Algérie – Maroc : le mur de la honte

L’Algérie a entamé la construction d’un mur en béton le long de la frontière marocaine. Haut de 3,5 m et long de 5 km, ce mur est situé près de la ville marocaine de Chraga, considérée comme le point de passage principal des migrants subsahariens et de la contrebande de carburant algérien, selon la presse marocaine.

En 2014, le Maroc a lancé la construction d’un autre mur en béton, le long de la frontière algérienne, sur 150 km. Cette frontière fermée depuis 1996 est la principale source de problèmes  qui empoisonnent les relations entre les deux pays. Et la séparation entre ces deux pays voisins devient plus concrète que jamais: l’Algérie et le Maroc continuent de se barricader.

Les autorités algériennes veulent mettre un terme au déferlement de drogue, dont le Maroc est le principal producteur mondial. Les derniers chiffres officiels font état de la saisie de 69 tonnes de résine de cannabis sur les six premiers mois de l’année, dont 77% proviennent du Maroc. Un record.

Dans le même temps, l’Algérie veut arrêter la saignée de carburants et de denrées alimentaires. Lourdement subventionnés de ce côté du mur, ces produits sont vendus à prix d’or, côté marocain. Les contrebandiers permettent ainsi une subvention indirecte des régions de l’Est marocain, de la part de l’Algérie.

De l’autre côté, le voisin de l’Ouest veut officiellement « se protéger des menaces terroristes » de Daech, selon son ministre de l’Intérieur Mohamed Hassad. Comprendre: empêcher l’infiltration de terroristes sur son territoire, en provenance d’Algérie. Comme si l’Armée nationale populaire (ANP) algérienne avait pour coutume de permettre la libre circulation d’éléments armés.

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Surtout, le Maroc a sans doute plus à craindre de ses propres ressortissants partis faire le « djihad » en Libye ou en Syrie. Ils seraient entre 1000 et 3000 individus, selon les sources. Ceux-là n’emprunteraient sans doute pas la frontière terrestre algéro-marocaine.

Une fausse solution

Du point de vue de l’Algérie, la mise en place d’une mesure peut contribuer à ralentir le phénomène de la contrebande et réduire le trafic de drogue. Cela pourra éventuellement réduire le nombre de soldats, de gendarmes et de douaniers nécessaires pour surveiller la longue et poreuse frontière.

Mais l’efficacité d’un tel dispositif reste sujet à caution. En effet, les moyens dont disposent les narcotrafiquants sont conséquents. Il restera la voie maritime, voire aérienne pour livrer des quantités importantes de drogues. Les trafiquants peuvent ainsi passer par l’extrême sud.

Surtout, cette solution est extrêmement coûteuse. La construction de milliers de kilomètres de murs est irréaliste. Elle reflète surtout une forme de surenchère de part et d’autre de la frontière. D’autant que pour l’Algérie, le problème de la contrebande de produits subventionnés se posent au niveau de toutes ses frontières terrestres.

En fait, cette solution ne fait que traiter les symptômes d’un mal profond. Celui d’une trop grande disparité des prix des carburants en raison des subventions extrêmement coûteuses pour l’Algérie. Revoir ces prix à la hausse permettrait de résoudre trois problèmes d’un seul coup: une augmentation des recettes de l’État, une rationalisation de la (sur)consommation de ces produits et une réduction de l’intérêt économique de recourir à la contrebande.

Pour le problème de la drogue, il faudrait s’intéresser davantage aux causes socio-économiques d’une explosion de la consommation de cannabis (et autres drogues) dans le pays, particulièrement chez les jeunes.

En fin de compte, ces murs traduisent l’incapacité des deux pays à dialoguer et à rétablir leurs relations politiques. La lutte contre le terrorisme, la contrebande et le trafic de drogue ne peut se faire qu’avec le dialogue et la coopération. En mettant de côté les postures politiques et les agissements contre-productifs ou nuisibles, l’Algérie et le Maroc gagneraient à développer une coopération bénéfique pour les deux parties.

 

Tewfik Abdelabri

 

Source : TSA (Algérie)

 

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