Abdel Aziz cédera-t-il aux sirènes des Raspoutine ?
Alors que l’on était tenté de donner le bon Dieu sans confession à Mohamed Ould Abdel Aziz, voilà que des érudits et religieux viennent de lancer ‘’un cri du cœur’’ qui risque de porter un coup de sabre au processus démocratique en Mauritanie. En effet, en marge d’une audience que leur a accordée le chef de l’Etat, le mercredi 23 mai dernier, ces croyants n’ont pas trouvé mieux que de demander à leur hôte de rester au pouvoir au-delà de 2019 qui marque la fin de son mandat. Une curieuse sollicitation de la part des hommes de Dieu, qui incitent à l’installation d’une dictature en règle en Mauritanie dont le procédé serait lourd de conséquences pour le pays. En termes clairs, en exprimant ce vœu, les oulémas veulent que le président Abdel Aziz tripatouille la Constitution pour s’offrir un troisième mandat. Une éventualité qui ne va pas manquer de provoquer une tempête socio-politique dans le pays, pour ne pas dire le faire basculer dans une profonde crise démocratique, avec son lot de violences.
Certes, ces érudits de l’islam ne sont pas les premiers à entonner le chant de sirène à l’endroit du président mauritanien dont ils ont loué les mérites dans la lutte contre le terrorisme. D’autres forces vives ont, précédemment, laissé entendre le même son de cloche, comme si c’était l’homme providentiel. Mais quand on sait que la question du troisième mandat est généralement source d’implosion sociale, les oulémas mauritaniens censés semer les graines de la paix, seraient en train de réunir les ingrédients d’un « printemps arabe » qu’ils ne s’y prendraient pas autrement. Encourager un chef d’Etat à violer la Constitution pour se maintenir au pouvoir ne saurait être une volonté divine.
Rien ne dit qu’Abdel Aziz n’est pas le principal scénariste de cette vaste comédie
Il est vrai que Abdel Aziz dit à qui veut l’entendre qu’il ne briguera pas un troisième mandat et que, pour l’heure, parmi les vastes réformes constitutionnelles qu’il a engagées contre vents et marées, la durée du mandat présidentiel n’a pas encore été inscrite à l’ordre du jour. Mais il n’empêche que l’homme est à surveiller comme du lait sur le feu. En ce sens que rien ne dit qu’il n’est pas le principal scénariste de cette vaste comédie l’encourageant à porter un coup de marteau au verrou limitatif du mandat présidentiel. Entré par effraction au palais, c’est-à-dire par un coup d’Etat en août 2008, mettant ainsi un coup d’arrêt au régime de Cheikh Abdallah démocratiquement élu, l’homme fort de Nouakchott s’était pourtant lancé dans des réformes pour tenter de mettre la Mauritanie sur les rails de la démocratie. Les choses allaient plus ou moins bien pour le meilleur de la démocratie mauritanienne, jusqu’à ce que certains de ses compatriotes doutent de ses « ambitions » prenant des proportions inquiétantes avec cette histoire de réformes institutionnelles tous azimuts. Si jusque-là, Abdel Aziz est dans la posture d’avoir un sursaut patriotique en voulant sortir par la grande porte du palais, à la fin de son mandat en 2019, il y a que les sirènes des Raspoutine inquiètent. Il est à se demander s’il y cédera au risque de subir le même sort que son propre cousin, Mohammed Vall, a réservé à Ould Taya en le contraignant à l’exil. Ou s’il voudra entrer dans la prestigieuse cour des grands hommes d’Etat, qui se sont gardés de se jouer de leur peuple pour s’éterniser au pouvoir. A lui de faire le choix.
Drissa TRAORE
Source : Le Pays (Burkina Faso) – Le 24 mai 2018
Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com