Quelle décentralisation pour la Mauritanie? Par Abou Hamidou Sy

Si la régionalisation imposée par le président Mohamed  O. Abdel Aziz lors de son référendum et entérinée par l’assemblée nationale ressemble à s’y méprendre dans sa forme à l’autonomie proposée par les FPC; elle en diffère totalement dans le fond. Pire, elle semble même être une façon subtile de la contrecarrer. Avec cette réforme on s’achemine sans doute vers une régionalisation simple c’est à dire vers une décentralisation administrative territoriale telle que pratiquée en France et dans quelques pays de la sous-région. Or, emprunter cette voie équivaut à appliquer un remède à un mal totalement différent.

Dans ces pays, la décentralisation correspond dans les faits à une déconcentration, pour ne pas dire un désencombrement de l’Etat.

Celui-ci sous prétexte de se rapprocher de ses administrés, mais en réalité pour rationaliser les ressources devenues rares de l’Etat providence, se leste de ses pouvoirs au profit des collectivités locales. Ces entités ainsi créées, quelque soit leur statut sont fortement sous tutelle de l’administration centrale.

Dans le cas de la France par exemple, bien que disposant d’un exécutif local élu au suffrage universel; les régions ne jouissent  d’aucune compétence législative rendant ainsi leur autonomie superflue.

En plus de l’emprise de l’Etat qui inhibe toute initiative locale, la Mauritanie se distingue de ces pays par la nature des rapports inter-communautaires des différentes entités qui la composent.

La proto-nation héritée de la puissance coloniale a vite été enterrée par l’hégémonie arabo-berbère exacerbée par les différents régimes que nous avons connus. Cette volonté de domination jusqu’à la négation de tout ce qui n’est pas arabe a conduit à une cohabitation quasi-impossible.

Faut il rappeler que la Mauritanie pré coloniale, en tout cas dans sa partie sud n’est pas ce  “no man’s land” culturel qu’on veut nous faire croire. Des populations l’occupaient; avec leurs histoires, leurs manières de vivre, leur façon de penser; bref y ont forgé  leur propre identité.

Cette réalité historique doit être la pierre angulaire de toute tentative de  sérieuse de réforme de l’Etat. Les aspirations des ces différentes entités doivent être tenues en compte.

Aspirations en termes de reconnaissance culturelle et de partage de pouvoir politique et économique. En un mot, on doit s’orienter vers un rééquilibrage et non vers une réforme qui maintient le statu quo.

A titre d’exemple, on peut affirmer avec certitude que si les habitants du Guidimakha avaient un réel choix entre la reforme d’Aziz qui les dilue dans le Tagant et l’Assaba et celle des FPC qui les place avec le Futa et le Walo Barack où ils ont plus d’atomes crochus;

ils choisiraient la seconde. C’est un fait indéniable. Compte tenu des toutes ces spécificités le modèle de décentralisation le plus pertinent pour notre pays serait le modèle italien ou  espagnol ( voire celui du Royaume Unis) ou les collectivités locales épousent les contours des aires ethno-culturelles et disposent d’une véritable autonomie dans un cadre unitaire. Autonomie qui ne se résume pas uniquement a un transfert de quelques compétences. Mais un réel pouvoir d’auto-administration qui confère aux régions la  possibilité de définir la politique de leur choix en matière d’éducation, d’agriculture, de sécurité, de justice…l’Etat central se contentant de ses fonctions régaliennes classiques. C’est cette option qu’ont choisi les FPC au sortir de leur congrès constitutif tenu à NKTT en Août 2014, donc bien avant Abdel Aziz. Ce choix découle du constat général, (même si personne ne veut l’admettre) de l’échec patent de l’Etat centralisé en Mauritanie, il faut donc trouver une alternative si l’on veut préserver l’unité nationale tant chérie par tout le monde. Voila pour rappels
ce que proposent les FPC; concrètement il s’agit de créer quatre régions autonomes:

– Une région à vocation agricole regroupant le Futa, le Walo Barack et le Guidimakha.
– Une région à vocation agro-sylvo-pastorale regroupant le Brakna, le Traraza et leTagant.
– Une région pastorale englobant les 2 Hodhs et l’Assaba

 – Une région minière comprenant l’Inchiri, l’Adrar et le Tiris Zemour.

– Les villes de NKTT et NDB auront un statut spécial.

Chacune des ces entités régionales disposera de la personnalité morale, d’un exécutif et d’un parlement élus aux suffrages universels.

Des mécanismes de régulations des rapports inter-régionales et avec l’Etat central seront mis en place pour prévenir toutes velléités hégémonistes ou centrifuges.

Quelque soit ce qu’on pense de ce découpage, on doit lui reconnaitre non seulement le mérite d’exister mais surtout d’être cohérent dans sa conception.

La situation que vit notre pays s’illustre mieux par l’expression anglaise “ the elephant in the room”.

Il y a un problème si évident que non seulement personne ne peut prétendre ne pas le voir, mais que cela devient paradoxale de parler de toute autre chose.

Comme le dit bien souvent le président Samba Thiam,  interpellant la classe politique : « si tout le monde parle d’unité nationale, c’est qu’il y a réellement un problème d’unité nationale; mais personne ne dit exactement où se situe le problème ». Nul n’a besoin de se perdre en conjectures. Le principal obstacle à l’unité nationale est l’accaparement de toutes les richesses du pays et le control de toutes les leviers du pouvoir par la communauté arabo-berbères et leur corolaire; la marginalisation des negro-mauritaniens toutes ethnies confondues. C’est cela la vérité.

Nous savons sans aucun doute que c’est notre discourt qui nous prive de notre récépissé et fait le lit de notre diabolisation; mais nos détracteurs ne nous dérangent point. Ce qui nous inquiète le plus c’est le silence de la majorité des progressistes arabo-berbères, qui usent de circonvolutions intellectuelles pour ne pas aboutir à ce constat. Comme disait Martin Luther King, Jr: «A la fin, nous nous souviendrons non pas des mots de nos ennemis, mais des silences de nos amis ».

La lutte continue
Abou Hamidou  Sy FPC/ Amerique du Nord.

 

 

(Reçu à Kassataya le 18 janvier 2018)

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