Les Iraniennes doivent lâcher le guidon pour le poêlon

Jusqu’où ira la pudibonderie – apparente – du pouvoir religieux iranien ? Le guide de la révolution, l’ayatollah Ali Khamenei, a publié le 10 septembre une fatwa (décret islamique) qui interdit aux femmes la pratique du vélo en public et devant des étrangers.

Ce n’est que le dernier avatar du catalogue de discriminations dont les Iraniennes font l’objet. La pratique du vélo "attire l’attention des hommes et expose la société à la corruption, et surtout cela contrevient à la chasteté des femmes", a affirmé le guide, pour qui "le rôle et la mission des femmes, c’est de s’occuper de leurs enfants et de leur foyer".

Voilà qui ne va pas réconcilier les Iraniennes avec les mollahs qui régentent leur vie à coups de restrictions fondées sur la charia islamique. D’ailleurs, en guise de réponse à cette fatwa et et de défi aux autorités, le site féministe "My Stealthy Freedom" (Ma liberté furtive) a commencé à publier des photos que lui envoient des femmes qui s’exhibent au guidon de leur vélo dans différents lieux publics.

La vertu comme guide

Cette fatwa est d’abord l’occasion de réaffirmer une interdiction imposée par le régime théocratique. Car, en principe, les femmes ne peuvent pas rouler à vélo dans l’espace public. En pratique, certaines y contreviennent, en particulier dans les villes. Les femmes qui veulent rouler en deux-roues sans avoir d’ennui peuvent toujours aller dans ces parcs réservés aux femmes, où celles-ci peuvent parcourir les allées aménagées à cet effet de même que retirer le foulard qu’elles sont obligées de porter partout ailleurs dans l’espace public.

La République islamique impose à ses habitants une série de restrictions valables dans l’espace public. Il s’agit de codes vestimentaires et de bonne conduite fondés sur le principe de vertu. La femme doit ainsi se voiler les cheveux et la nuque dès sa puberté grâce à un foulard (hijab) – que les défenseurs des droits de l’homme voient comme un instrument de domination masculine sur la gent féminine. Lors d’une enquête auprès de jeunes Iraniens, Ava nous avait parlé du "combat quotidien d’être une femme" , consistant à "tenter de prouver que vous êtes une créature humaine."

De chastes oreilles

La femme ne peut pas tenir la main d’un homme en rue ni avoir de relations sexuelles en dehors du mariage. Les Iraniennes ne peuvent pas aller au stade pour regarder des compétitions sportives – les hommes y profèrent des propos emportés et parfois injurieux, peu recommandables pour leurs chastes oreilles. Les femmes ne peuvent accéder à certaines études ou, du moins, "elles sont orientées vers des filières qui leur correspondent mieux", indique Emile Franck, coordinateur chez Amnesty International. Et les postes à responsabilités leur sont souvent refusés.

Une loi récente contraint les femmes à réduire leur temps de travail (sans réduction de salaire) afin de pouvoir s’occuper de leur famille. "Cela semble positif mais le risque est que les entreprises du secteur privé soient moins enclines à engager des femmes", souligne Fery Malek, responsable d’Art Cantara, une association qui œuvre à faciliter les projets de femmes en Iran. En tout état de cause, ces restrictions semblent répondre à une politique qui, selon M. Franck, "stimule la natalité, l’Iran étant confronté à une courbe décroissante depuis la révolution islamique."

 

Vincent Braun

 

Source : La Libre.be (Belgique

 

 

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