L'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie, Ratko Mladic a été condamné mercredi à la perpétuité par la justice internationale pour génocide, crimes contre l'humanité et crimes de guerre. Il a été reconnu coupable de dix chefs d'accusation. «Pour avoir commis ces crimes, la chambre condamne M. Ratko Mladic à la prison à vie», a déclaré le juge Alphons Orie.
Quelques instants avant sa condamnation, Ratko Mladic a été évacué de la salle d'audience du tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie (TPIY) à La Haye, après s'être levé et avoir crié aux juges qu'ils mentaient. Le juge Alphons Orie a ordonné que l'ancien chef militaire des Serbes de Bosnie soit évacué après avoir refusé d'accéder à la demande de la défense d'interrompre les procédures en raison de la tension artérielle trop élevée de l'accusé.
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Une crise de colère
«Ils mentent. Vous mentez. Je ne me sens pas bien», a crié Ratko Mladic. L'accusé a ensuite été installé dans une pièce adjacente pour écouter la suite du jugement alors que la défense demandait que sa tension artérielle soit à nouveau mesurée, après avoir tenté en vain des jours durant de reporter ce verdict historique.
Plus de vingt ans après la guerre (1992-1995) qui a fait plus de 100 000 morts et 2,2 millions de déplacés, l'homme de 74 ans s'est présenté devant le tribunal alors qu'il avait laissé planer le suspense quant à sa présence.
A son arrivée dans la salle d'audience, le «Boucher des Balkans» avait levé un pouce, souriant aux objectifs des photographes. Costume sombre et cravate rouge carmin satinée, il a ensuite refusé de se lever lorsque les juges sont entrés, saluant plutôt sa famille dans la galerie du public, dont son fils Darko Mladic.
Tantôt esquissant un sourire, tantôt faisant non de la tête, le général Mladic a demandé une pause pour aller aux toilettes après 40 minutes, son avocat interrompant le juge Alphons Orie en pleine lecture du jugement. «Je suis très inquiet pour sa santé», a confié son fils durant l'interruption. «Ils sont en train de prendre sa tension artérielle.»
«Peu ou pas de respect pour la vie humaine»
Le juge Orie avait commencé à énumérer les faits de l'affaire, décrivant notamment la mort de 24 détenus morts asphyxiés, privés d'eau et forcés à consommer du sel avant un transfert de neuf heures vers un centre de détention. «De nombreux auteurs qui ont capturé des musulmans bosniens ont montré peu ou pas de respect pour la vie humaine, ni dignité», a dit le juge.
«Les circonstances étaient brutales», a-t-il souligné. «Ceux qui ont tenté de défendre leur maison faisaient face à une force sans pitié. Des exécutions de masse ont eu lieu et certaines victimes ont succombé après avoir été battues.»
Les victimes manifestent
Aux premières heures de la matinée, un petit groupe de manifestants – des survivants et proches des victimes disparues pendant la guerre en Bosnie – s'était rassemblé à la lueur des caméras sur une place devant le tribunal international.
Une dizaine de policiers patrouillaient sur la place devant l'enceinte, où ont été affichées des photos de 300 jeunes hommes, époux et fils, tués par les forces de Ratko Mladic, sous les yeux des familles et de journalistes venus du monde entier.
«J'espère que justice sera faite avec ce verdict, pour que les gens ne souffrent plus», a déclaré à l'AFP Fikret Alic, qui a connu le froid et la faim dans un camp au nord-ouest de la Bosnie en 1992.
L'ultime procès du tribunal
Le TPIY, créé en 1993 pour juger les personnes présumées responsables de crimes de guerre durant les conflits des Balkans, connaît ce mercredi «l'un des jugements les plus importants de (son) histoire», avant de fermer définitivement ses portes le 31 décembre, a déclaré le procureur Serge Brammertz.
L'accusation a requis la perpétuité. La défense son acquittement: l'ancien chef militaire lui-même n'a jamais concédé une once de culpabilité. Aujourd'hui encore, l'homme divise toujours en Bosnie.
Accusé à La Haye d'être le «cerveau derrière le meurtre de milliers de personnes», il est toujours une «idole» chez lui en Republika Srpska, l'entité des Serbes de Bosnie.
«Architecte de la politique de nettoyage ethnique»
Ratko Mladic, avec son alter ego politique Radovan Karadzic, est considéré comme un «architecte de la politique de nettoyage ethnique» d'une partie de la Bosnie, selon Serge Brammertz.
Ratko Mladic a été inculpé le 25 juillet 1995, quelques jours après le massacre de près de 8000 hommes et garçons musulmans à Srebrenica. Lui sont également reprochés l'enlèvement d'employés des Nations unies et le siège de Sarajevo, long de 44 mois, au cours desquels 10 000 personnes ont été tuées.
Arrêté chez un cousin au terme d'une cavale de seize ans et transféré à La Haye, son procès aura duré cinq ans.
AFP/LT
Source : LeTemps (Suisse)
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