Le conflit entre le Maroc et les Sahraouis perturbe l’Union africaine

Depuis le retour de Rabat dans l'UA, les couacs se sont multipliés avec la petite République, qui défie sa souveraineté sur le Sahara occidental.

 

Finalement, ils sont tous là. Le roi du Maroc, Mohammed VI, est venu au sommet entre l'Union européenne (UE) et l'Union africaine (UA), mercredi  29 et jeudi 30  novembre à Abidjan, en Côte d'Ivoire. Le souverain est même arrivé chez son allié ouest-africain quelques jours en avance. Les représentants de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) y sont aussi. Ce n'était pourtant pas acquis.

Pendant plusieurs semaines, la RASD a attendu vainement un signe du pays hôte du sommet. Finalement, c'est l'Union africaine, et non la Côte d'Ivoire, qui a invité la partie sahraouie. Le conflit de fond, lui, reste entier. " Depuis que le Maroc est revenu au sein de l'UA – en janvier – , c'est la castagne à chaque sommet ", constate une source ivoirienne.

Il y a trente-trois ans, le royau-me d'Hassan II avait quitté l'organisation continentale pour protester contre la reconnaissance de la RASD, qui défie sa souveraineté sur le Sahara occidental. Puis la stratégie de Rabat a évolué. Pour renforcer les échanges Sud-Sud mais aussi défendre ses positions sur le Sahara occidental, le Maroc a réintégré l'UA au début de l'année.

Dix mois après ce retour, selon plusieurs analystes, une vraie scission existe au sein de l'organisation entre les pro-Maroc, surtout d'Afrique de l'Ouest francophone, et les pro-RASD, à commencer par l'Algérie et l'Afrique du Sud. Depuis janvier, plusieursincidents se sont produits. En mars, le Maroc n'a pas assisté à la réunion du conseil de paix et de sécurité (CPS) de l'UA portant sur la question du Sahara occidental. Le royaume considère que ce différend relève de l'ONU. Cette absence aurait pu passer inaperçue si elle n'avait été soulignée par le commissaire algérien du département " paix et sécurité " de l'UA, Smaïl Chergui. Par la suite, deux sommets internationaux ont été l'occasion pour Rabat de contester la présence de la RASD.

" Carnet de chèques "

Cette scission existait déjà lors de la procédure de retour du Maroc dans l'UA. A l'issue d'une campagne du roi pour s'assurer des soutiens à la candidature de son pays, des Etats membres avaient dénoncé une " diplomatie du carnet de chèques " destinée à réintégrer " une organisation qui reste largement opposée à ses actions dans le Sahara occidental ", analyse Liesl Louw-Vaudran, consultante à l'Institute for Security Studies.

L'opposition du Maroc à la présence de la RASD pèse sur la vie de l'organisation panafricaine. " Le Maroc rêve de faire exclure la RASD, estime Roland Adjovi, professeur de droit international à l'université d'Arcadia (Etats-Unis), car celle-ci tire une grande partie de son poids de sa participation au sein de l'UA. " " Nous sommes là pour travailler ", réplique un diplomate marocain. Pas pour chasser la RASD ? " Chasser pour pouvoir mieux travailler ", reprend-il. Juridiquement, il faudrait un consensus pour exclure la République sahraouie. " Politiquement, c'est impossible ", souligne un observateur. Mais la RASD pourrait se retrouver de plus en plus isolée face aux nombreux soutiens marocains.

Lors de son premier sommet comme membre de l'UA, le Maroc a réussi à faire disparaître la mention " territoire occupé " rituellement appliquée à la RASD dans un rapport de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.

Pour les officiels sahraouis et leurs soutiens, la marge de manœuvre est limitée : comment s'opposer ou même officiellement critiquer le retour d'un pays africain au sein de sa famille ? D'autant que le Maroc figure déjà parmi les bons élèves de l'UA : le royaume, contrairement à nombre de pays africains, a payé sa contribution au budget d'une organisation qui peine à acquérir son indépendance financière.

Et le Maroc n'a pas abattu sa dernière carte : Rabat a demandé à intégrer la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao). S'il l'obtient – un sommet est prévu en décembre –, il pourrait avoir l'appui de quinze pays qui comptent dans l'UA.

Dans les couloirs de l'Union africaine, il y a toutefois de " l'agacement ". Nombre de pays ne veulent pas devenir otages d'un conflit secondaire en comparaison avec les défis politiques, économiques et sécuritaires du continent. La tension, " pour l'instant, reste gérable ", considère toutefois une source d'Afrique du Nord, qui ajoute : " Le sommet UA-UE sera un test. Si rien ne se passe, ça sera bon pour l'UA, sinon ça risque d'être lourd de conséquences. "

 

Émeline Wuilbercq et Charlotte Bozonnet (à Paris)

 

 

Source : Le Monde

 

 

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