Des chercheurs de l’université de Lucerne ont cherché à savoir ce qui pousse les jeunes issus de familles musulmanes en Suisse à se convertir à l’islam et à quelles autorités religieuses ils se réfèrent dans leur pratique de la religion. Entre novembre 2014 et janvier 2017, ils se sont entretenus avec 61 jeunes musulmans de 15 à 30 ans, contactés via Facebook ou lors de rassemblements religieux.
La moitié des individus interrogés possède un diplôme d’études supérieures et la grande majorité sont issus de familles croyantes, mais n’ont pas reçu d’éducation religieuse particulière.
Le débat politique éveille l’intérêt
Premier constat: le débat politique autour de l’islam en Suisse a poussé beaucoup d’entre eux à s’intéresser de plus près à leur religion. La campagne de 2009 pour l’interdiction des minarets, mais aussi le récent débat sur la burqa, constitue des moments marquants de leur parcours personnel: «Face à la critique de l’islam dans le débat public, les musulmans se sentent poussés à s’interroger sur leur identité religieuse et à justifier leur position». La mort, la maladie ou une crise existentielle figurent aussi parmi les déclencheurs d’une conversion, précise l’étude, financée par la fondation Mercator Suisse.
Ligne directrice pour certains jeunes en quête de valeurs morales, soutient émotionnel pour d’autres, la foi musulmane a tendance à imprégner le quotidien des jeunes croyants: «Il ne suffit pas d’une visite à l’église une fois pas semaine, l’islam m’accompagne du matin au soir», explique Yasmine, 26 ans. Elle peut être source de conflit interne, lorsqu’il faut concilier les sorties du week-end et l’interdiction de boire de l’alcool ou d’avoir des relations sexuelles.
Mais ce qui a surpris les chercheurs lucernois, c’est la diversité des individus ou institutions qui font office d’autorités religieuses aux yeux des jeunes interrogés. L’influence des imams et des prédicateurs sur Internet est moindre que ce que l’on peut croire a priori, dit l’étude en substance.
Une critique de la religion des parents
Lorsqu’un croyant se trouve confronté à une question concrète ou à un problème d’ordre religieux, l’imam n’est qu’une source d’orientation parmi d’autres. Il interroge un ami, un membre de la communauté, un enseignant en religion, un blogueur, ou le président d’une association islamique.
Les jeunes citent encore comme référence le Coran, le prophète Mahomet et Dieu. Mais parmi leurs sources d’inspiration figurent aussi des personnalités du monde culturel, comme le chanteur libanais suédois Maher Zain, ou le rappeur allemand éthiopien Ammar 114.
«Trouver une voie»
Les noms de Tariq Ramadan, du prédicateur salafiste allemand Pierre Vogel (cité par 15 jeunes alémaniques interrogés), ou du président du conseil central islamique Nicolas Blancho apparaissent comme des figures d’autorité à côté d’une centaine d’autres personnalités musulmanes, mais ils jouent un rôle moins important dans l’orientation religieuse des jeunes pratiquants que le cercle personnel, affirment les auteurs de l’étude.
«Les jeunes musulmans suisses dont les parents ou les grands-parents ont émigré doivent trouver leur propre voie dans la religion, écrivent les chercheurs. Ils ont tendance à se distancer des institutions pour adopter une compréhension plus individuelle de la religion.» Cette distanciation se traduit par l’adoption d’une posture critique à l’égard des pratiques des parents.
Céline Zünd
Source : Le Temps (Suisse)
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