La campagne de soutien à Tariq Ramadan, toujours en prison, divise

La cour d’appel de Paris devait statuer, jeudi, sur une nouvelle demande de remise en liberté de l’islamologue.

Une page Facebook FreeTariqRamadanCampain multilingue (43 000 abonnés), un compte Twitter FreeTariqRamadan (642 followers), une pétition sur Change.org (99 000 signatures), la prise de parole de son épouse : ces derniers jours, les proches soutiens de l’islamologue ont actionné toutes les possibilités des réseaux sociaux pour orchestrer une campagne en faveur de sa sortie de prison.

La cour d’appel de Paris devait statuer, jeudi 22 février, sur une demande de remise en liberté de Tariq Ramadan, mis en examen pour les viols dont l’accusent deux femmes et incarcéré depuis le 2 février à la prison de Fleury-Mérogis (Essonne).

La campagne s’est accélérée, le 14 février, avec la mise en ligne d’une vidéo dans laquelle son épouse, Iman Ramadan, jusqu’ici très discrète, faisait état de « nouvelles très alarmantes concernant sa santé physique ». « Cela fait maintenant quelques années que Tariq souffre d’une maladie chronique sévère et qu’il bénéficie d’un traitement très spécifique », ajoutait-elle. Elle indiquait n’avoir pas eu le droit de rendre visite à son mari ni de lui téléphoner et concluait en appelant à suivre « la campagne officielle #FreeTariqRamadan ».

Deux jours plus tard, l’islamologue était hospitalisé. Lundi, dans une seconde vidéo, Iman Ramadan invoquait le certificat d’un médecin de la prison selon qui « le patient présente deux pathologies graves ». Elle évoquait aussi l’attestation de deux médecins de son époux.

« Deux poids deux mesures »

 

Mais le soir même, une expertise médicale ordonnée par la cour d’appel a conclu que les deux pathologies invoquées « ne peuvent être considérées comme certaines au jour de la présente expertise, au vu des documents présentés, des dires de Monsieur Tariq Ramadan et des constatations de l’examen clinique », selon les termes rapportés à l’Agence France-Presse (AFP) par des sources proches du dossier. Le rapport souligne aussi « la nécessité d’un bilan neurologique complet et sérieux qui n’a pas été fait depuis les années que semblent durer les troubles allégués ».

Ces derniers jours, les soutiens de Tariq Ramadan ont dénoncé un « lynchage », voire une « lapidation médiatique et politique » du conférencier dont la confession motiverait un « deux poids deux mesures » dans l’instruction judiciaire. Ils s’appuient sur son état de santé pour demander sa libération, mais ils jettent aussi le doute sur la véracité des faits dénoncés par les deux plaignantes.

Dans une vidéo, un ancien proche de l’islamologue, Nabil Ennasri, se porte au secours de son ancien mentor et s’inscrit en faux contre l’idée que « le Qatar aurait lâché Tariq Ramadan », lequel serait de plus en plus isolé : « cela relève de la désinformation », affirme ce connaisseur de l’émirat gazier. L’organisation humanitaire BarakaCity, proche des milieux salafistes, a elle aussi rejoint la campagne. Le compte Facebook des partisans de Tariq Ramadan appelle à écrire massivement à l’Elysée et au ministère de la justice.

« Univers conspirationniste »

 

Mais l’activisme et les arguments déployés par ce noyau dur sont loin d’être unanimement appréciés. Publiée sur le site musulman d’information Oumma, une tribune du sociologue Omero Marongiu-Perria, excellent connaisseur du monde associatif musulman, dénonce « l’univers conspirationniste » qui entoure la campagne en faveur du conférencier.

« Les ramadanien.ne.s présentent le feuilleton actuel comme un affrontement entre un modèle de probité et deux plaignantes réduites aux images les plus viles sur le plan de la moralité, des mœurs et de leur instrumentalisation par “le système” pour faire chuter l’islam », résume-t-il.

La direction du site Oumma a pour sa part publié, lundi, une position de principe face à ce que le site présente comme « l’onde de choc émotionnel provoquée par l’affaire Ramadan », qui connaît une « réplique de forte magnitude » depuis son incarcération. Entre ceux qui sont « consternés par l’écroulement d’un mythe », ceux « qui crient à l’injustice » et ceux « qui estiment que Tariq Ramadan ne les a jamais représentés », le site affiche sa détermination à s’en tenir à l’objectivité. Il accuse « certains prédicateurs et militants associatifs » d’« exploiter » cette affaire et « sous couvert de défendre l’islamologue suisse », de « s’ériger en donneurs de leçons à l’endroit de ceux qui, selon eux, ne prendraient pas fait et cause pour le prévenu de manière inconditionnelle ».

Les commentaires très partagés qui figurent sous ces deux textes témoignent que ce lectorat est en effet tout sauf unanime.


Cécile Chambraud
Source : Le Monde

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