In Memoriam : Hommage à un illustre fils de la Mauritanie ; le Pr Saïdou KANE

Quel moment difficile que de se résoudre à un exercice que l’on répugne par delà tout: rendre hommage, témoigner après la perte d’un être cher, exhiber sa douleur et ses peines face à un évènement incommensurable frappé par le sceau du destin, s’accommoder du vide, sacrifier à l’idée du vide que ni le temps, ni la nature auront du mal à combler;

ici le devoir irascible et rationnel du deuil dévient improbable tant la souffrance parait indépassable; indépassable au point que toute tentative d’expression d’un sentiment dévalue et minore l’amplitude de l’évènement. C’est cela aussi le deuil impossible dont parlait BA Kassoum Sidiki. 

Le Professeur Saïdou KANE appartient à cette race d’individus dont les qualités intrinsèques forcent l’admiration et le respect; restituer sa juste valeur est un gage de reconnaissance de la dimension de l’homme et de son oeuvre. L’homme est rentré dans le domaine public en ce qu’il nous ressemble tous au point qu’on se l’approprie jalousement ; à chaque fois qu’il vous invite en discussion il vous laisse sur votre faim. Il suscite chez vous un sentiment d’inachevé et en même temps de plénitude; inachevé  puisqu’à chaque fois qu’il vous invite autour d’une discussion s’empare de vous un plaisir boulimique intense de connaître d’avantage l’homme; et plénitude car sa dimension intellectuelle, culturelle, politique et sociale demeure un trésor inestimable, un savoir immense qui fait penser à l’époque de 

la Grèce antique et ses sophistes qui diffusaient le savoir sur la place de l’agora. Saïdou est un concentré de savoir ( murtudo dit de lui KO MAAYO GANDAL) une sommité intellectuelle incontestée un humaniste féru de cultures et adepte du dialogue des civilisations qui fait de lui un universaliste qui prêche toujours vers l’indispensable connaissance de l’autre. Durant toute sa vie son combat a été celui du refus de l’arbitraire et de l’injustice celle-là même qui l’a conduit au sacrifice suprême en faisant un don de soi passant outre sur les calculs égoïstes et comptables de nôtre vie ici bas. 

Mon chemin a croisé celui de Saïdou grâce à la politique qu’il affectionnait tant mais la bonne politique celle au sens noble du terme; On s’est croisé à Paris un matin de septembre 2002 pour un échange  de vues politiqus; nos idées se sont immédiatement mariées. Je devais rencontrer une commission  de l’organisation conscience et résistance quelle fut ma surprise de constater que le professeur Saïdou KANE faisait parti de celle-ci; installé majestueusement dans son fauteuil tel un prince du fuuta. Il créa de suite un environnement favorable au dialogue à travers son exercice préféré à savoir la recherche de la filiation afin de cerner son interlocuteur. Je  fut immédiatement séduit par sa présentation  après laquelle il m’invitât à lui faire part de mes opinions sur la situation politique en Mauritanie.

Nos convergences de vues étaient sans équivoques. J’ai tenu d’abord à lui témoigner tout mon respect et à rendre hommage à son combat; je lui ai fait savoir combien je suis admiratif de ceux qui, au péril de leurs vies, ont osé affronté la foudre régalienne de l’Etat pour la satisfaction d’un idéal de justice au profit de l’intérêt supérieur de la nation. Il était pour moi, parmi d’autres aussi, un symbole vivant  du refus de l’arbitraire mais jamais sans verser dans la haine de l’autre ou sa négation. Sa sève nourricière d’où il tire sa force de caractère et sa longévité politique est la constance aussi bien dans le combat que dans ses rapports avec les hommes. Je le revois encore ou du moins l’entends un soir de 1992 à  la SOCOGIM, lors d’un meeting de l’UFD mettant en garde les militants contre tout triomphalisme et en les exhortant à penser les solution de demain.EN ce moment même je ne savais pas que dix ans après dans son exil parisien que le hasard allait  nous faire rencontrer de nouveau cette fois comme président de l’organisation à laquelle j’appartiens. Il m’inspira beaucoup dans le combat et devient presque un confident au point de solliciter mon avis sur certains choix politiques ce qui me remplissait de fierté. 

Si on doit résumer la vie du professeur Saïdou KANE on retient, de façon forcement tronquée, tant celle ci est immense, l’amour du consensus, le culte de la diplomatie: jamais un mot plus élevé que l’autre; C’est un patriote sincère, un illustre fils du FUUTA dont’il ressasse sans cesse les contours flexibles de son histoire et de sa géographie; un insatiable et infatigable pèlerin du dialogue des civilisations; il était d’une humilité maladive face à des adversaires des plus coriaces; jamais à bout d’arguments, toujours à l’affût des contradictions qui alimentent la vie mais reste incontestablement animé par la retenue qui sied à l’échange. 

L’homme est parti pour un long voyage laissant derrière lui une oeuvre colossale à la postérité en espérant que celle-ci en fera un bon usage pour l’unité du pays.  

  

DIALLO Amadou 

NICE

Article publié le 29 sept 2007

 

(Reçu à Kassataya le 28 septembre 2016)

 

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