Les crises du monde francophone au cœur du sommet d’Antananarivo

Une trentaine de chefs d'Etat et de gouvernement se retrouvent ce week-end à Madagascar pour le traditionnel rendez-vous bisannuel de la Francophonie.

Après Kinshasa en 2010, Dakar en 2012, Antananarivo en 2016 est la troisième étape consécutive en terre africaine pour la réunion du monde francophone. Un sommet dont ne devraient pas sortir de grandes annonces, mais qui permettra aux uns et aux autres de se concerter, en marge du thème officiel, sur les grands dossiers du moment.

De notre envoyée spéciale à Antananarivo,

Le sommet de Madagascar, le XVIe pour la Francophonie, s’annonce comme un sommet sans grands enjeux mais où les diplomates auront beaucoup à se dire sur les évolutions du monde francophone entre crises politiques et sécuritaires. Ces derniers mois, plusieurs élections présidentielles se sont tenues dans des pays francophones notamment en Afrique, déclenchant parfois des crises importantes. Cela a notamment été le cas au Burundi, où l’opposition à un troisième mandat du président Nkurunziza a déclenché une vague de manifestations et de répression sanglante. Au Congo-Brazzaville et au Gabon, les crises politiques sont toujours en cours et en RDC, les élections ont été repoussées à 2018 permettant au président Kabila de rester au pouvoir au grand dam de l’opposition.

Deux ans après le rendez-vous sénégalais, on risque donc de retrouver à Antananarivo une Francophonie plus divisée qu’à l’habitude. Il y a deux ans, l’élection de Michaëlle Jean lors de l’édition sénégalaise avait laissé un goût amer à plusieurs délégations notamment africaines. Si sa nomination au poste de secrétaire générale de l’Organisation a finalement eu lieu par consensus, celle-ci avait été obtenue aux forceps, à huis clos, alors que la cérémonie de clôture prenait du retard et que certains chefs d’Etat quittaient le centre de conférence avant même la publication de la résolution finale. Un suspense qui avait relégué au second plan le thème officiel.

Cette année, moins de chefs d’Etat sont attendus à Madagascar. Les noms des absents circulent déjà dans les coulisses du centre de conférence d’Ivato. Pour ce qui concerne le continent, le Congolais Denis Sassou-Nguesso, qui avait soutenu un candidat face à Michaëlle Jean il y a deux ans, laisse entendre qu’il ne sera pas présent, tout comme Alpha Condé, le président guinéen réélu dernièrement pour son deuxième mandat, ainsi que le Camerounais Paul Biya et le Malien Ibrahim Boubacar Keïta. Les venues de l’Ivoirien Alassane Ouattara et du Congolais Joseph Kabila ne sont pas confirmées. Des absences potentielles notables après cette année électorale riche et mouvementée en Afrique.

Défi sécuritaire

Ces évènements seront bien sûr abordés dans les coulisses du centre de conférence d’Ivato. Et selon des sources diplomatiques, le président français François Hollande aurait laissé entendre qu’il profiterait de son passage à la tribune pour parler de respect de la démocratie et des Constitutions à ses homologues. Il sera également question lors du sommet de prévention de la radicalisation. Un sujet de préoccupation cher à Michaëlle Jean. La secrétaire générale de l’OIF estime que le monde francophone bénéficie d’un vivier d’expertise qui doit être mis en commun pour lutter contre ce phénomène.

L’un des grands défis de ce rendez-vous est d’ailleurs la sécurité. Plusieurs pays du monde francophone ont été la cible d’attaques terroristes cette dernière année. A Madagascar, le 26 juin, le jour de la fête de l’Indépendance, un attentat a fait trois morts dans la capitale. La présidence assure que de nombreuses mesures ont été prises pour prévenir tout risque d’attaque pendant le sommet. Au moins 5 000 hommes doivent être déployés pour sécuriser l’évènement. Des pays comme la France, l’Egypte ou encore le Canada ont apporté leur expertise pour former les forces de sécurité. Mais en dépit de ces annonces, un acte malveillant a visé à la fin du mois d’octobre un hôtel de la capitale.

« Une opportunité » pour Madagascar

Ce sommet d’Antananarivo signe le grand retour de Madagascar dans le monde de la Francophonie. Le pays avait été suspendu de l’OIF après une crise politique en 2009 et mis à l’écart sur la scène internationale. Un enjeu dont est pleinement conscient le président Hery Rajaonarimampianina qui confiait en septembre dernier à RFI : « Ce sommet, c’est une opportunité pour le pays, pour l’économie, pour le social, pour l’ouverture de Madagascar au monde entier ».

D’ailleurs le thème officiel du sommet est plutôt en accord avec les préoccupations du pays hôte : croissance partagée et développement durable. Des notions importantes sur une île qui bénéficie d’une biodiversité exceptionnelle, mais où 90% de la population vit sous le seuil de pauvreté. Des thèmes qui risquent toutefois de passer au second plan face aux crises que traverse le monde francophone.

Enfin, comme à l’issue de tout sommet de la Francophonie, de nouveaux membres pourraient rejoindre l’organisation. Plusieurs Etats sont candidats parmi lesquels la Nouvelle-Calédonie, dans une candidature soutenue par la France, mais aussi l’Ontario. Enfin, dimanche à la mi-journée, la Francophonie devrait connaître son point de chute pour 2018, la tradition veut en effet qu’à la fin d’un tel rendez-vous, le pays hôte, ici Madagascar, passe le relais à son successeur…

Le roi du Maroc Mohammed VI accueillir à Antsirabé, dans le centre de l'île, le 23 novembre 2016, pour le lancement des travaux de construction de l'hôpital «Mère et enfant» et un complexe de formation professionnelle, projets de la Fondation Mohammed VI. © REUTERS/Clarel Faniry Rasoanaivo

Le Maroc poursuit son offensive diplomatique

Le royaume chérifien sera représenté en force lors de ce XVIe sommet de la Francophonie. Le roi Mohammed VI, présent à Madagascar depuis déjà quelques jours, sera bien sûr aux côtés des autres chefs d’Etat pour la traditionnelle photo de famille. Le Maroc a accru sa présence diplomatique lors des grands rendez-vous internationaux ces derniers temps en raison de son intention de rejoindre l’Union africaine. Le royaume avait quitté l’institution, qui s’appelait encore l’OUA, en 1984 après l’intégration du Sahara occidental. Ce sommet de la Francophonie est une occasion pour la diplomatie marocaine d’étendre son influence sur le Maghreb francophone, mais peut-être de rencontrer Idriss Déby, le président tchadien et surtout actuel président en exercice de l’Union africaine.

 

Paulina Zidi

 

Source : RFI

 

 

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