Autour d’un thé

Quand la médiocrité est partout, attends-toi à la fin du Monde. Or, elle est partout, la médiocrité. La bouffonnerie, la clownerie, la rigolade.

Quel rapport entre un budget d’investissement et un mandat présidentiel ? L’économie et les finances. C’est les chiffres.

C’est les plans. C’est les stratégies. Les grandes théories macro et micro-économiques. Les statistiques et les agrégats de ceci et de cela. Maintenant, qu’un président ait droit à une dizaine de mandats, pour avoir construit des millions de kilomètres de goudron, ça, que je sache, c’est ni l’économie, ni les finances, ni le Plan, ni les affaires religieuses. C’est, astaghfiroullahi, du n’importe quoi. Ce n’est pas non plus les impôts, ni le Budget, ni le Trésor. La Constitution ? Bon, Allah, c’est sacré. Je comprends qu’on veuille bien rester au gouvernement. C’est très délicieux d’y être. Mais pas n’importe comment. Pas à quel prix. Mettons-y la manière. L’élégance. La beauté. C’est comme cet ancien professeur de physique et de mathématiques qui débarque dans un collège de brousse. Assalamou aleykoum. Je suis affecté comme professeur de mathématiques et/ou de physique. Le directeur de l’établissement lui répond : « Malheureusement, on n’a pas besoin de vous, sauf si vous voulez bien enseigner l’instruction religieuse ou la géographie ».

La chute des cours de l’ouguiya ; la cherté des denrées de première nécessité, carburant et autres produits ? Solution : un troisième mandat. Les disfonctionnements structurels de l’école, les mauvaises prestations des services de santé, la recrudescence de l’insécurité ? Solution : un quatrième mandat. Pour l’autosuffisance alimentaire, gagner la coupe du Monde 2022, aller au soleil en 2030 ? Solution : cinquième et sixième mandats. Tout est dans le mandat. C’est la panacée. C’est la providence. Comme ça, les ministres viennent, au Parlement, pour parler de tout, sauf de ce qui les concerne. Alors, c’est facile de faire de la provocation et d’appeler à organiser des coups d’Etat constitutionnels. Quand je ne sais pas ce pour quoi je suis là, je parle de ce pour quoi je ne suis pas là. Belle technique. Intervertissement des rôles. Comme ça, le ministre de l’Education viendra causer des élections. Celui de l’Elevage, de l’éducation. Celui de l’Intérieur, de la pêche. Celui de l’Equipement, des affaires islamiques. Celui des Affaires islamiques, de l’énergie et du pétrole. Celui des Affaires étrangères, du poisson et des accords de pêche, de la mahadra et du sommet des oulémas de la Sunna. Belle échappatoire pour que chacun cache ses médiocrités et ses incompétences, en jonglant avec les mots et les indélicatesses.

C’est curieux, en Mauritanie, plus on avance, plus on devance. Je m’explique. Au temps passé – pas jadis : jadis, c’est généralement pour raconter des histoires lointaines. Or, ce que je veux évoquer n’est pas si lointain que ça – il y a, disons, dix ans, les gens pensaient que Tesvagh ou Tlahlih (appelez-le comme vous voulez) atteignit son paroxysme avec des chefs d’œuvre célèbres qui n’ont épargné ni les pères, ni les fils, ni, même, le Coran. Ya pas qu’on n’a pas vu. Y a pas qu’on n’a pas entendu. Y a pas qu’on n’a pas inventé. Des ministres-troubadours. Des oulémas-bouffons.  Des notables-clowns. Et maintenant ? C’est « plus pire », comme disent ceux qui se foutent de la Semaine de la langue française. Quand un ministre de la justice, brillant avocat, éminent juriste, appelle, publiquement, à marcher sur la Constitution, Où allons-nous ? Quelqu’un disait que si le cri vient de la montagne, où faut-il fuir ? Vers l’océan pour démonter certains ministres et les jeter dedans. C’est ce qu’on appelle mettre les idées dans la tête des gens. Un brin ne s’allume pas seul. C’est un adage populaire. Vous voulez faire mentir le président ? Le faire se contredire ? Faire croire, aux autres, qu’il n’est pas sincère ? Hein, Messieurs les deux ministres ? Vous n’applaudirez point exagérément. Puisque vous le dites si bien : Un troisième, quatrième et même cinquième mandat ne seront pas de trop. Amine.

 

Mohamed Sneiba

 

Source  :  Le Calame  (Le 31 mars 2016)

 

 

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