuce lui confère comme un sentiment de puissance inégalée allié à une majesté étincelante, j’aurais dû cohabiter avec ce tuyau disgracieux qui se replie sur lui-même comme une trompette mal embouchée, mais comme on dit dans notre tribu de barbares sanguinaires, qu’importe le prépuce pourvu qu’on ait la paix. Aussi je n’aurais pas développé une passion si malsaine pour la masturbation et n’aurait pas connu ces cruelles déconvenues quand, après avoir séduit une demoiselle, au moment de dévoiler mon appendice dans sa glorieuse et triomphante nudité, elle n’eût réalisé mon appartenance à cette race maudite et prit ses jambes à son cou.

Ce qu’il y a de cocasse dans toute cette histoire islandaise c’est que ce projet de loi vise à protéger l’intérêt supérieur de l’enfant. Ben voyons. Franchement entre se faire poinçonner la queue à la naissance et avoir des parents qui installent leurs mômes devant la télé avant même qu’ils ne sachent parler, j’opterai toujours pour la première option. Si on voulait vraiment protéger l’enfant, on pourrait aussi lui congeler le cerveau et attendre sa majorité pour le rebrancher; de la sorte il ne serait point encrassé de toutes les sornettes dont les adultes l’auront abreuvé durant toutes ces années.

En fait, le parlement islandais devrait aller encore un peu plus loin dans sa protection de l’enfance qui consisterait à pratiquer une vasectomie généralisée sur tous les bambins nés de parents juifs ou musulmans.

L’affaire serait réglée une bonne fois pour toutes.

Et au final, ce serait, comment dire… plus concis.

Laurent Sagalovitsch

Source : Slate (Le 09 juin 2018)

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

Quitter la version mobile