Un père privé de ses enfants, enlevés par leur mère radicalisée

Enlèvement. Mamadou Kanouté, un habitant de Gennevilliers (Hauts-de-Seine), se bat pour que la justice l'aide à retrouver son fils et sa fille, désormais en Mauritanie.

Un petit fauteuil, une poupée et un doudou. Trois reliques d'une chambre d'enfants devenue lieu de culte à la mémoire de Mayssane et Imrane, 5 et 2 ans. Tous deux sont bien vivants, mais cela fait un an que leurs rires n'ont plus retenti ici. Depuis le 26 septembre 2015, quand leur mère, Aminata Diarra, les a arrachés à cette « terre de mécréants » qu'elle disait exécrer. La chronique trop classique d'une « radicalisation expresse » accompagnée d'un « enlèvement de mineurs », comme l'a reconnu le tribunal de Nanterre. Mais cette décision de justice n'a été suivie d'aucun effet en République islamique de Mauritanie, où Aminata se terre désormais.

Surmonter la honte et la culpabilité

Pour que « personne d'autre ne vive ça », et parce qu'il se sent désespérément seul dans son combat, Mamadou Kanouté, le papa, s'est résolu à médiatiser ce drame. Il a fallu surmonter « un sentiment de honte ». Une perfide et injuste culpabilité qui lui fait se reprocher à longueur de nuits blanches de ne pas avoir agi quand, pense-t-il, il avait encore le temps.

Dans son quartier des Agnettes, à Gennevilliers (Hauts-de-Seine), Mamadou Kanouté est connu de tous. Ancien professionnel de foot, il a éduqué des générations de petits frères. Le respect qu'il inspire n'a d'égal que celui voué par la ville de Châtellerault (Vienne) à la famille d'Aminata Diarra. Un clan de 22 personnes, illustration du « vivre-ensemble. » Un équipement sportif local porte le nom de l'un des frères, champion du monde de boxe, et les autres sont mariés « à une Chinoise, une Française ou une Antillaise », décrit Mamadou Kanouté.

Il y a six ans, quand il rencontre Aminata, tous les feux sont au vert. Six mois plus tard, le couple s'installe. Naît une fille, Mayssane, puis Imrane, début 2015. Entre-temps, leur union s'est déjà consumée. Aminata se radicalise au contact de la « mosquée Internet » et en fréquentant « ses soeurs », comme elle les nomme. Ces femmes voilées de la tête au pied enchaînent les réunions dans un appartement auquel Mamadou n'a pas le droit d'accéder lorsqu'elles sont là. « Les tensions étaient incessantes, se souvient-il. Elle me reprochait de travailler en costume, comme les mécréants, ne cessait de se plaindre que nous, les musulmans, étions persécutés ici même. Mais par qui ? ! »

A plusieurs reprises, Aminata prévient qu'elle partira. « De la provoc », veut croire Mamadou Kanouté, qui persiste à penser « qu'elle peut changer ». « J'ai trop vu les dégâts causés par les familles monoparentales, souffle le colosse. J'ai voulu y croire jusqu'au bout. » Mais ce 26 septembre 2015, un pressentiment le pousse à annuler un déplacement à l'étranger. Lorsqu'il rentre chez lui à midi, aucune trace de sa femme et des enfants. « Je suis dans l'avion, bye-bye », le nargue-t-elle dans un SMS.

 

 

 

Mayssane et Imrane, 5 et 2 ans, vivent désormais avec leur mère en Mauritanie. (DR)

 

L'abandon des autorités

Grâce aux contacts de « ses soeurs d'islam », Aminata est hébergée d'abord au Maroc, puis au Sénégal, avant de s'installer à Nouakchott, la capitale mauritanienne. Là, selon ses dires, elle compte se remarier avec « un vrai musulman  ». Peut-être ce barbu dont elle a envoyé à Mamadou la photo, en train de jouer avec Mayssane. Ultime torture pour un père qui n'en peut plus, et dénonce l'abandon total des autorités, du ministère des Affaires étrangères français à l'ambassade de Mauritanie en France, lesquels n'ont pas donné suite à nos sollicitations.

En fonction du bon vouloir de son ex, Mamadou parvient toutefois à échanger quelques mots avec ses enfants totalement déscolarisés. « Leur mère me promet qu'elle combattra l'Occident, elle me sort des phrases d'une violence inouïe, se désole le papa. Quand mon fils est parti, il avait huit mois et demi. Il ne me connaît même pas, ça ne peut plus durer. »

 

 

Un combat judiciaire

À la douleur de ne plus voir ses enfants, s'ajoute pour Mamadou Kanouté la frustration : la fuite de leur mère aurait pu être stoppée. Les policiers du commissariat de Gennevilliers en ont pourtant vite pris la mesure. Le portable d'Aminata est alors tracé. Au lieu de l'avion qu'elle prétend avoir pris, elle a emprunté un bus pour le Maroc. La police espagnole l'intercepte à Algésiras mais contre toute attente… la relâche lorsque la jeune femme prétend qu'elle n'est pas radicalisée. Dans la foulée, au civil, la justice confie à Mamadou « l'exercice exclusif de l'autorité parentale ».

Dans le même temps, une plainte est déposée au pénal à Nanterre, qui ouvre une enquête préliminaire. « Il a fallu que je menace d'attaquer l'Etat devant les tribunaux pour qu'une instruction soit ouverte », assure Me Calvin Job, l'avocat de Mamadou Kanouté. Une juge d'instruction est finalement désignée, mais « on a le sentiment que pour elle, comme pour le ministère des Affaires étrangères, ce dossier est tout sauf une priorité », déplore l'avocat.

Si une commission rogatoire internationale a bien été lancée, « on attend toujours qu'un mandat d'arrêt international soit pris, avance Me Job. La juge a entre ses mains toutes les preuves de la radicalisation. Mais entre les grands discours contre l'Etat islamique et ce qui est fait en réalité, il y a un monde. Peut-être que si mon client avait été blanc avec un autre patronyme, les choses se seraient passées différemment. » Le parquet de Nanterre, lui, se veut rassurant : « Il y a des investigations en cours et elles avancent. »

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Nicolas Jacquard

 

Source : Le Parisien

 

 

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