Au coin, le redoublant !

Ould Abdel Aziz s’apprête, nous dit-on, à repartir à l’Est. Un méga-meeting sera organisé à l’occasion. Les notables  (et ceux qui le sont moins) de ces régions tiennent réunion sur réunion.

Avec, bien évidemment, la bénédiction du pouvoir en place, pour que la mobilisation soit des plus importantes.

Le ministre secrétaire général de la Présidence, qui n’a toujours pas fait son deuil de la Primature, malgré cinq années passées à sa tête et un bilan plus que mitigé, en a organisé deux, vendredi et samedi soir. Tout ce que les deux Hodhs et l’Assaba comptent de notabilités, fonctionnaires et cadres ont fait le déplacement. Moulaye en a profité pour dresser un véritable panégyrique du pouvoir, demandant à tous les présents de se mobiliser pour que la fête soit complète. 

Pour que ces régions – véritable « chair à urnes » des pouvoirs successifs – confirment leur ancrage dans la Majorité et démontrent que les derniers meetings à succès de l’opposition n’étaient que des incidents de parcours. C’est en ce sens qu’ont abondé tous les intervenants. Et ceux qui pouvaient émettre un avis divergent n’étaient, évidemment pas, de la partie. Comme au bon vieux temps du PRDS où l'on préparait le moindre déplacement de Maaouya en région comme un plébiscite triomphal, tous ont lancé un appel à la mobilisation des leurs, non seulement parce que le président vient en visite mais, surtout, pour que le voisin, le cousin ou le rival potentiel ne se montre pas plus en vue.

Car, au-delà de l’unanimité de façade, c’est à une véritable lutte de clans que donne lieu chaque « visitation » présidentielle, particulièrement à l’Est, où les divisons inter- et intra-tribales sont monnaie courante.  A telle enseigne qu’on n’y parle plus, maintenant, que de la guerre larvée que se livrent Moulaye ould Mohamed Laghdaf  et son successeur à la Primature, Yahya ould Hademine.  C’est à celui qui mobilise le plus de soutiens, donne  de coups, via pesmerghas et flagorneurs interposés, nomme ou dégomme un soutien ou un opposant, au gré des oscillations de la balance. Et, faisant sienne la célèbre maxime machiavélique – « Diviser pour régner » – Ould Abdel Aziz observe ses soutiens se déchirer. Tant qu’ils sont encore dans son giron, il peut tranquillement aller à l’Est.

Pauvre pays où le moindre déplacement du Président donne lieu à tout un cirque ! Où ceux qui sont censés donner le bon exemple se plient en quatre, pour plaire au prince du moment. Où, malgré une Constitution verrouillée, on ose parler de troisième mandat. Où les faits divers ne tournent qu’entre les milliards du père, du fils et du beau-fils. Où quelques kilomètres de routes, bien moins encore de dispensaires et d’écoles, hélas, sont comptabilisés en «réalisations grandioses ». Où, malgré une guerre ouverte contre la gabegie, une minorité a fait main basse sur la terre, la mer et l’air. Où tout est dévalorisé, l’Homme, la fonction, le diplôme. Où un chef d’Etat, parce que l’opposition a réussi à organiser un grand meeting quelque part, décide de s’y déplacer lui-même, pour « montrer ses muscles ». Dire que nous subissons ce régime depuis huit ans ! Et l’on va se le taper encore trois ans de plus. Comment peut-on oser nous parler, dans ces conditions, de troisième mandat ? C’est à l’amende, oui, et au coin – à l’Est ou à tout autre coin cardinal, peu importe –  qu’il faudrait expédier le redoublant ! Et qu’il y reste, Seigneur Dieu.

 

Ahmed Ould Cheikh

 

Source : Le Calame (Le 27 avril 2016)

 

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