En Suède, un livret pour se préparer à la guerre

Les Suédois recevront dès le 28 mai un livret de vingt pages indiquant la procédure à suivre en cas de guerre. L’objectif : préparer la population à d’éventuels attentats, cyberattaques ou offensives militaires.

Il n’avait plus été imprimé depuis 1987. Plus de trente ans plus tard, le petit manuel du parfait résistant suédois, intitulé « En cas de crise ou de guerre », fait son grand retour. Remis au goût du jour dans une version illustrée et en couleurs, le fascicule de vingt pages sera envoyé à partir du 28 mai à 4,8 millions de foyers (sur 10 millions d’habitants) et traduit en treize langues sur le site de l’Agence suédoise de la sécurité civile (MSB), chargée de son édition par le gouvernement.

« Même si la Suède est plus sûre que bien d’autres pays, il existe des menaces contre notre sécurité et notre indépendance », a justifié Dan Eliasson, le patron de la MSB, lors de sa présentation, lundi 21 mai, à Stockholm. Le manuel en recense quelques-unes : accidents graves, conditions météorologiques extrêmes, attentats, cyberattaques, offensives militaires…

Survivre une semaine, sans aide

 

Comme ses illustres prédécesseurs, publiés à cinq reprises entre 1943 et 1987, le livret donne des consignes pour se préparer à ces situations. Dans le scénario envisagé, l’électricité, le chauffage et l’eau courante sont coupés ; le réseau de téléphonie mobile, Internet, les transports et le réseau bancaire ne fonctionnent plus. L’objectif : pouvoir survivre une semaine, sans aucune aide extérieure.

La brochure regorge de conseils : vivres à stocker, signaux d’alerte à reconnaître, abris antiaériens à localiser (une carte du royaume a été mise en ligne avec leur emplacement). Ou bien encore comment construire une cabane dans son salon pour lutter contre la chute rapide des températures. « Nous devons nous préparer à faire face quand la société ne fonctionne plus comme elle le devrait », explique Christina Andersson, responsable de l’édition du livret.

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De l’orangé dans la première moitié, la couleur du manuel passe au rouge dans la seconde, consacrée à la guerre et au déclenchement de la « défense totale ». Cette doctrine, fondée sur la coordination des systèmes de défense militaire et civile, avait été abandonnée à la fin de la guerre froide. Elle a été officiellement relancée en 2015, après l’annexion de la Crimée par la Russie, en 2014.

La défense du pays est l’affaire de tous

 

En décembre, une commission de défense réunissant l’ensemble des partis siégeant au Parlement a publié un Livre blanc, dessinant les orientations militaires de la Suède pour 2021-2025. Estimant que « la probabilité d’un conflit armé ne pouvait être exclue », elle suggérait d’investir 400 millions d’euros par an dans la modernisation des systèmes de défense militaire et civil.

 

« En cas de crise ou de guerre » est le parfait manuel de survie, il est traduit en treize langues sur le site de l’Agence suédoise de la sécurité civile (MSB).

 

Le député Björn von Sydow, rapporteur de la commission, estime qu’une défense civile renforcée a un effet de « dissuasion ». L’ennemi, dit-il, « devra faire un calcul différent s’il réalise que la population est prête à résister et ne restera pas paralysée en cas d’offensive militaire ». La défense du pays est l’affaire de tous, souligne la brochure : « Chacun a une obligation de contribuer et tous sont nécessaires. »

Herman Geijer, spécialiste de la survie en cas d’attaques de zombies, a été invité, fin mars, par la MSB pour discuter de son sujet de prédilection devant un parterre d’élus et de fonctionnaires chargés d’organiser la défense civile. Les morts-vivants ne sont qu’un prétexte pour évoquer une société apocalyptique et les comportements qui en découleraient. « La réalité, assure-t-il, serait différente des films et des séries télé. Dans des situations extrêmes, les gens font preuve de solidarité et ne réagissent pas toujours rationnellement, ce qu’il faut que nous prenions en compte dans la planification. »

Anticipant des réactions à la réception du livret, la MSB a ouvert un centre d’appels. Des employés de l’agence y répondront en neuf langues, jusqu’au 29 juin. Mis en garde contre les « fake news », les habitants du royaume sont déjà prévenus : « Si la Suède est attaquée par un autre pays, nous ne nous rendrons jamais. Toutes les informations selon lesquelles la résistance doit cesser sont fausses. »

 

Anne-Françoise Hivert
(Malmö (Suède)
Source : Le Monde (M Le Magazine du Monde)

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