France : La réduction des délais au cœur de la loi asile et immigration

Le projet de loi prévoit des changements sur les modalités d’entrée et la durée des séjours des personnes entrant sur le territoire français.

Traiter les demandes d’asile plus rapidement. Renvoyer plus et plus vite et en contrepartie octroyer des titres pluriannuels à quelques catégories limitées de migrants. Le projet de loi « pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif », tel qu’il a été rédigé à la veille de sa présentation en conseil des ministres, mercredi 21 février, propose une modification de l’entrée et du séjour d’une part importante des populations entrant en France. Le texte doit être discuté en avril à l’Assemblée nationale.

 

  • Réduction des délais de la demande d’asile

 

Le maître mot de ce projet de loi est la « réduction des délais ». Comme le répète le ministre de l’intérieur, Gérard Collomb, il s’agit de faire tenir l’ensemble de la procédure de demande d’asile en six mois, afin de mieux accueillir les réfugiés et de renvoyer les déboutés. Si cette philosophie générale rallie un large consensus, les modalités pour l’atteindre, elles, divisent. D’abord, par les cibles choisies, ensuite parce que le raccourcissement de certains délais va empêcher des demandeurs d’asile de faire valoir leurs droits.

 

Aujourd’hui, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) traite les demandes d’asile en cent quatorze jours, soit moins de quatre mois. La Cour nationale du droit d’asile (CNDA), instance d’appel, en cinq mois et six jours. Mais est-ce sur ces deux instances qu’il faudrait mettre la pression ? Car, selon le directeur général de l’Ofpra, « l’Office est en ordre de marche pour atteindre les deux mois fin 2018 ». Et si la CNDA part de plus loin, elle peut aussi réduire les délais.

 

En réalité, ce n’est pas là que se trouvent les vraies marges de gain de temps. « Avant d’atteindre un guichet d’enregistrement, un migrant attend en moyenne trente-cinq jours selon les données du ministère de l’intérieur », rappelle le rapport de la Coordination française pour le droit d’asile (CFDA). Or, pour réduire ce temps mort, synonyme de campement de rue, il suffirait de créer des emplois pour enregistrer ces demandes.

 

Néanmoins, comme le souligne Olivier Chemin, le président d’Elena-France, l’association des avocats en droit des étrangers, la diminution du délai pour déposer sa demande d’asile, qui passe de cent vingt à quatre-vingt-dix jours après l’arrivée en France (article 5), la réduction du délai pour exercer son droit de recours, qui passe d’un mois à quinze jours (article 6), « sont autant d’atteintes aux droits des justiciables les plus vulnérables et aux droits de la défense ».

 

  • Une carte pluriannuelle

 

Le texte de loi propose qu’une carte pluriannuelle de quatre ans soit délivrée aux bénéficiaires de la protection subsidiaire ou aux apatrides. Auparavant, ils avaient droit à un titre de séjour d’un an. A l’issue des quatre ans, la carte de résident leur est octroyée de plein droit.

 

 

  • L’asile et rien que l’asile

 

Plus question de solliciter un titre pour étranger malade après avoir été débouté de l’asile, sauf « circonstances nouvelles ». L’article 20 de la loi vise à éviter les demandes en tant qu’étranger malade consécutives à une demande d’asile refusée.

 

  • Augmentation de la durée de rétention

 

Les premières fuites du projet de loi plaçaient à quatre-vingt-dix jours la durée maximale de rétention. Fin janvier, elle montait à cent trente-cinq jours (trois tranches de 15 jours supplémentaires si l’étranger insiste pour faire valoir ses droits).

 

Dans tous les cas de figure, « la durée moyenne d’enfermement pour les personnes expulsées se situe autour de douze jours, un chiffre stable depuis des années », analyse la Cimade. « Au-delà de quinze jours, précise l’association, le taux d’éloignement est inférieur à 2 % ou 1 %. » En fait, les Etats qui voulaient donner le laissez-passer consulaire nécessaire au renvoi ont eu le temps de le faire.

 

  • Une « garde à vue » pour étranger

 

Augmentation, de seize heures à vingt-quatre heures de la durée de la retenue administrative pour vérification du droit au séjour et renforcement des pouvoirs d’investigation (article 16). Alors que le séjour irrégulier n’est plus un délit, le Groupe d’information et de soutien des immigrés (Gisti) s’inquiète de cette retenue qui crée une garde à vue pour étranger. Avec pénalisation du refus de se soumettre à une prise d’empreintes ou à une photo (jusqu’à trois ans d’interdiction de territoire).

 

  • Un délit de passe-frontière

 

L’article 16 propose la création d’un délit de franchissement non autorisé des frontières. Il sanctionne d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 3 750 euros d’amende le fait d’entrer en France sans passer par un point de passage frontalier. Du fait du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures institué le 13 novembre 2015 dans le cadre de l’état d’urgence et prolongé jusqu’au 30 avril 2018, les personnes interpellées à une frontière française pourront être placées en garde à vue puis poursuivies devant le tribunal correctionnel.

 

  • Les sans-papiers visés

 

Les personnes sans papiers sont elles aussi visées par la loi. L’article 16 les rend passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende lorsqu’elles utilisent une pièce d’identité qui n’est pas la leur pour « se maintenir sur le territoire et la plupart du temps y travailler ».

 

  • Légitimation de la circulaire Collomb

 

L’article 9 prévoit « des échanges d’informations entre les services chargés de l’hébergement d’urgence et l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), concernant les demandeurs d’asile et les réfugiés ». Il s’agit d’une introduction dans la loi de la très contestée circulaire Collomb du 12 décembre, qui visait à aller recenser les migrants dans les centres d’hébergement d’urgence.

 

  • Réunification des familles

 

Dorénavant, les enfants réfugiés pourront faire venir leurs parents, mais aussi leurs frères et sœurs (article 3). Cet article ne concerne que très peu de jeunes puisque seuls 675 mineurs ont été reconnus réfugiés en 2017.

 

  • Etre renvoyé avant d’avoir fait valoir son droit au recours

 

L’article 8 du projet de loi rappelle que le recours devant la CNDA n’est plus suspensif pour les demandeurs des pays d’origine sûrs, ceux qui veulent un réexamen et ceux qui présentent une menace à l’ordre public.

 

  • Les interdictions de retour sur le territoire français

 

Une circulaire de Gérard Collomb recommandait en novembre de doubler les obligations de quitter le territoire français (OQTF) d’interdictions de retour sur le territoire français (IRTF). Cette fois, l’article 13 amène l’IRTF dans la loi. De même (article 12) s’ouvre la possibilité de remettre une interdiction à circuler sur le territoire français aux ressortissants renvoyés dans un Etat européen.

 

  • Coup de pouce à l’immigration choisie

 

Le projet de loi veut faciliter le changement de statut des étudiants étrangers. Ces derniers pourront bénéficier d’une carte « recherche d’emploi » ou « création d’entreprise ». Il s’agit de renforcer l’attrait de la France pour ces profils qui « participent tant de notre dynamisme économique que de notre rayonnement linguistique et culturel », comme l’écrivait récemment Gérard Collomb aux députés La République en marche.


Maryline Baumard

 

 

Source : Le Monde

 

 

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