Sommes-nous prédisposés à nous haïr?

Je me suis toujours posé cette question : la Mauritanie peut-elle vivre plus forte, plus intelligente et meilleure?

Dans ces moments de triste méditation, je ne pouvais souvent m'empêcher de penser au premier jour, ou avec mon professeur Gaggioli, je fus propulsé pour la première fois devant les étudiants au lycée national, sous un tableau noir crevassé.

Ce jour là, je n'avais plus de salive.

J'avais perdu toutes mes connaissances, ma langue et ma loquacité habituelle avec elle. Je ne savais quoi faire. Je triturais ma cravate (made in foukdiaye), bêtement et essayais de sauver quelque chose de ce qui pouvait l'être. Je me rappelle que j'avais lancé une petite anecdote fort amusante, mais qui ne suscita le rire chez aucun étudiant.

Quelques années plus tard. Je savais que je suis arrivé enfin à être plus fort, plus intelligent et meilleur.

Alors je répète ma question ce pays, le seul que nous avons, peut-il être plus fort, plus intelligent et meilleur. Osons espérer.

Je vais essayer de vous dire, pas la solution, mais les contre-indications de la solution.

Une fourmi revenait tranquillement vers le trou de sa fourmilière, quand une grosse goute de miel tomba devant elle. Elle eut peur au début, et contourna la "chose". Puis se ravisant, rebroussa chemin et revint prospecter cette mine étrange. Elle renifla, huma et s'enhardit à gouter. L'expérience fut si exquise que notre fourmi se lança aussitôt dans le labeur le plus agréable de sa vie. Elle pouvait ameuter les parents et les amis, qui avaient grand besoin de nourriture, mais ne le fit pas. Cette bonne chose n'était ni à divulguer ni à partager.

Elle lécha, touilla tant et si bien, que prise au propre piège de sa douce gourmandise, elle se roula dans le miel et ne pouvant s'en dégager, engluée dans ce délice, elle mourut noyée.              Sans témoins et sans secours.

Le salaire de la cupidité et de l'égoïsme se paie toujours de la sorte.

Que ceux qui s'y retrouvent essayent d'être plus chanceux que cette fourmi.

On peut se distinguer sans blesser personne, on peut être différent sans mépriser personne. On peut profiter sans exclure personne. Comme on peut être plus fort, plus intelligent et meilleur entouré de tous ses frères, sans omettre personne.

La boulimie est une ennemie avérée pour les relations sociales.

Allah a dit: "Nous vous avons crées en peuples et en tribus, pour que vous-vous entre-connaissiez. Le meilleur d'entre vous auprès d'Allah est le plus pieux."

Il y-a donc forcément rapports d'inter-échanges et d'interactivités entre les hommes.

Quand il y-a commerce entre les humains, il y a forcément des heurts, des fautes, des injustices et des crimes.

Un homme a giflé son petit frère en public. Au retour dans leur domicile, il vit son frère écrire sur le sable: "Aujourd'hui mon frère m'a gravement blessé devant les autres."

Le cœur serré, il comprit la gravité de sa faute et se promit de tout sacrifier pour le réconcilier. Il lui donna tous ses biens.

Il découvrit un jour, une inscription gravée sur le rocher qui dit: "Soit témoin Mon Dieu que mon frère est ma raison de vivre et que non seulement je lui restitue ses biens, mais que je vivrai pour lui comme il a tout sacrifié pour moi."

Il interrogea son frère alors: "pourquoi la première fois, quand je t'ai fait un tort si grave, tu as écrit sur le sable?"

-La première fois c'était pour oublier. Je laisser au temps et au vent le soin d'effacer ce mauvais souvenir. Et la deuxième fois j'ai gaufré une relation qui ne doit jamais ni faiblir, ni mourir.

Dieu ne nous a pas laissés dans l'ignorance des attitudes à adopter en pareilles circonstances anormales.

La charria est là pour rappeler que l'Islam est juste. Allah a privilégié cependant, l'oubli et le pardon. "Si vous pardonnez et oubliez c'est meilleur pour vous."

Meilleur pour votre santé et le repos de votre cœur, avant toute autre chose.

L'envoyé (psl) a dit : "mon seigneur m'a recommandé dix choses. Parmi lesquelles, pardonner à celui qui m'a fait le tort et donner à celui qui m'a privé."

Il est prouvé scientifiquement que garder les rancunes, les haines les antipathies et les aversions chroniques, influe très négativement sur la santé. Certaines formes de cancers sont dues à la trop longue peine enfouie dans le cœur ou à la négligence prolongée d'un stress qui ronge les veines et les artères de l'individu.

Donc je pardonne d'abord pour ma santé. Pour moi-même. Mais ce n'est pas tout. Je pardonne aussi parce que mon seigneur m'a promis une récompense qui dépasse toute espérance dans l'au delà. Je pardonne car je suis grand. Je me distingue de la petitesse et de la faiblesse de l'autre par mon pardon.

Je pardonne d'abord et avant tout parce que je mérite de vivre confortablement dans la sérénité.

Est-ce que je peux dépasser mes passions pour que je sois plus fort, plus intelligeant et meilleur?

Ceux qui s'y voient peuvent y réfléchir.

Mes frères. Le jour de la rétribution, et une fois que les élus dépassent le "Sirat", ils ne rentrent pas directement au Paradis. Ils sont rassemblés dans un espace appelé "Alqatara"

C'est là ou Allah leur enlève toute trace de rancune et de haine des cœurs. Pour ne pas souiller le saint Paradis de ces mauvaises choses. "Et nous avons extirpé de leur esprit tout sentiment de haine. Ils vivront en frères." El Hijr-47.

Je répète la question: la Mauritanie peut-elle devenir plus forte, plus intelligente et meilleure?

Ceci dépendra de nous tous.

Si nous voulons suivre la fourmi, nous n'avancerons jamais et développerions les jardins de l'envie de la haine, des rancœurs, de la jalousie, des complots, des animosités aux lendemains incertains et nous seront les seuls à en consommer les fruits amers et mortels.

Si nous voulons servir de montures à Satan. Nous serons les auteurs de notre propre destruction dans ce monde ci et dans l'autre.

Si nous voulons que la Mauritanie vive forte juste et prospère, comme Allah le veut, nous devons réparer nos erreurs en frères, discuter nos différents en frères et partager nos peines et nos bonheurs en frères.

Les autres ne le feront pas à notre place.

Si nous voulons une Mauritanie avec quelque chance d'échapper aux virus de l'ailleurs, nous devons écrire notre passé sur le sable et graver notre avenir sur le roc et le granit.

Ps: Pour ceux qui me sermonnent et me reprochent d'être inconstant dans mes écrits, je vous dis : je n'ai pu l'être. Si je suis avec les uns je trahis les ordres de Dieu et si je suis avec les autres je déséquilibre les lois de l'univers. Je suis bien petit pour ce défi.

Je demeure avec tous pour une Mauritanie à l'aise dans sa diversité, fière de son passé fraternel, noble par ses attitudes internes et externes, confiante en ses fils et juste dans son avancée vers un avenir radieux avec les pas et les bras de tous ses enfants.

Nous sommes trop peu nombreux et trop faibles pour que nos bras droits engagent des bras-de-fer avec nos bras gauches.

Dieu est l'omniscient, l'omnipotent. Il est le Témoin l'Eternel.

 

Mohamed Hanefi

Koweït.

 

(Reçu à Kassataya le 10 novembre 2016)

 

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