QUAND DES SERIES SENEGALAISES BOUSCULENT LES NOVELAS

Depuis quelques années, on assiste à une percée des séries sénégalaises qui suscite un véritable engouement de la part des populations. Ces productions locales sont parvenues à se faire la place dans les chaines de télévisions marquées jadis par des télénovelas qui existent toujours. Mais toujours est-il que ces séries n’ont pas encore réussi à dépasser nos frontières à part quelques unes jouées ou sous-titrées en français.

Entre membres de familles, amis et surtout entre élèves, les discussions étaient les mêmes au petit matin il y’a de cela 15, 18, 20 ans ou même plus, après que l’on a regardé la veille les télénovelas. A l’époque, l’on se retrouvait tous les soirs devant le petit écran pour regarder «Sublime Mensonge», «Tour de Babel», «Marimar», «Catalina et Sébastien» pour n’en citer que ceux là. Des télénovelas qui n’ont rien à voir avec nos réalités socio-culturelles, mais qui ont tenu le haut du pavé avant de céder la place aux troupes de théâtre comme « Daaray Kocc », « Bara Yeggo », « Diamonoy Tey ».

Les acteurs de ses téléfilms ont, de leur part, brillé de mille feux dans le paysage théâtral sénégalais. Ensuite viendront les troupes « Janxeen » et « Soleil Levant » (encore sur scène). Mais aujourd’hui, tout cela semble être révolu.

LE GRAND BASCULEMENT

On assiste à une véritable expansion des séries sénégalaises. «Wiri Wiri», «Dikoon», «Mbettel», «Dinama Nekh», «Pod et Marichou», «Idoles», la liste est longue. Et ces séries n’ont pas fini de prendre les devants de la scène pour ainsi remplacer les télénovelas. Le comédien Pape Faye trouve les raisons de cette évolution à travers « l’amour que les sénégalais vouent à la création théâtrale, leur envie de montrer leur savoir-faire, leur créativité ». Mieux, dit le directeur de l’Association des artistes comédiens du théâtre sénégalais (Arcots), «cela veut dire aujourd’hui que les sénégalais sont fondamentalement créateurs en eux-mêmes de changer un peu la société de façon projective en passant par des modes de communication que sont les séries sénégalaises ». Quant au président de Pikini Productions à qui l’on doit la série « Dikoon », « une certaine compétence dans la communication, la culture des gens », a favorisé la floraison des séries sénégalaises.

«Ça les influence et les oblige dans le cadre de la concurrence à essayer de faire preuve de plus de qualité, de faire preuve d’ingéniosité et d’essayer de répondre à la demande », dit Alioune Ndiaye.

«IL Y’A UN PEU PLUS DE GAIN, DE VALEUR AJOUTEE… AVEC LES SERIES TELEVISEES»

Et si aujourd’hui, il y’a une ruée vers les séries sénégalaises, c’est parce que le théâtre n’est plus ce qu’il était avant. «Compte tenu du fait que les chaînes pour la plupart aiment le théâtre et que sachant que le théâtre ne paie pas, ne nourrit pas son homme, ils espèrent pouvoir se reconvertir d’une certaine manière dans les séries télé, en acteurs de télévision, sachant que peut-être là, il y’a un peu plus de gain, de valeur ajoutée, du point de visibilité du comédien et de l’acteur et du gain immédiat », a relevé Pape Faye. Mais une chose est sûre, selon lui, « ce n’est pas toutes les séries qui paient car, il faut avoir beaucoup de sponsors pour s’en sortir».

En effet, la percée des séries locales se justifie aussi par le fait que les populations ne viennent plus en salle assister à une prestation théâtrale. «Quand aujourd’hui, vous faites une représentation théâtrale, d’abord le coût de la création est énorme, il faut acheter des costumes, aller aux répétitions, il faut vous transporter, manger, boire et au finish quand vous donnez ce spectacle-là dans une salle, si vous ne donnez pas des billets gratuits, il est clair que les gens ne peuvent pas remplir la salle. Le cas de Sorano est un exemple», explique Pape Faye.

Il renchérit : « la plupart des troupes jouent en offrant au public leurs œuvres. Ils espèrent avoir comme une sorte de ristourne morale, c’est avoir un peu l’appréciation positive du public ».

LE WOLOF FAVORISE LA PERCEE DES SERIES AU SENEGAL  MAIS EMPECHE L’EXPORTATION

A en croire Alioune Ndiaye, c’est le langage accessible qui fait le charme des séries sénégalaises. «Quand vous faites un film en langue wolof, ça intéresse les gens. A priori, ils font moins d’efforts pour comprendre ce que vous dites alors que depuis toujours, la plupart des productions sont dans une langue étrangère et ils sont obligés de faire un double effort pour suivre ces films-là», a dit d’emblée le directeur de Pikini Productions.

Même si la production sénégalaise se développe, il n’en demeure pas moins que son exportation reste facile. «Nos produits malheureusement peinent à sortir de nos frontières. Les séries télévisuelles sont des produits qui ne sont pas souvent exportables parce que jouées dans une langue locale», a fait savoir Pape Faye. Toutefois, pour y remédier, le président de l’Arcots suggère que les «produits soit joués ou doublés en français ». Mieux, dit-il, « les films en wolof, c’est bien, ça accroche le public mais également il faut que les gens songent à faire des séries dans une langue autre que le wolof pour avoir une bonne percée au niveau international». Toutefois, Pape Faye reste convaincu que le Sénégal a de « très bons réalisateurs qui utilisent les mêmes outils que ceux qui sont à Nollywood, en Europe mais le reste, c’est l’expérience».

Pour sa part, Alioune Ndiaye soutient « qu’il n’ya pas trop de films quand vous comparez à ce qui se fait dans d’autres pays qui sont plus développés que nous que ce soit au Nigéria, en Inde, au Brésil, au Mexique où il y’a une industrie qui produit des milliers de films et de séries». A l’en croire, «la concurrence existe mais elle n’est pas exacerbée ». Il faut dire que la production sénégalaise est montée en puissance ces dernières années avec le petit écran qui transforme ainsi les acteurs principaux en stars. Cette percée est rendue possible par la diversité de la créativité, les sponsors mais aussi grâce au Fonds de promotions à l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Fopica).

Mariame Djigo

Source : Sud Quotidien (Sénégal)

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