Emmanuel Macron veut regagner le terrain perdu en Afrique

Le chef de l'Etat effectue au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire et au Ghana sa première tournée sur un continent où l'influence de Paris est contestée.

Renouveler les relations entre la France et l'Afrique, quand tant de promesses ont déjà été faites en ce sens. A l'instar de ses prédécesseurs Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron ne pourra se soustraire à l'engagement un peu vain de donner un énième coup de grâce à la " Françafrique ", concept dont les contours s'estompent à mesure que l'emprise de l'ex-puissance coloniale recule au sud du Sahara.

Conscient que le président " ne sera pas le premier à porter la promesse du renouvellement ", son entourage assure que les actes suivront les mots, sans sous-estimer la difficulté de cette première tournée africaine : améliorer l'image de la France sur une partie du continent où son influence est tout à la fois réelle, contestée et fantasmée.

" Public loin d'être conquis "

Depuis son élection, le président de la République, qui fit son stage de l'ENA au Nigeria, a effectué deux voyages express au Mali, mais ce long déplacement du 27 au 30  novembre au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire puis au Ghana sera l'occasion de " fixer le cadre de son approche de l'Afrique ", de " formuler son projet " qui ira " au-delà de l'aide au développement ", indique l'Elysée.

Fort de l'atout de la jeunesse – il n'a pas 40 ans, sur un continent où l'âge médian est de 20 ans et les dirigeants souvent au pouvoir depuis plus longtemps –, Emmanuel Macron promet de placer le sujet au centre de son attention et de ses intentions. A cet effet, le chef de l'Etat doit prononcer, mardi 28 novembre, un discours à l'université de Ouagadougou, qui sera sans aucun doute le point d'orgue de ce voyage. " Il tentera de s'adresser à la jeunesse africaine avec une posture d'humilité, devant un public loin d'être conquis d'avance et qui n'a pas forcément une bonne image de la France ", explique son équipe.

La demande de levée du secret-défense sur l'assassinat du président burkinabé Thomas Sankara, le 15 octobre  1987, dossier dans lequel les doutes sur l'implication de la France n'ont jamais été levés, le soutien apporté par Paris à son successeur, Blaise Compaoré, jusqu'à ce qu'il soit emporté par une révolution populaire en octobre  2014, la présence en France, sous contrôle judiciaire, du frère de ce dernier, visé par un mandat d'arrêt international, ou bien encore l'avenir du franc CFA sont quelques-uns des sujets sur lesquels les étudiants ne manqueront pas d'interroger, après son discours, le président lors d'une séance de questions-réponses que l'Elysée promet " sans filtre ".

Si " le choix du Burkina Faso est en soi un message " de soutien à la transition démocratique qu'a connue ce pays du Sahel après vingt-sept ans de pouvoir Compaoré, Emmanuel Macron, pour satisfaire son projet de réhabilitation de " l'image de la France ", devra cependant s'éviter des formules polémiques comme celle employée en juillet lors du G20 où il avait déclaré que " le défi de l'Afrique est civilisationnel ", et que " quand des pays ont encore aujourd'hui 7 à 8 enfants par femme, vous pouvez décider d'y dépenser des milliards d'euros, vous ne stabiliserez rien ".

Première pierre du " métro "

Des milliards d'euros, c'est pourtant ce dont il sera question lors de l'étape suivante en Côte d'Ivoire, où Emmanuel Macron doit poser la première pierre du " métro ", largement financé par la France, et participer à un sommet Union africaine-Union européenne dont le thème principal est… " Investir dans la jeunesse pour un développement durable ". " Ce sera l'occasion d'amplifier le message livré à la jeunesse à Ouagadougou ", indique l'Elysée, qui considère que ce sommet entre les deux organisations continentales donnera au président français l'occasion de préciser son approche où " la relation avec l'Afrique est un élément du projet de refondation de l'Europe ".

Si les crises actuelles – terrorisme au Sahel et dans le bassin du lac Tchad, Togo, Centrafrique, etc. – sont au programme du huis clos entre chefs d'Etat et de gouvernement des deux continents, le sort des milliers d'Africains qui tentent de rejoindre l'Europe au péril de leur vie sera lui aussi au cœur des préoccupations. La diffusion par la chaîne CNN d'un reportage sur un marché aux esclaves en Libye a choqué les consciences, suscité des colères diplomatiques et provoqué des demandes de réaction de la justice internationale.

Reste à savoir, désormais, quels peuvent être les termes d'un accord entre des dirigeants européens, qui érigent leur continent en forteresse, et des dirigeants africains souvent incapables d'offrir des perspectives d'avenir pour retenir leurs concitoyens.

Enfin, avant de regagner Paris jeudi 30 novembre, Emmanuel Macron fera escale dans le Ghana voisin. Une première pour un président français mais, selon l'Elysée, un " choix évident pour illustrer l'approche continentale de l'Afrique " et pas seulement francophone.

 

Cyril Bensimon

 

Source : Le Monde

 

 

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