Vu d’Europe – Affaire Baupin : le “mal français”

La presse européenne commente les accusations de harcèlement sexuel qui ont contraint Denis Baupin à démissionner de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale. Et constate que rien ne change dans les mœurs politiques françaises.

 

Il y a sans aucun doute du règlement de comptes chez les écologistes dans l’affaire de harcèlement sexuel qui a contraint Denis Baupin à démissionner de son poste de vice-président de l’Assemblée nationale. Il y a aussi, surtout et encore, les réminiscences d’un vieux travers des mœurs politiques françaises : “Le nouveau scandale autour des agissements présumés du député écologiste Denis Baupin relance les accusations sur la loi du silence qui prévaut”, souligne Le Temps, qui titre sur le “mal français”.

“Derrière le ‘Tout le monde savait’ se cachent deux réalités qui promettent de faire très mal à la classe politique française déjà discréditée. La première est la possible utilisation du harcèlement sexuel comme instrument de règlement de comptes au sein des Verts, aujourd’hui minés par les dissensions. La seconde est la loi du silence qui a prévalu jusque-là”, rapporte le quotidien suisse en citant l’une des signataires de l’appel des femmes journalistes contre le sexisme, lancé en mars 2015 à la suite d’écarts de conduite d’élus à leur égard.    

Le précédent DSK

La presse européenne ne manque évidemment pas de rappeler le goût de déjà-vu de cette affaire, qui évoque immédiatement celle qui a valu au directeur du FMI de l’époque, Dominique Strauss-Kahn, pressenti par beaucoup comme le candidat favori du PS à la présidentielle de 2012, de disparaître de la vie politique française, non sans avoir été relaxé des charges de proxénétisme qui pesaient sur lui dans l’affaire du Carlton.  

 

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La Repubblica note que “la France discute à nouveau de harcèlement et de comportements équivoques de la part des hommes politiques. […] Le scandale reflète en partie les vengeances internes aux Verts, très divisés sur la question de l’alliance avec les socialistes au pouvoir.” [Denis Baupin a démissionné du parti Europe Ecologie-Les Verts après la nomination de sa compagne, Emmanuelle Cosse, au poste de ministre du Logement].

Mais il fait également émerger de nouveau le débat sur le machisme de certains dirigeants politiques, capables de faire de lourdes avances et convaincus de pouvoir compter sur une certaine impunité. De la même façon, à l’époque de l’arrestation de Strauss-Kahn à New York, on avait découvert l’omerta qui avait entouré ses comportements.”

La Stampa rappelle le cadre juridique contraignant de ces révélations : “Pour le moment, aucune des femmes qui ont décidé de briser l’omerta n’a porté plainte. Dans certains cas, les faits remontent à vingt ans et sont désormais prescrits. Néanmoins, une avalanche de témoignage est en train d’affleurer, y compris de la part de collègues masculins qui admettent avoir eu connaissance du ‘problème’. Sans que personne ne se décide jamais à parler.” – Le quotidien italien note néanmoins que ce cadre n’amoindrit pas la portée symbolique de ces révélations.

Caillou dans la chaussure

A Madrid, El Pais insiste sur le fait que c’est une très mauvaise nouvelle de plus pour les Verts français, déjà mal en point : “Le scandale est un nouveau caillou dans les chaussures des écologistes, un parti en voie d’extinction. La démission en chaîne de certains de ses dirigeants l’année dernière a dévoilé publiquement la crise vécue au sein de la formation EELV, allié traditionnel des socialistes”.

Au-delà des conséquences politiques internes au parti EELV, la mise en cause de Denis Baupin souligne la difficulté d’être une femme politique, en France, en 2016. Le Temps laisse la conclusion à l’assistante parlementaire d’un député socialiste : “Il faut comprendre qu’en France, briser cette loi du silence, c’est renvoyer les femmes engagées en politique à une condition qu’elles se battent pour faire changer. Car si quelques-unes osent parler, combien n’osent toujours pas le faire ?”

 

Source : Courrier international

 

 

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