Pour entrer aux Etats-Unis, vous êtes priés de déclarer votre compte Facebook

Depuis le 20 décembre, l’administration américaine aimerait savoir ce que vous trafiquez sur les réseaux sociaux avant de vous laisser entrer sur son territoire. Et ce n’est pas une fake news.

Qui a déjà voyagé en direction des Etats-Unis sait que l’entrée sur le sol américain s’apparente parfois à un parcours du combattant : entretien avec les agents des services d’immigration, indications précises du lieu de résidence sur place, déclaration (détaillée) de douane, inspection éventuelle des bagages, en plus des traditionnels formulaires I-94 blanc (pour les passagers détenteurs d’un visa ou d’une carte verte) ou I-94 W vert, remplacé en 2009 par le système électronique d’autorisation communément appelé ETSA, pour ceux qui bénéficient du programme d’exemption de visa – soit trente-huit pays, dont la France – avant de pouvoir, enfin, poser vos valises au pays de l’oncle Sam.

Depuis le 20 décembre 2016, une nouvelle requête a été ajoutée à destination des touristes qui voyagent dans le cadre du programme d’exemption de visa : ils sont désormais priés de fournir des informations sur leur identité numérique. Concrètement, lorsque vous remplissez votre formulaire ETSA en ligne, une requête supplémentaire intitulée « social media » vous enjoint d’indiquer le(s) réseau(x) socia(ux)l que vous utilisez (parmi une liste de 13 plate-formes, Facebook, Flickr, Google+, Instagram, LinkedIn, Twitter ou YouTube étant les plus connues) et vos identifiants.

Identifier des menaces potentielles 

L’argument du gouvernement américain pour justifier la mise en place de cette nouvelle requête est imparable : elle permetra « d’identifier des menaces potentielles ». Comprendre, en fliquant les comptes Facebook et autres des individus qui débarquent aux Etats-Unis, les autorités seront mieux armées pour repérer ceux ayant des liens avec l’Etat islamique, à qui elles refuseront l’entrée sur le sol américain. Le remplissage de ce champ étant néanmoins optionnel – le service des douanes et de la protection des frontières l’assure dans un récent article publié par le site Politico – l’entrée ne sera pas refusée à ceux qui ne coopéreraient pas.

Qu’on se rassure, donc ? Pas vraiment. Car si cette nouvelle mesure vient s’ajouter à toutes les formalités qu’il est recommandé, voire indispensable, d’accomplir avant d’entrer aux USA, elle soulève de nombreuses questions, et a d’ailleurs provoqué la colère d’associations comme l’Union américaine pour les libertés civiles (ACLU), le Center for Democracy and Technology (CDT, dédié à la protection des droits sur Internet) ou, moins surprenant, des géants de la tech. Furieux de constater que l’administration Obama n’a, de toute évidence, pas tenu compte de leurs revendications (portées dès l’été dernier lorsque ce projet a été publiquement évoqué), tous dénoncent la mise en place d’une réglementation qui porte atteinte à la liberté d’expression et au principe de respect de la vie privée.

Au-delà des sempiternelles questions que soulève la méthode employée pour collecter et transmettre les données personnelles fournies par les passagers, et de la manie d’envisager chaque touriste comme un danger potentiel, la mesure prouve aussi que l’identité numérique d’un individu est désormais prise en considération au même titre que les éléments purement juridiques (nom, prénom, date et lieu de naissance…) renseignés au moment de prendre un avion. Aujourd’hui, ce que êtes socialement (votre métier, votre religion, votre orientation sexuelle…) et culturellement (vos loisirs, vos goûts, vos choix politiques…) constitue une information au moins aussi importante que votre état civil. D’autant qu’elle est accessible en ligne. Big Brother ne nous a jamais autant regardé nous montrer.

 

Source : Télérama (France) – Le 27 décembre 2016

 

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