Il faudra plus qu’une Ligue des champions pour faire de Zidane un grand coach

Bien aidé par un groupe surpuissant et un tirage au sort clément, le nouveau coach du Real a réalisé une très bonne demi-saison mais n'a pas encore construit un vrai projet.

Il lui aura fallu moins de six mois: après avoir débuté sa carrière d'entraîneur professionnel le 4 janvier 2016 en prenant la tête de l'un des plus grands clubs au monde, le plus titré en tout cas, le Real Madrid, Zinedine Zidane va déjà disputer sa première finale de Ligue des champions en tant qu'entraîneur en chef, samedi 28 mai à Milan contre l'Atletico Madrid. Dit comme ça, cela ressemble à un exploit peu commun de la part de l'ancien adjoint de l'Espagnol Rafael Benitez. Surtout pour un joueur que beaucoup ne voyaient pas devenir coach un jour en raison de sa timidité et de son manque de leadership en dehors du terrain. «Quand j’ai terminé ma carrière de joueur, je ne voulais pas être entraîneur», expliquait d'ailleurs Zizou himself au journal Le Parisien, en novembre 2014, à l'époque où il entraînait la Castilla, l'équipe des jeunes du Real. 

Mais après quelques années de retraite dans la peau d'un ambassadeur pour différentes marques, dont Danone, mais aussi pour le Real Madrid où il a fini sa carrière, Zidane a patiemment franchi les étapes pour se bâtir un profil d'entraîneur. En janvier 2014, il recevait son diplôme de manager général de club sportif professionnel, passé au Centre de droit et d’économie du sport de Limoges, après avoir d'abord obtenu un brevet d'État d'éducateur sportif 1er degré puis un diplôme d'entraîneur de football. 

Un bon début, même si dans l'univers du football professionnel, une aura auprès des joueurs et un sens tactique valent tous les diplômes du monde.

Un «effet Zidane»

Zidane a réussi dans les grandes largeurs sa première demi-saison sur le banc. Il a récupéré un Real largué à la trêve en Liga, mais a réussi l'exploit de revenir sur les talons du FC Barcelone –le club catalan a été sacré champion avec seulement un point d'avance– en remportant notamment son premier clasico comme entraîneur le 2 avril (2-1), dans ce qui ressemble à un acte fondateur de sa jeune carrière. Mais bien plus important, Zizou peut offrir un trophée majeur à son club, une onzième Ligue des champions, qui transformerait une saison ratée (pas de titre sur le plan national) en une grande année pour les Madrilènes.

Une averse de compliments est déjà tombée sur les épaules du Ballon d'or 1998. L'entraîneur de l'Atletico Madrid, l'Argentin Diego Simeone, qui sera en face du Français en finale de la C1, évoquait il y a quelques semaines un «effet Zidane» pour qualifier le retour en grâce du Real depuis quelques mois. Le technicien argentin a remis le couvert ce 27 mai, à la veille de la finale, en déclarant en conférence de presse:

«Pour moi, il a fait un excellent travail, je l’ai déjà dit. Il ne s’est pas laissé influencer par la situation de l’équipe à son arrivée. Il a pris la responsabilité de mettre Casemiro, qui a tout changé. C’est un entraîneur important.»

Si vous ne connaissez pas Casemiro, il s'agit d'un jeune milieu récupérateur brésilien de 24 ans qui restait collé sur le banc avec Rafael Benitez. S'il ne s'agit pas, et de loin, du joueur le plus technique et talentueux de l'effectif du Real, Zidane l'a installé comme un titulaire devant sa défense: un chaînon manquant qui a ramené l'équilibre dans la très offensive équipe madrilène en grattant un nombre incalculable de ballons et en bouchant les trous au milieu de terrain.

L'autre réussite du champion du monde 1998 est d'avoir réussi à se mettre dans la poche les leaders du vestiaire, la méga-star Cristiano Ronaldo en tête. «S'entraîner avec lui est une expérience fantastique. Il est un excellent professionnel, il travaille très bien. Il sait comment fonctionne les joueurs grâce à son expérience sur le terrain. Il comprend d'où nous venons», a déclaré le Portugais, joueur clé du Real. 

On en est donc là: Zidane a mené son équipe en finale de la Ligue des champions grâce à un coup tactique (avec Casemiro) et sa méthode de management et son aura d'ancien grand joueur qui ont séduit les cadres du vestiaire. Mais le chauve le plus célèbre de France n'est pas encore un grand coach.

À la recherche d'un style

D'abord, le Real de Zidane a bénéficié d'un tirage au sort très favorable en Ligue des champions. Les coéquipiers de Karim Benzema ont respectivement éliminé l'AS Rome, Wolfsbourg et Manchester City en huitième, quart et demi-finale. Que des seconds couteaux européens: le plus fort d'entre eux, Manchester City, ayant éliminé lui-même un PSG médiocre en quart de finale, manquait fatalement d'expérience au plus haut niveau européen, le club mancunien n'ayant jamais fréquenté ce stade de la compétition avant cette année. 

À l'inverse du Real Madrid, l'autre finaliste, l'Atletico, a balayé les deux grands favoris de la compétition, le FC Barcelone puis le Bayern Munich, dans des chocs qui ont tenu les fans de football européens en haleine.

Mais surtout, contrairement à Diego Simeone, qui a mené au sommet un club au budget bien inférieur aux grands clubs du Vieux continent, Zinedine Zidane n'a pas encore construit un vrai projet ou imposé son propre style de jeu à la tête de son équipe – il n'en a pas eu le temps, tout simplement. Son Real est une redoutable équipe de contre, solide et pragmatique. Un style peu spectaculaire qui avait déçu face à Manchester City en demi-finale (0-0, 1-0).

Et au Real, on n'est pas prêt à sacrifier le beau jeu aux résultats. Le quotidien espagnol AS a d'ailleurs rapporté que Zidane pourrait être viré en cas de défaite en finale de la Ligue des champions.

Pour les sceptiques, il est bon de se rappeler que lors de la Coupe du monde 2006, l'équipe de France avait atteint la finale sans coach de génie sur le banc –on parle ici de Raymond Domenech. Le vrai leadership, c'est Zizou qui l'avait, sur et en dehors du terrain.

Pour le moment, avec ce Real, c'est un peu pareil: si Rafael Benitez avait été remplacé par un autre entraîneur cet hiver, ce dernier aurait eu lui aussi toutes ses chances d'accéder à la finale avec un tableau facile et un groupe au talent énorme sous la main. Pour devenir un grand coach, Zidane doit donc gagner cette Ligue des champions 2016 puis s'imposer sur la durée. Sinon, il risquerait de devenir l'entraîneur d'un soir, à l'image d'un Di Matteo qui avait conduit Chelsea au sommet — à l'issue d'une épopée européenne plus relevée que celle du Real–, avant de retomber dans l'ombre

 

Source : Slate

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