Peut mieux faire monsieur le président

Alioune a été ensorcelé. Le gris-gris fut attaché à la patte d'un pigeon. Il devra ainsi errer dans les contrées lointaines selon les caprices de l'oiseau qu'il suivra toute sa vie durant.

Quand il quitta le village et sa jeune femme avec, il était encore jeune et fort.

Aujourd'hui après trente et un ans, il revient la peau tannée et ratatinée par la griffe capricieuse de terres lointaines que seule l'imagination villageoise collective, peut peindre.

Sa femme Toutou a bien vieilli, "mais elle était devenu bonne pâtissière" exactement à l'image de la Cunégonde de candide.

Encore deux jours de commentaires passionnés et l'affaire sera classée dans les contes mythiques de ces villages momifiés.

Fatma est morte pendant l'accouchement. Elle a été "attrapée par le froid". Cette grossesse d'ailleurs vient de loin, car le père est mort depuis sept ans et l'enfant "gâté" s'est refugié trop longtemps dans l'utérus de la maman. Ceci peut être une raison, sinon la principale de la disparition brutale et dramatique de la pauvre veuve.

Mahmoud a disparu aussi. Il a été atteint d'un coup de corne d'un bœuf affolé pendant sa jeunesse. Et "la coupure" dans l'omoplate droite a poursuivi sa tache assassine pendant cinquante cinq ans avant de le terrasser.

Maria a donné naissance au petit Yedda. Le plus simplement du monde maintenue assise sur un mortier par les femmes, sous la Khalva de sa tente, elle s'est séparée de l'enfant. Le nombril tranché par les mains ridées de Minata a l'aide d'un vieux canif rouillé. Les premiers cris du bébé furent couverts par le bruit insolite et nouveau dans ce paysage d'une remorque qui déchirait le rideau de la nuit sur le nouvel axe routier Rosso-Boghé. Si au moins ce serpent de fer laissait quelque chose pour le village.

Les feux colorés du mille-pattes métallique, qui frayait son chemin dans ce néant de civilisation, contrastait tristement avec le frêle groupe de femmes qui disputaient leur sœur profondément affaiblie aux lanières acérées de la mort.

Saarra est la "pédiatre" du village et de quelques villages alentour. Aujourd'hui elle doit "remonter la glotte" de l'enfant de la famille Bilal. L'opération consiste à maintenir le bébé le visage sous les mamelles d'une chèvre et de faire gicler le lait avec abondance dans les narines du supplicié. L'enfant commence naturellement par pleurer tant que les poumons inondés peuvent dégager de l'air, puis asphyxié par le liquide blanchâtre il finit par ne plus émettre que des gargouillements et des borborygmes effrayants. Ne pouvant plus respirer que par les yeux et les oreilles, les yeux exorbités par la frayeur, il entame les premiers pas de l'agonie. Le "halg" est soulevé Al hamdoulillah et si Dieu le veut l'enfant survivra.

Une autre opération consiste à chauffer à blanc une crotte de chèvre plantée au bout d'une aiguille, puis d'en cautériser le sommet du crane de l'enfant. Ceci constitue un remède contre le "Sgui'" causé par l'exposition à la chaleur. Ou encore le remède efficace pour l'enfant qui tarde à marcher. Il s'agit pour la vieille femme d'introduire ses doigts avec force sous l'omoplate de l'enfant. A la manière de dépecer un animal. Les cris des patients lors de cette opération sont tout simplement insoutenables.

Cette femme, au visage émacié par les douleurs n'ignore jamais de remède soit le malade est guéri, soit il rejoint le Très Haut par la volonté d'Allah.    

 Depuis un bon bout de temps je contemplais Yarg. Il est en quelque sorte le philosophe, l'intellectuel et le politicien du village.

La main tendu, l'autre main sur le cœur, il me jure que cette main "Qui finira par être rongée par les vers." a salué le président Mohamed ould Abd al Aziz.

Sa voix altérée par l'émotion narrait l'événement qui a changé sa vie.

"Il était debout ici affirme t-il. Il m'a salué. Je peux encore sentir ses doigts croiser les miens. Nous étions une foule nombreuse des villages de Bezoul trois, deux, un, Mbegnik Oulad Imigine, Simou et quelques populations du nouveau village des Rhahla.

Le maire, le chef d'arrondissement et les autorités avait préparé la réception présidentielle à Lexeiba 2. Mais le président ayant constaté que les faibles étaient là rassemblés de coté, avait opté pour se diriger vers nous. C'est ainsi que j'ai eu la chance de lui tendre la main et de toucher la sienne. Par Allah avec cette main qui finira par être rongée par les vers."

Je regardais le visage de cet homme rongé par les affres de la faim et de l'ignorance et je me demandais quel grand bien le fait d'avoir touché la main du président de la république pouvait lui apporter comme changement conséquent dans sa vie de misère.

Il est vrai que Ould Abd al aziz a construit immédiatement une école à la château de Versailles sur ce même lieu. (Voir photo). Une école entre bezoul deux et trois. Peut-être dans l'intention d'obliger ces populations à se rapprocher d'avantage. Une école dans une zone ou les enfants sont obligés de parcourir 12 kms par jour pour assister à un cours là bas à Mouqam Ibrahim chez les Oulad Enahwi. Un calvaire que les enfants doivent endurer en hiver comme en été avant de revenir sur terre et de servir comme apprentis dans un camion ou petit vendeur de chaussures a Nouakchott.

Aucun cadre de l'éducation ne s'est exercé une fois à imaginer ces petits corps frêles et affamés, traverser ces longs espaces grelottant de froid ou desséchés par la canicule.

L'école du président est belle. Comme sont belles toutes ces mosquées alignées scrupuleusement au bord de la route bitumée, comme pour dire aux voyageurs qui ne s'arrêtent jamais "regardez-nous. Nous prions." Ces mosquées du Qatar, des Emirats du Koweït (bien financées et médiocrement construites) sont de grandes aides pour les fidèles, mais elles seraient beaucoup plus logiques, si après avoir construits deux ou trois mosquées, les auteurs pensent à faire une petite salle de trois mètre sur trois pour qu'une femme puisse accoucher dans l'intimité d'un abri fermé aux vents et aux rigueurs du temps. Une petite salle de classe pour que les tous petits puissent s'alphabétiser à la mesure des capacités de leurs petits corps.

Là bas sur le croisement des routes entre Lexeiba 2, Rkiz, Bogué et Rosso, les chinois après avoir achevé la route Rosso-Bogué, ont laissé des bâtisses, qui pouvaient faire office du plus grand hôpital ou dispensaire de la région, ou d'une grande école.

Les chinois n'ont pas plutôt quitté les lieux que des personnalités influentes se jetèrent sur les bâtisses pour arracher portes, fenêtre et plafonds (voir photos). Pourquoi???

Si nous n'avons pas eu la possibilité de construire une bâtisse pour la santé ou l'éducation, pourquoi ne profiterions-nous pas de ce que le Seigneur des mondes nous a enlevé de la main des chinois ou des cosaques?

Pourquoi la Mauritanie ne se lève telle pas comme un seul homme pour qu'aucun mauritanien ne soit laissé à la merci de l'ignorance et des actes irresponsables?

N'avons-nous pas intérêt à ce que ces concitoyens soient forts et instruits pour qu'au moins cette partie de notre cher territoire national soit peuplée par des hommes et non par des bêtes qu'on manipule comme des objets?

Qui a intérêt à affaiblir un muscle du pays? Et pourquoi?

Ce matin les hommes du village sont descendus pour négocier avec l'un de leurs anciens notables le dernier morceau de terre qui leur reste et qu'il voulait vendre. Bientôt ils n'auront plus rien et avec cet affaiblissement presque programmé, la Mauritanie perdra les potentialités agissantes de l'une de ses franges les plus naturellement fidèles et les plus courageusement disponibles.

Hélas.

Pourtant monsieur le président, vous auriez pu mieux faire. Avant de construire une école et beaucoup moins cher que de construire une école, vous auriez pu dire : "Je veux que cela cesse." Et ça cessera.

Les gens ont soit peur de vous, soit vous estiment ou soit essayent de vous faire plaisir pour une raison ou pour une autre.

Vous auriez pu utiliser cet outil que le Bon Dieu vous a prêté pour un temps, pour que les femmes de la Chamama n'accouchent plus sous une tente délabrée, pour que les enfants de la Chamama constituent dans l'avenir une armée de citoyens fortifiés, sur lesquels la Mauritanie pourra compter les jours du feu de la fumée et de la poussière. Mais surtout pour que la fierté d'un vieux cultivateur de vous avoir serré la main soit le symbole de votre volonté réelle devant Dieu et les hommes de marquer ce pays par le signe de la justice, du développement et de la confiance entre dirigeants et dirigés

Vous auriez pu rencontrer le Très Haut auréolé de l'aura de celui qui refuse le tort, les inégalités et le mépris du citoyen.

Personnellement je vous remercie pour beaucoup de choses que vous avez faites pour le pays. Ceci est indéniable et doit être cité et remercié. Ceux qui disent que vous n'avez rien fait sont de mauvaise foi mais ceux qui disent que vous auriez pu mieux faire, attendaient beaucoup de votre personne. Essayez de ne pas les décevoir.

Mais comme vous luttez contre les détourneurs de deniers publics, vous devez également prévoir un code pour stopper les détourneurs des âmes et des consciences.

 Je dois vous dire que pour la deuxième session vous pouvez mieux faire…pour votre salut et votre place dans l'histoire.

Qu'Allah vous aide et vous guide.

Puisse Allah faire que les meilleurs d'entre-nous, soient ceux qui nous gouvernent. Amine.

 

Mohamed Hanefi

 

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(Reçu à Kassataya le 3 septembre  2016)

 

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