MAURITANIE. LE MOMENT DE VERITE : De la tentation au péché

DE QUOI S’AGIT-IL ?

La Mauritanie, traverse une phase de turbulence politique et socio-économique dont les vecteurs d’instabilité se distinguent, par leur concordance ; le constat d’une probable tricherie sur les modes légaux de dévolution du pouvoir vient exacerber et accélérer la convergence des autres éléments de la « polycrise ».

1. Le lundi 21 mars 2016, le Ministre de l’Economie et des Finances, Mokhtar Ould Diay, suggérait, en séance plénière de l’Assemblée nationale, que le Président de la république, Mohamed Ould Abdel Aziz, se présentât à un troisième, voire un quatrième mandat, afin d’achever la vaste tâche de reconstruction de la Mauritanie. 

2. Le 29 du même mois, toujours devant les députés, le Ministre de la Justice, Brahim Ould Daddah, suivait l’exemple de son collègue des Finances ; aussi, lance-t-il un appel explicite, au premier édile de la nation, qu’il exhorte à briguer, encore, la magistrature suprême en 2019. Invité par un élu de l’Opposition, à retirer son propos, il s’y refuse, ouvertement. 

3. Le 31 mars, le porte-parole du gouvernement, Mohamed Lemine Ould Cheikh, Ministre des relations avec le Parlement et la société civile, défend l’attitude de ses collègues, les exonère de toute faute et témoigne de la conformité, aux aspirations d’une majorité du peuple, d’une révision de la Constitution qui aboutirait à la levée des restrictions sur le délai d’exercice du pouvoir. 

4. Le 1er avril, au terme d’un remaniement du gouvernement, les trois personnalités en restent membres.

LA GRAVITE DE L’HEURE

Il convient de rappeler que Mohamed Ould Abdel Aziz, élu en 2009 et réélu en 20014, aura, par deux fois, et conformément à l'article  29 (nouveau) de la loi fondamentale, prononcé le serment de circonstance: «  Je jure, par Allah l’Unique de ne point prendre ni soutenir, directement ou indirectement, une initiative qui pourrait conduire à la révision des dispositions constitutionnelles relatives à la durée du mandat présidentiel et au régime de son renouvellement, prévues aux articles 26 et 28 de la présente Constitution

En effet, le texte, ainsi cité dispose, au paragraphe 2 de son Article 99 (nouveau): « Aucune procédure de révision de la Constitution ne peut être engagée si elle met en cause l’existence de l’Etat ou porte atteinte à l’intégrité du territoire, à la forme républicaine des Institutions, au caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne ou au principe de l’alternance démocratique au pouvoir et à son corollaire, le principe selon lequel le mandat du Président de la République est de cinq ans, renouvelable une seule fois, comme prévu aux articles 26 et 28 ci-dessus ».

LE PIEGE DU SERMENT  

Peu en importent les instigateurs et leur degré d’autonomie, la tentative de violation de la norme suprême de l’Etat, présuppose le risque de parjure dont le Coran, première source de législation interne, établit la forfaiture, par des injonctions sans ambiguïté : 

– Sourate Al Imran, verset 77

« Ceux qui vendent à vil prix leur engagement avec Allah ainsi que leurs serments n'auront aucune part dans l'au-delà, et Allah ne leur parlera pas, ni ne les regardera, au Jour de la Résurrection, ni ne les purifiera; et ils auront un châtiment douloureux ». 

– Sourate Al Anfal, verset 27

 « Ô vous qui croyez ! Ne trahissez pas Allah et le Messager. Ne trahissez pas sciemment la confiance qu'on a placée en vous ?».

LE CONTOURNEMENT

Dans ce contexte d’incertitude, le Président Mohamed Ould Abdel Aziz se rend, bientôt, dans les deux Hods, déplacement qui suscite l’habituelle surenchère de folklore et de flagornerie, les deux expédients locaux pour s’épargner une éviction et/ou se réserver une grâce. 

Maint commentateur suppute, lors, l’éclatement de la vérité. Les plus inspirés s’aventurent à une hypothèse des plus insolites, par quoi le Chef prendrait de court, la cohorte de ses partisans en apparence  mais aussi l’adversité, désormais profuse. 

Le plan consisterait à se perpétuer au pouvoir, par une entorse à l'obstacle, une manière d’acrobatie hors champ. En somme, il s’agirait de créer et d’entretenir, d’ici à 2019, une dynamique de refondation globale, pour enterrer la république actuelle et lui substituer une alternative, au sens radical du terme, tout en préservant la façade. Le dessein, pour l’instant en gestation, comporte les étapes – cumulés et concentrées- d’une entreprise de détournement du droit, de substitution de légitimité et de privatisation de l’autorité. Le procédé en préparation combinerait les avantages comparés du coup d’Etat, dans la sédimentation de ses techniques[i]. Les familiers du poker destinent un nom à la mise du tout au tout. 

Mohamed Ould Abdel Aziz, le bâtisseur, l’indispensable artisan du devenir des mauritaniens, prétendra répondre à l’appel de ses compatriotes, quand ils se mettront à lui réclamer la transition vers des institutions neuves. A telle fin, il s’assurera la complaisance de ses opposants, d’où l’insistance sur le dialogue inclusif et la détermination à le faire éclore. Cette caution-là doit être obtenue, à tout prix, tant elle conditionne la réussite ou la ruine de toute l’entreprise. 

La Mauritanie nouvelle résultera, alors, du changement:

1. D’hymne

2. De drapeau

3. De devise

4. De capitale

5. De constitution

Loin de chez nous, aux confins de la forêt tropicale, un Président, de réélection fraîche mais d’ancienneté à peu près faisandée, se risqua, récemment, à décréter le passage, ex-nihilo, vers une république inédite, sans limitation de mandat. La Mauritanie s’apprête à renouveler le genre, bien  au-delà. Les spéculateurs sur le sable, réservent, déjà, leurs parcelles à construire, sur la steppe désolée de Chami. 

 

Etudes mauritaniennes, avril 2016[ii]

 


[i] Nous recommandons, aux amateurs du genre, de se procurer les deux références majeures :

Jacques Bainville, Le dix-huit Brumaire et autres écrits sur Napoléon

Curzio Malaparte, Technique du coup d’Etat

 

 

 

Source: Etudes Mauritaniennes

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