Salah Ould Hanana dans «Témoin d’une époque » Al Jazeera : le putsch de 2003, préparatifs et exécution

Dans cette 4ème partie de son témoignage sur «l’ère des coups d’Etat en Mauritanie » diffusé sur Al Jazeera, l’ancien commandant et actuel président du parti Hatem, Salah Ould Hanana est revenu sur le putsch manqué du 8 juin 2003 qu’il avait dirigé en tant que civil.

Tout y passe, les préparatifs et l’exécution d’un coup d’Etat rudimentaire, le premier mené en Mauritanie par des officiers subalternes.

Le 7 juin 2003,  vers 20 h, une douzaine d’officiers, des commandants d’unités et des capitaines, procèdent aux derniers réglages du plus audacieux coup d’Etat que la Mauritanie ait jamais connu. Jusque-là, le pays a connu plusieurs prises de pouvoir. Mais cela a toujours été mené par des officiers supérieurs, souvent à la tête de la hiérarchie militaire. Des révolutions de palais. Cette fois, le coup est mené du bas, par des officiers qui ne détiennent pas la clé de la décision. Parmi eux, un ancien commandant de l’armée, radié pour soupçon de coup d’état. Il s’agit de Salah Ould Hanana, formé à l’Académie royale en Arabie Saoudite, ancien adjoint de section à la 6ème Région Militaire qui a en charge la sécurité de Nouakchott et ancien instructeur à l’Ecole Inter-armes d’Atar qui avait tenté un premier coup d’Etat en 2000 alors qu’il servait au B2 (renseignements militaires » Face à Ahmed Mansour, le journaliste d’Al Jazeera animateur de la célèbre émission «Témoin d’une époque » il déroule les péripéties du plus loufoque coup d’Etat de l’histoire politique de Mauritanie, mais aussi le plus sanguinaire, avec une quinzaine de morts au tableau.

Le commandant Hacen Ould Meguett fout tout en l’air

le commandant Hacen Ould Meguett, adjoint du Chef du B 2 (renseignements militaires) est l’officier qui allait dérouter tout le plan minutieusement élaboré par ses amis. Salah Ould Hanana a eu du mal à lâcher le nom de cet officier qui allait dénoncer ses camarades à quelques heures du début de la prise de pouvoir. Mais l’intransigeance d’Ahmed Mansour, qui voulait des noms, car selon lui, «un témoignage sans nom n’a pas de valeur», l’y obligea. C’est le commandant Mohamed Vall de la 6ème Région Militaire qui était son point de contact avec le reste de l’équipe. C’est lui qui l’avait enrôlé. Et c’est lui aussi qui a révélé à Salah ses réticences, sa peur à aller jusqu’au bout. Et les risques que Hacen Ould Meguett fasse tout capoter, c’est aux environs de 14 heures du 7 juin 2003, que Salah Ould Hanana l’apprendra. On n’était qu’à sept heures du Temps H ! Salah Ould Hanana dit avoir pensé que s’il lui envoyait le commandant Mohamed Ould Cheikhna, officier modèle connu pour sa discipline et sa rectitude, qu’il allait changer d’avis, surtout s’il apprend qu’il est dans le coup. Près d’une heure plus tard, Ould Hanana dit avoir demandé à Mohamed Cheikhna où en était la situation avec Ould Meguet. Il lui aurait répondu que tout est entré dans l’ordre et qu’il est parvenu à le convaincre de rester avec eux. Mais la peur d’un volte-face n’était pas totalement écarté pour Salah qui demanda au commandant Mohamed Vall d’amener Ould Meguet chez lui et de ne pas le laisser partir nulle part, sous aucun prétexte. Selon Salah, le comportement de Hacen Ould Meguet était d’autant plus curieux qu’il connaît bien l’homme. Il faisait partie du coup d’Etat manqué de 2000 et leur relation date bien avant leur incorporation dans l’armée, du temps de la clandestinité au sein des mouvements nasséristes. Après son entrevue avec Ould Cheikhna qui l’aurait rassuré sur le succès de l’opération en cours, Ould Meguett aurait promis qu’il était partant. Mais Salah aurait insisté auprès de Mohamed Vall de le surveiller comme la prunelle de ses yeux et de ne pas le lâcher d’une semelle, car il constituait désormais une menace.

C’est aux environs de 17 heures qu’il croisera le commandant Mohamed Vall seul dans son véhicule. Et lorsqu’il lui demanda qu’est-ce qu’il faisait là et pourquoi a-t-il laissé Hacen Ould Meguett seul, Mohamed Vall l’informa que Hacen était parti pour les dénoncer. Selon Salah, il en savait déjà assez sur le coup et sur certains des principaux officiers impliqués. Il pouvait faire tout capoter.

Salah Ould Hanana s’attendait à tout moment à voir les premières arrestations s’abattre et s’étonna presque que jusqu’à 23 heures, rien n’avait bougé. Mais il fallait faire vite, selon lui, quitte à bousculer le calendrier. Le coup était prévu à 2 heures du matin, mais le temps jouait désormais contre eux. La douzaine d’officiers impliqués dans le putsch était réunie au domicile du capitaine Abderrahmane Oud Mini, à l’intérieur du Bataillon des blindés (BB). Comme couverture, invitation à diner entre amis. Parmi ces officiers, certains servant à l’intérieur du pays et pour lesquels une maison a été louée non loin de là. Face à la trahison de Hacen Ould Meguett, Salah dit avoir été mis devant deux choix ; ou bien lancer les opérations bien plutôt avec tout ce que cela comportera comme conséquences, car selon lui, tous les réglages n’étaient pas encore au point, ou annuler tout. Le problème, dira-t-il, c’est que les autres officiers qui n’ont pas de logement à l’intérieur de leur caserne ne pouvaient regagner leur base qu’à l’heure H, sinon leur présence, en dehors de leurs heures de service, pouvait soulever des doutes. Enfin de compte, ajoute Salah, l’option fut prise de déclencher l’opération à 23 heures, trois heures avant l’heure qui a été fixée.

A la question du journaliste, lui demandant pourquoi il n’y a pas eu un Plan B, devant le risque que constituait la trahison éventuelle de Hacen Ould Meguet, Salah répondit que pour eux, le Plan B c’était que le comandant Mohamed Vall parvienne à maintenir Hacen Ould Meguet sous sa surveillance, d’autant qu’il était plus fort que lui et qu’il pouvait l’empêcher de quitter son domicile.

«Mohamed Vall avait-il laissé partir Hacen intentionnellement ? » insista le journaliste. Réponse de Salah Ould Hanana «c’est un point de vue » qui considère qu’il se peut que Mohamed Vall n’ait pas déployé assez d’effort pour le garder chez lui ou qu’il ait eu assez confiance en lui, ne pensant jamais qu’il allait les dénoncer. Mais pour lui, ce qui est sûr, Mohamed Vall n’a pas rempli sa part de contrat dans le cas de Ould Meguet. «Il l’a laissé partir de bonne ou de mauvaise fois, seul Allah le sait » a-t-il conclu.

«Es-tu sûr que Ould Meguet allait vous dénoncer ? » demande de nouveau le journaliste. Salah lui répondit qu’ils étaient tous sûrs qu’il était parti pour les dénoncer auprès du Chef d’Etat-major, Mohamed Lemine Ould NDiayane.

Mais selon Salah Ould Hanana, Ould NDiayane n’avait pas cru un traître mot de ce que venait lui rapporter Hacen Ould Meguett, surtout quand il a cité le commandant Mohamed Ould Cheikhna, un officier hors de soupçon, aimé et respecté par tous ses chefs pour sa rectitude, sa rigueur et sa grande discipline.

Pourquoi Ould NDiayane n’a pas cru Hacen Ould Meguet ?

Selon Salah Ould Hanana, le colonel Mohamed Lemine Ould NDiayane, Chef d’Etat-major des Armées en cette nuit du 7 juin 2003 n’avait pas cru Hacen Ould Teguedi pour deux raisons : la première serait l’effet douche froide de la nouvelle et qu’il ne croyait pas qu’un coup d’Etat puisse être en préparation. Il s’agissait tout au plus pour lui d’une mauvaise farce ou d’une sale mouchardise de la part d’un officier qui voulait régler des comptes à  ses amis, comme il arrive souvent au sein de l’institution militaire. Partant, le Chef d’Etat-major ne prit aucune décision particulière.

«Et pourtant, il a quitté son domicile nuitamment pour se rendre à l’Etat-major » fait remarquer le journaliste Ahmed Mansour. «oui, reconnaît Salah Ould Hanna, mais il est parti beaucoup tardivement et il a beaucoup hésité avant d’agir ». Mais jusqu’à 23 heures, il n’y avait pas toujours de réaction, selon Salah Hanana. L’opération avait débuté par la prise de contrôle du Bataillon des Blindés (BB). Les autres officiers furent également informés du début des opérations. Le commandant Abdi se rendit aussitôt au Génie Militaire dont il prit le contrôle et les officiers de l’air sous la férule du commandant Ahmed Ould Mohamed Amou se rendirent à la Direction de l’Air qu’ils prirent. Nouakchott venait d’entamer sa plus longue nuit.

Au BB, le capitaine Ould Mini avait mis tous les chars de combat à la disposition du putsch. Le premier blindé est sorti, dira Ould Hanana, à 23 h 30. Tous les officiers putschistes étaient à leur position, au Génie, à l’Aviation, à la Marine et à la 6ème Région Militaire.

On avait oublié la communication et le communiqué n°1 !

La gendarmerie et l’Etat-major sont pris sans résistance, et deux chars furent envoyés vers la présidence de la République. Mais une heure plus tard, Ould Hanana apprit que les chars n’ont pas pénétré la présidence et il n’y avait pas de résistance. Cela l’intrigua, et le poussa à se rendre à la présidence pour savoir pourquoi les chars ne sont pas entrés à la présidence. Arrivé sur place, il se fit ouvrir les grilles et pénétra à l’intérieur de la présidence suivi par deux autres chars. Le Bataillon de la sécurité présidentielle (BASEP) n’avait selon lui opposé aucune résistance et aucun obus ne fut tiré. Salah Ould Hanana s’est dit étonné lorsque Mohamed Ould Cheikhna le rejoignit au Palais présidentiel, alors que c’était lui qui était chargé de l’Etat-major. Il dit l’avoir laissé à la présidence et il s’en alla vers la radio. Entre-temps,  dit-il, ils apprirent que le président Ould Taya était parvenu à sortir de la présidence. Il était déjà informé dès la prise du BB.

Le journaliste Ahmed Mansour s’est marré quand il apprit que les putschistes n’avaient comme moyen de communication que le réseau domestique de la téléphonie mobile. «Comment, vous exécuter un coup d’Etat en utilisant le téléphone portable ? » s’éclaffa-t-il dans un large sourire. Pour Salah Ould Hanana, c’était le seul moyen dont ils disposaient, face au coût élevé d’un réseau sans fil à rayon limité.

«La première chose que vous auriez dû faire, c’est prendre la Direction des transmissions et de la communication de l’Etat-major et y installer votre Q.G pour la coordination de vos opération » lui servit en guise de remarque, le journalise.

Bredouillis de Salah Ould Hanana qui reconnait que le problème de la communication était le plus sérieux obstacle. Il tenta là d’apporter une réponse en déballant les trois choix qui s’étaient posés à eux, ou bien se servir du réseau domestique, le saborder ou acquérir un TSF dont ils n’ont pas les moyens d’acquisition. Finalement, le premier choix fut maintenu. Il reconnaît toutefois qu’ils auraient dû penser prendre la Direction de la transmission et de la communication de l’armée. Selon lui, les officiers qui devaient prendre le contrôle de l’Etat-major n’y ont pas pensé. Pourquoi ? C’est une question qui reste encore une énigme, dira en substance Ould Hanana.

Et quand le journaliste lui demanda pourquoi il n’a jamais demandé à Mohamed Ould Cheikhna pourquoi il n’a pas contrôlé les moyens de communication de l’armée, Saleh lui répondit que c’est une question qu’il ne lui a jamais posée.

Mais là où l’amateurisme du putsch manqué du 8 juin 2003 prit sa tournure la plus niaise, c’est lorsque Salah Ould Hanana reconnaît s’être rendu à la radio avec le communiqué n°1 encore sous forme de projet dans sa tête et non dans un document écrit.

«Par Allah dis-moi, sais-tu que les trois choses essentielles dans un coup d’Etat, ce sont l’Etat-major, la télévision ou la radio publique, puis le communiqué n°1 ; vous préparez un coup d’Etat et vous avez échoué dans toutes les tactiques essentielles d’un bon coup d’Etat, comment vous expliquez-vous ? » lui demanda le journaliste, d’un ton presque méprisant.

Et Salah Ould Hanana tout confus de répondre : «nous avions pris assez de temps pour planifier et organiser le coup d’état, nous aurions réussi si on n’avait pas eu ce bouleversement de calendrier. Le moment choisi par Hacen Ould Meguet était un moment assassin, ce qui nous a fait perdre des points précieux et ce contre-temps allait avoir des conséquences dramatiques sur l’exécution de l’opération. C’était le cafouillis, l’improvisation. Tout cela ajouté au fait que c’était la première fois qu’un coup d’Etat est mené par des officiers subalternes, ce qui rend cette opération différente en tout point de vue avec les coups d’Etat traditionnels menés par des officiers de la hiérarchie »

Mais l’incident de la radio où Salah Ould Hanana s’était dirigé pour débiter son communiqué n°1 mémorisé, allait revenir dans le débat.

Salah Ould Hanana fit remarquer qu’au moment de son arrivée à la radio, les locaux étaient vides. «Tout le monde avait fui dès les premiers coups de feu » dit-il.

«Vous avez raté votre coup alors que tout était facile » lui fit remarquer le journaliste.

«Il y avait beaucoup de facilités mais aussi des difficultés » reconnut Salah.

«Vous auriez dû vous rendre d’abord à la radio ou à la télévision pour faire passer votre communiqué n°1 avant même l’Etat-major et la présidence de la République. Vous auriez gagné beaucoup de points » le relança le journaliste. Puis, il asséna, dans une moue désolée «vous auriez pu réussir votre coup d’Etat sans effusion de sang »

«Oui, c’était possible, reconnaît encore Salah Ould Hanana, si le plan de départ n’avait pas été perturbé, mais nous avons eu affaire à l’imprévisibilité des hommes, puis il y a eu un certain cafouillis. On aurait dû prendre la transmission et la communication de l’armée pour y installer notre PC » semble-t-il regretter.

«Par l’absence de moyen de communication entre toi et les autres officiers putschistes, c’était raté » lui fait remarquer Ahmed Mansour.

«Une grande erreur de casting, la maîtrise de l’Etat-major était d’autant facile que l’officier de permanence cette nuit faisait partie de notre équipe » reconnut Salah Hanana derechef.

«Si vous aviez capturé Ould Taya, vous l’auriez tué s’il résistait ?» s’enquit de nouveau le journaliste.

«Non non, répondit Salah, d’ailleurs il n’aurait pas résisté ».

Al Jazeera fait échouer le coup !

«Pendant trois heures de temps, vous aviez le contrôle de tout et vous n’êtes pas parvenu à faire passer le communiqué n°1 ?» Le journaliste d’Al Jazeera revenait encore à la charge, ne comprenant toujours pas comment des putschistes peuvent mener leur coup sans ce fatidique communiqué n°1.

« Comment pouvons-nous faire, gémit Salah, alors qu’il n’y avait personne à la radio ».

Et puis, ragaillardi, il lança : «un journaliste d’Al  Jazeera m’avait contacté la nuit et je lui avais fais brièvement le topo de la situation, il devait me rappeler, mais il ne l’a pas fait ».

Ironique, le journaliste lui demanda «j’espère que tu ne vas pas rejeter sur Al Jazeera l’échec de votre coup d’Etat ? ».

Imperturbable, et presqu’étonné, il revint à la charge : «vous vouliez réussir votre coup d’Etat en passant par Al Jaeera ou quoi ? »

Inébranlable, Salah Ould Hanana persista : «quelque part oui, car si le journaliste m’avait rappelé, cela aurait permis de compenser le problème de la diffusion de notre message que nous n’avons pu faire localement ».

Toujours encore plus ironique, Ahmed Mansour l’accula «n’oublie pas que tu as échoué en utilisant le réseau domestique de la téléphonie mobile et tu avais même des difficultés pour entrer en contact avec les autres officiers putschistes par encombrement du réseau ! ».

Tout penaud, Salah opina de la tête «oui, ce foutu problème de communication, ce fut un sacré obstacle, mais c’est la faute des techniciens de la radio qui avaient fui » tenta-t-il de se défendre.

«Non, ce n’est pas la faute des techniciens de la radio, parce que vous n’avez pas pensé en avoir un sous la main avant le déclenchement de l’opération pour éviter justement de tomber sur une radio sans technicien » le piqua le journaliste.

«C’était un choix parmi d’autres, mais le résultat restait aléatoire » riposta-t-il.
«Tu avais rédigé ton communiqué n°1 ? » reprit Ould Mansour.
«Je l’avais en tête » répondit Salah.
«Qu’allais-tu dire ? » lui demanda-t-il.

S’imaginant dans les locaux de la radio le 8 juin 2003 en train de réciter son communiqué n°1 non rédigé, Salah se fit sérieux. J’allais dire : «Nous avons mis fin au régime, la Constitution est dissoute et nous allons engager des consultations pour mettre sur pied un gouvernement de transition avec toutes les forces vives de la Nation ».

« Vous allez citer le nom des putschistes ? » lui demanda encore le journaliste.
«Nous allions créer un comité plus tard ».

Mais le journaliste insistait : «est-ce que vous alliez donner quelques noms parmi les meneurs du coup d’Etat dans le communiqué ? »

Réponse de Salah «moi, on me connait déjà… »
Le journaliste lui coupa la parole :  «tu allais passer à la télé ? ».
Salah : «naturellement »

Mais la question suivante allait le désarçonner : «avais-tu appris comment mener des coups d’Etat avant votre tentative ? »

Pris au dépourvu, Salah répondit : «j’ai essayé… ».

Ahmed Mansour revint à la rescousse : «as-tu étudié le modèle syrien ? Eux, ils sont passés maîtres dans le domaine ».

Salah «non, cela m’a échappé ».

Le journaliste Ahmed Mansour : «les Syriens s’emparent d’abord de la radio et diffusent leur communiqué n°1 avant de prendre le contrôle des points névralgiques ».

Salah de répondre : «nous avons pris le contrôle de la radio rapidement ».

Et le journaliste de lui rétorquer : «oui, mais sans faire lire ton communiqué n°1, il n’y avait donc aucun contrôle de la radio, du moment où tu n’as pas pu faire passer ton message ».

Et Salah de regretter «oui, il ne manquait qu’à faire fonctionner la radio ».

Ahmed Mansour affichait tout au cours de cet échanges de savates et de mouchetés, une mimique ironique. C’était tout juste s’il ne doutait pas que ce monsieur assis devant lui avait réellement tenté un coup d’Etat.

«Ben, vous avez échoué à prendre la radio,  l’Etat-major» lui lança Ahmed Mansour dans une mimique.

Salah ressemblait à un gosse à qui on vient d’arracher un jouet : «ah non, nous avions pris le contrôle de l’Etat-major à 10 heures »

Et Ahmed Mansour «ben dis-donc, vous avez perdu beaucoup de temps, qu’est-ce que vous avez fait entre 23 heures dans la nuit du 7 janvier et 10 heures du matin de ce 8 juin ? »

Pas de réponse, néanmoins, Salah entama : «nous avons appris que l’Etat-major n’avait pas entièrement été contrôlé ». Il dit avoir essuyé des tirs à partir de là. Selon Hanana, il a quitté le palais présidentiel vers 3 heures 30 pour se rendre à la radio.

«Tu es parti à la radio sans t’assurer que l’Etat-major était sous votre contrôle ? » lui demanda Ahmed Mansour.

«Pour moi, il devait avoir été pris, c’était une certitude ».

Le journaliste revint à la charge : «et tu n’avais pas de contact avec les officiers qui devaient s’en charger ? »

Selon Salah Ould Hanana, le problème de communication se posait, et c’est pourquoi il n’a pas pu savoir que l’Etat-major était resté hors contrôle.

«Je n’en veux pas aux officiers de n’avoir pas réussi à prendre le contrôle de l’Etat-major, mais au moins ils devaient nous informer » s’indigna-t-il.

Le journaliste lui fera remarquer que le pire des coups d’état est celui qui se termine par un bain de sang, avant d’enchaîner ; «tu as occupé la ville de 23 heures la nuit jusqu’à 10 heures du matin sans rien contrôler, sans passer un communiqué, sans que personne ne sache finalement s’il s’agit d’une tentative de coup d’Etat, d’une mutinerie ou d’une rébellion, saviez-vous au moins où se trouvait Ould Taya ?»
La réponse de Salah est courte : «jamais ».

«Et vous ne saviez pas où est-ce qu’il était allé ni  comment avait-il réussi à sortir du palais présidentiel ? Comment avait-t-il organisé ensuite la riposte et reprit le pouvoir ?

Ce n’est que plus tard, selon Salah Ould Hanana, qu’ils ont appris deux versions. La première voulait qu’il se soit rendu à l’Etat-major de la Garde nationale à partir duquel il avait conduit les opérations de riposte. Selon lui, l’Etat-major de la garde ne constituait pas pour eux une priorité, car il s’agit d’une force du ministère de l’Intérieur dont l’armement ne constitue pas un danger. Ensuite, il croyait qu’il avait été sous contrôle des officiers qui en avaient la mission. Il reconnaît qu’il n’en était rien, que l’Etat-major de la Garde a été négligée et que certainement, Ould Taya qui aurait fait le tour des Etats-majors, la gendarmerie et celui de l’armée, avait profité de cette brèche pour y prendre ses quartiers.

«Et pourtant, on est passé à plusieurs reprises devant, sans soupçonner que Ould Taya pouvait y être » dit-il.

La deuxième version, poursuit-il, soutient que Ould Taya s’est rendu à l’ambassade d’Espagne où tout lui a été fourni pour entrer en contact avec les unités de l’intérieur. Il fera remarquer que l’Espagne était gardienne des intérêts israéliens et que c’est en Espagne que la normalisation entre la Mauritanie et Israël a eu lieu.

Autre déception relevée par Ould Hanana, le fait que la 6ème Région Militaire sur laquelle les putschistes comptaient pour fermer la route de l’Espoir, n’était pas dans le coup. Et le BASEP avait repris l’offensive.

Sur le déroulé des confrontations, Salah reconnaît qu’il n’y a pas eu réellement d’affrontements, sinon quelques tirs sur les chars avec des missiles Hawn devant la radio. C’est alors, dit-il, qu’il est retourné au BB pour prendre d’autres chars et repartir à l’assaut de l’Etat-major où il affirme être entré aux environs de 10 heures. «Nous y avons laissé d’excellents officiers, à l’image de Moussa Ould Alem et du lieutenant de permanence Saadna Ould Salem » raconte-t-il.

Quid de la mort de Ould NDiayane

«On soutient que la mort du Chef d’Etat-major Ould NDiayane vous est imputée ? » lui demanda le journaliste. Démenti de Salah qui soutient que la mort de Ould NDiayane est imputable à Ould Taya, lequel aurait donné l’ordre pour le descendre. D’abord, il lui serait reproché de n’avoir pas réagi dès qu’i fut informé par Hacen Ould Meguet sur les préparatifs du coup d’Etat et ensuite, il devait jouer un rôle prépondérant dans l’après-coup d’Etat, d’après ce qu’il a appris. Pour Salah, le colonel Ould NDiayane n’avait rien à voir avec le coup d’Etat. Selon lui, le coup ayant été mené par des officiers subalternes, il a été décidé au cas où le coup allait réussir de choisir parmi les officiers supérieurs celui qui serait le plus apte à diriger l’Armée. Et le colonel Ould NDiayane qui jouissait de l’estime et du respect de tous les officiers était selon lui parmi les mieux placés.

A quelle heure a-t-il su que le coup d’Etat a foiré ? C’est aux environs de 14 heures ce 8 juin 2003 que Salah affirme avoir su que tout est perdu, surtout lorsqu’il apprit que des forces sont venues en renfort pour faire échouer la tentative. Et parmi ces forces, la 6ème Région Militaire. C’est probablement à cet instant qu’il aurait su que le commandant Mohamed Vall l’avait lui aussi lâché et que probablement c’est lui aussi qui aurait laissé Hacen Ould Meguet partir pour dénoncer le putsch.

 
 
Source : Thaqafa
 
 

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