Zimbabwe : Grace Mugabe, la Première dame qui se rêve présidente

La Première dame zimbabwéenne espère succéder à son mari à la tête du pays, poste qu’il occupe depuis trente-sept ans. Grace Mugabe multiplie avec succès les manœuvres pour évincer ses potentiels concurrents et s’imposer comme dauphine naturelle.

Après avoir longtemps caché son appétit pour le pouvoir, elle affiche désormais très clairement ses ambitions : Grace Mugabe veut succéder à son mari à la tête du Zimbabwe. "Je dis à M. Mugabe : vous devriez […] me laisser prendre votre place. N’ayez pas peur ! Si vous voulez me donner votre poste, donnez-le moi librement," a-t-elle lancé, samedi 5 novembre, face à des milliers de jeunes de la Zanu-PF, le parti au pouvoir, réunis dans l’enceinte d’un stade de la capitale Harare.

Grace Mugabe, Première dame au caractère tempétueux et volcanique, peut-elle parvenir à s’imposer au sommet de cet État tenu d’une main de fer depuis trente-sept ans par son époux, Robert Mugabe, 93 ans, plus vieux dirigeant d’Afrique ? "C’est possible", assure à France 24 le vice-président zimbabwéen de la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), Arnold Tsunga, qui vit en Afrique du Sud.

Alors qu’elle affirmait quelques mois plus tôt que le peuple pourrait réélire le "cadavre" de son mari "rien que pour prouver à quel point il l’aime", elle s’emploie aujourd'hui méthodiquement à faire place nette. Et à 52 ans, elle apparaît de plus en plus pressée. En effet, elle vient de faire tomber un des plus sérieux potentiels successeurs à son époux, le vice-président Emmerson Mnangagwa, qu’elle accusait depuis des mois de tenter de déstabiliser le chef de l'État.

"Elle est très influente sur son mari"

Emmerson Mnangagwa, 75 ans, ex-patron des services secrets, un très proche de Robert Mugabe avec qui il avait participé à la lutte d’indépendance du pays en 1980, a été limogé lundi "avec effet immédiat". "Ses liens avec le président étaient très forts. [Grace Mugabe] l’a poussée à le mettre dehors", affirme Arnold Tsunga. "Elle est très influente auprès de son mari, elle a beaucoup de pouvoir", poursuit-il.

En octobre, Emmerson Mnangagwa s’était déjà vu retirer son portefeuille de ministre de la Justice sur fond de rumeur de tentative d'empoisonnement par la Première dame. "Il s'agit d'un remaniement signé Grace Mugabe", avait alors déclaré Takavafira Zhou, analyste politique à l'université d'État Masvingo.

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Et ce n'est pas le premier héritier potentiel à la présidence à disparaitre brutalement du paysage politique. En 2014, la vice-présidente Joyce Mujuru avait été évincée, après une campagne de Grace Mugabe qui lui reprochait de vouloir, là aussi, renverser le président.

"Une dynastie Mugabe"

La Première dame n'est pas uniquement influente auprès de son mari, mais aussi au sein du parti. Elle occupe une place de choix dans la Zanu-PF où elle dirige la Ligue des femmes, une branche très active qui lui assure un siège au bureau du parti. "La Zanu-PF a été réduite à une dynastie Mugabe", se désole le porte-parole du MDC, parti d’opposition, Obert Gutu.

Au sein de cet appareil, les jeunes ont, eux, pris fait et cause pour elle. Le dirigeant de la Ligue, Kudzai Chipanga, ne tarit pas d'éloges sur celle qu'il rêve vice-présidente, "une personne qui n'a aucune volonté de travailler contre le président" et "dont la loyauté vis-à-vis du parti et de son dirigeant, le président Mugabe (est) indiscutable".

Mais Grace Mugabe est loin d’avoir les faveurs de la majorité des Zimbabwéens. "Elle a une très mauvaise réputation dans le pays. Elle est considérée comme égoïste, cruelle et pouvant se montrer violente. Elle n’inspire pas confiance", relate Arnold Tsunga. Elle multiplie les coups d’éclats comme cet été où, pour une raison encore obscure, elle s’en est violemment pris à un mannequin dans un hôtel sud-africain. Mettant à mal les relations entre les deux pays, elle avait invoqué l’immunité diplomatique pour échapper à la police, immunité qui lui avait été accordée. Quelques semaines plus tôt, elle avait invoqué cette même immunité, après avoir détruit le matériel de journalistes croisés à Singapour.

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Dans un pays à l’économie exsangue, Grace Mubage est aussi critiquée pour son goût immodéré pour le shopping de luxe. Elle a notamment lancé des poursuites contre un homme d’affaires libanais qu’elle accuse de ne pas lui avoir remis une bague de 1,35 million de dollars qu’elle avait commandée pour son anniversaire de mariage.

Lundi, le gouvernement n'a pas immédiatement annoncé le nom du nouveau vice-président, un poste clé, puisqu'il occupe les fonctions de chef d'État en cas d'incapacité, maladie, démission ou décès du président. Robert Mugabe, qui compte se présenter à l’élection présidentielle de 2018, malgré un état de santé très précaire, a annoncé qu’il aimerait que ce soit une femme…

 

Florence RICHARD

 

Source : France24

 

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