Né pour être exclu

La justice de l'injustice n'a rien à envier à l'injustice de la justice. Ce sont deux potions extraites de la mixture du même druide.

La référence à outrance au passé est le symptôme le plus sûr et le plus fiable de la décadence du présent.

La justice de l'injustice n'est qu'une sœur mutante et perverse de l'injustice de la justice.

Tu n'es ni esclave, ni forgeron, ni noir, ni victime des événements de 89. Non mon fils, il y-a un Dieu pour ceux-là.

Toi, tu es né pour autre chose. Tu ne sauras jamais pourquoi le destin t'a réservé ce timbre réservé aux êtres de ton espèce. En tout cas pas dans ce monde. La fausseté des hommes est si opaque, si maligne, si souillée que tu ne verras jamais. Tu ne comprendras jamais pourquoi cela n'arrive qu'à toi et à ceux qui te ressemblent.

Tu t'instruiras. C'est sûr. A défaut d'être instruit par les autres, quelque chose de divin en toi te poussera sans cesse vers les cimes du savoir. Des sommets que tu n'atteindras que par le plus improbable des accidents.

Comme une étoile polaire, tu brilleras au milieu de la médiocrité qui te cerne et te neutralise. Ta lucidité, ton intelligence et ta vertu te distingueront des autres comme l'or se distingue du charbon. Ton essence est pure et ta foi est sincère.

Ton cœur palpitera, comme aucun cœur ne peut le faire pour l'amour de ta patrie et la fierté de ta nation. Ta nation comme tu l'as conçue dans ton esprit limpide et fidèle.

Le jour des jours sombres et effrayants, tu seras sans cesse dans la devanture, en bouclier féroce pour défendre l'honneur et l'intégrité de cet ensemble qui te repousse. Tu ne pensais jamais à une récompense. Tu es simplement galvanisé par l'adoration d'un passé qui te nie et d'une histoire qui te blâme et te condamne sans raison. Sans raison!!! Peut-être et plutôt, sans raison de la raison. La raison est morte au sein d'un monde poussé par l'arrogance jusqu'à défier les lois sacrées du Seigneur de la raison.

Avant la distribution des profits, tu as sans cesse été le premier et le meilleur. Un génie au milieu des Alis Babas. Tu avais confiance. Tu avais de l'amour et de la compassion pour tes frères et tu souhaitais qu'ils se hissent à ton niveau, plus loin que ton niveau. Tu ne connaissais ni l'injustice ni la rancune.

Tu étais toujours à la tête et tu ne savais pourquoi. L'inaccessible origine de toutes les origines seule, peut en donner la raison.

Tu étais toujours à l'avant. Toujours…jusqu'au jour du passage par ce maudit tamis social. Ce géant hideux, cette pieuvre de l'injustice, tapis dans l'ombre, qui déforment les formes et ternissent les couleurs. Cette machine de la perversion, de la perdition et des déséquilibres moraux.

Ce jour là, mon fils tu es tombé sur un champ de bataille qui n'était pas le tien. Ton honneur s'est désintégré sur ce champs du déshonneur ou tu ne pouvais rien. Ligoté par les tiens. Tes valeurs et tes diplômes, dévalorisées à l'extrême par ce mécanisme surpuissant qui valorise et dévalorise qui il veut selon ses normes séculaires, tu es à genoux. Le cœur gros de chagrin, l'âme en peine de désespoir et de déception, tu réaliseras l'impossibilité de ton avancée. Tu n'as pas "Le Visa".

Tu es la dernière chair pure, fossilisée dans la masse d'un corps social statufié dans son déséquilibre et son ignorance.

Tu es perdu au milieu de nulle part.

Si seulement tu avais été quelque chose de "revendiquable". Un sujet qui attire l'attention, qui inspire la pitié ou la compassion. Rien. Si au moins tu n'avais rien étudié, rien compris, rien senti…tu serais protégé par la chaleur de ton ignorance et la niaiserie de ce qu'on inculque d'habitude aux exclus de toute espèce.

Longtemps ton cœur a palpité pour ta patrie. Tu aimais chez toi et ton amour pour ton pays pouvait ébranler les montagnes. Tu étais fort par et pour la fidélité à un mode de vie, de penser que tu adorais et dont le visage t'était caché par les lianes du faux et de l'hypocrisie.

Tu ne pouvais savoir que tu vénérais la source de ta faiblesse

Maintenant que tu te retrouves dans la rue, brandissant tes diplômes et tes distinctions au ciel au vent, aux regards des passants, tu portes à bout de bras la preuve irréfutable que tu es l'exclu. Tu es né pour être exclu…Ta famille ferme les portes et les fenêtres à ton nez. Tu n'as plus de doute possible. Tu es toi…ni esclave, ni forgeron, ni noir, ni victime des événements de 89. Non une masse résiduelle qu'une société malade a décidé de confiner à sa base, pour "protéger ses arrières"

Une cour immorale qui propulse qui DEVAIT l'être, ou elle VOULAIT qu'il soit, selon son vouloir. Indépendamment des règles de la justice, de l'équité, de la bien saillance et de la morale, elle brasse le destin des générations.

Tu réaliseras que toi, tu es toi. Ton échec vient du début et non de la fin des épreuves.

Je sais que tous les partages se font ostensiblement sans toi.

Je sais que tu avais rêvé à cet avenir, qui se matérialise aujourd'hui en cauchemar sous nos yeux. Rien ne dure mon fils.

Les rochers de l'injustice ne peuvent empêcher indéfiniment les laves de la vérité d'irriguer le fond de la vallée et de bruler les brindilles des mensonges. Et l'opacité des ténèbres ne peut garder prisonniers les rayons de la lumière.

Mon petit. Je sais que les bras du désespoir, de la déraison, du terrorisme, de la drogue, du crime de la dépravation et de la haine contre chez toi, te seront grands ouverts. Tu ne t'y engouffreras jamais. Tu es grand. L'origine sacrée et secrète des origines a fait de toi un être pur et propre. Rien ne dure. Tout se transforme.

Dieu est avec toi. Que veux-tu de plus? Tu ne perdras rien.

Le pays réévaluera ses fils. Il en a besoin. Il ne peut vivre ou perdurer sans cette réévaluation vitale. Sur cette terre ne subsistera ni clanisme, ni ethnicisés, ni tribalistes, ni favoritisme, ni clientélisme. Sinon tout se refondra dans le moule originel du néant et tu resterais le meilleur. Car toi tu as essuyé la trahison, mais tu ne trahiras jamais.

Mon enfant. Dieu te voit et t'entend.

Ne regrette jamais d'avoir servi ou aimé chez toi, ni d'avoir servi tes concitoyens.

Ne t'offense jamais si personne n'estime ta bonté, ton patriotisme ou ta bonne foi.

Les oiseaux chantent chaque matin, sans que personne ne leur dise jamais merci. Et pourtant, ils continuent à chanter.

Seul Allah qui te voit sur ta réalité est capable d'évaluer tes efforts et de te garantir la récompense. Fait de Lui le but de ton vouloir et le vouloir de ton but. Tu ne perdras jamais mon fils, car ce monde a un Maitre.

Un Gouverneur Puissant et Omniscient, qui a décidé que l'injustice ne fructifiera jamais…Jamais même pour celui qui ne croit pas en Dieu au jour du jugement.

 

Mohamed Hanefi

Koweït

 

(Reçu à Kassataya le 31 mars 2016)

 

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