Le discours du Président Ibrahima Moctar SARR

Mesdames et Messieurs les invités,
Militantes et Militants de l’AJD/MR
 

Pour les gens de mon âge et ceux plus âgés, nous ne pouvions pas imaginer que la fête de l’indépendance que nous célébrions le 28 novembre 1960, allait devenir notre « novembre noir ».

 
Il y’ a de cela 27 ans, jour pour jour, le 28 novembre 1990, la tristesse a chassé la joie qu’inspirait cet anniversaire de notre accession à la souveraineté internationale.
 
 En effet, la veille, dans la nuit du 27 au 28, 28 de nos vaillants soldats tous négro-africains, incarcérés dans la caserne d’Inal, au total 8 sous officiers et 20 hommes de troupe, choisis au hasard parmi plus d’une centaine de personnes tous haalpulaar, au motif d’un complot imaginaire, ont été pendus publiquement par leurs compagnons  d’arme.
 
Cette année de triste mémoire, a vu périr en fait plus d’une centaine de personnes, civiles et militaires  ,tuées sans aucune raison valable sinon la volonté d’un système, par le biais de certains de ses exécutants aux mains tachées  de sang,  de procéder à un véritable génocide pour dénégrifier la Mauritanie. Certains ont été froidement exécutés et en public devant leurs proches, empêchés de leur donner une sépulture digne, d’autres ont rendu l’âme à la suite de tortures, d’autres enfin ont été enterrés vivants, des femmes ont été violées devant leurs proches. Les pillages et les bastonnades ne se comptaient pas.
 
Voilà pourquoi l’AJD/MR, à la suite du combat des veuves et des orphelins et tous les patriotes qui ont fait de cet anniversaire un jour de deuil, l’a inscrit comme tel depuis sa naissance. Cette épuration ethnique sans précédant  dans notre pays, terre d’Islam, est  venue élargir le fossé déjà assez grand, entre nos composantes  nationales. Celles ci sont divisées par un système ségrégationniste,  féodal et esclavagiste, aujourd’hui arrivé à terme, malgré les changements de régime intervenus depuis, rendant la réconciliation nationale presque impossible. En effet, les nouveaux tenants du système, n’ont pas réussi, malgré   toutes les acrobaties utilisées, à faire oublier ce triste jour de la mémoire des victimes et des mauritaniens épris de paix   et de justice. En s’appuyant sur la loi 93/23/ du 14 juin 1993, ils refusent de répondre à la demande  pressante de justice formulée depuis toujours par les ayants-droits  des victimes,  les rescapés, ainsi que les militants des droits de l’homme toutes nationalités confondues.     
                           .
Cette loi portant amnistie d’un certain nombre d’infractions commises au sein des forces armées durant la période qui s’entend du 1er janvier 1989 au 18 Avril 1992, au lieu de créer un climat de cohésion et de paix sociale, continue d’alimenter les débats sur l’identité des véritables bénéficiaires. Même si, en dépit de cette loi , les auteurs de ces infractions , identifiés, par les ayants-droits des victimes et les rescapés, appuyés par les militants des droits de l’homme en Mauritanie et sur le plan international , ont fait l’objet de poursuite et en demeurent  susceptible  par la justice internationale. L’AJD/MR avait toujours privilégié un règlement  interne dans le cadre d’une justice processuelle,  pour mieux favoriser les retrouvailles nationales , par l’abolition de cette loi scélérate de 1993. C’est pourquoi, le parti avait pris l’initiative d’une grande marche vers l’assemblée nationale, qui a mobilisé l’ensemble des organisations, réclamant le règlement de cette question pour remettre aux députés une lettre les exhortant à procéder   à l’annulation de cette loi d’amnistie.
 
Les quatre députés élus du parti, ont pris sur eux, dès l’ouverture de la présente  législature, d’introduire une proposition de loi abrogeant  la loi de 1993. Je ne m’attarderai pas sur les tracasseries de l’administration parlementaire qui a usé de tous les subterfuges pour retarder l’envoi de la proposition de loi au gouvernement. Maintenant que cela a été fait  devant notre insistance, c’est le gouvernement qui fait la sourde oreille, pour ne pas répondre. La balle est à présent dans le cas de l’assemblée nationale ou il faut convaincre la majorité des députés, ce qui ne sera pas une tache facile. L’AJD/MR va épuiser toute la procédure administrative comme celle qu’avait suivie la loi de 1993 avant d’envisager d’autres actions et recours que nous dévoilerons le moment venu.
 
Les mauritaniens doivent tous travailler dans le sens de l’abolition de cette loi qui a pris la forme d’un crime avoué. Ce genre d’infractions ne peut en aucun cas faire l’objet d’une amnistie ce qui serait  contraire à la charia islamique. En effet, pour l’Islam l’Etat n’est pas habilité à absoudre  des crimes de sang sans au préalable identifier nommément les auteurs de ces crimes mais aussi et surtout, après avoir pris l’aval des ayants-droits.
 
En allant célébrer le 28 Novembre à Kaédi, au regard de ce qui vient d’être dit, on a comme l’impression que le coupable revient sur le lieu de crime pour parader et démontrer à la face du monde, malheureusement trop silencieux, que la cause est  entendue!  Le drapeau modifié et taché du sang de nos martyrs va flotter au bord du fleuve, au son d’un nouvel hymne totalement arabe, ou les références à l’existence d’une Mauritanie plurielle sont totalement bannies.
 
Pour notre part nous continuerons à porter le deuil de tous ceux qui sont victimes de ce système inique jusqu’à ce que justice soit faite. Qu’Allah nous assiste !
 
 
 
IBRAHIMA MOCTAR SARR 
Président de l’AJD/MR
 
 
 
 
(Reçu à Kassataya le 28 novembre 2017)
 
 

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