Qui sauvera l’industrie minière africaine ?

La grand-messe de l’industrie minière africaine, Mining Indaba, s’est achevée au Cap dans une ambiance plombée par la crise chinoise. Le spectre du ralentissement de la croissance de la deuxième économie mondiale a plané tout au long de ce salon annuel, véritable thermomètre de la situation économique du continent.

Il faut rappeler que la demande chinoise en matières premières a représenté 100 milliards de dollars en 2014, soit l’équivalent de la moitié des échanges sino-africains. Mais, depuis, la crise est passée par là et la demande chinoise en minerais africains s’est effondrée de plus de 40 % l’an dernier. La crise est telle que le géant Anglo American prévoit de revendre la moitié de ses mines en Afrique et supprimer 85 000 emplois !

« Pékin est en pleine transition, passant d’une croissance alimentée par la construction d’infrastructures à une économie portée par la consommation, explique Mark Cutifani, directeur général d’Anglo American. Cette route est semée d’embûches mais c’est comme un super tanker qui ne va pas s’arrêter, même s’il va moins vite. »

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Le Japon et l’Inde

Pour éviter le naufrage, mieux vaudrait trouver rapidement un nouveau capitaine. Deux pays se détachent : le Japon et l’Inde. Le premier importe aujourd’hui la quasi totalité de ses matières premières, notamment du platine d’Afrique du Sud. La sixième Conférence internationale de Tokyo pour le développement de l’Afrique (Ticad) se tiendra d’ailleurs les 27 et 28 août prochains pour la première fois en Afrique, au Kenya. L’occasion de renouer des liens politiques et économiques avec le continent.

Mais le candidat le plus en pointe pour « remplacer » la Chine est l’Inde qui entretient des liens historiques avec l’Afrique. Les échanges entre les deux se sont renforcés ces dernières années, passant de 3 milliards de dollars en 2000 à 70 milliards en 2014. Certes, on est encore loin des quelque 300 milliards que devraient représenter cette année le commerce sino-africain, mais les perspectives sont intéressantes. Dans une étude très précise, le cabinet KPMG rappelle que depuis 2005 les échanges entre l’Inde et l’Afrique augmentent en moyenne de 30 % chaque année.

Comme pour la Chine, les ressources naturelles africaines suscitent l’appétit de l’Inde, qui importe 80 % de son pétrole. Delhi lorgne notamment sur le Nigeria et l’Angola pour réduire sa dépendance envers le Proche-Orient.

Pour le reste, les exportations africaines en Inde sont constituées essentiellement de minéraux, de métaux, de pierres précieuses et de produits chimiques. Ces matières premières représentent 70 % des importations indiennes en provenance du continent.

Apparaître comme un ami plus qu’un prédateur

« L’Inde pourrait être la prochaine frontière pour les produits africains », a déclaré un porte-parole d’Anglo American. « Mais la spécificité des échanges entre l’Inde et le continent africain tient dans la part importante que représente le secteur privé », notent les analystes de KPMG. Des agriculteurs punjabi louant des terres éthiopiennes au magnat des télécoms propriétaire d’un réseau mobile au Malawi, les entrepreneurs indiens montrent la voie à des politiques encore à la peine. Quelques grandes entreprises ont investi comme l’opérateur Bharti Airtel qui a acquis le groupe koweïtien Zain, très présent en Afrique, pour 10,7 milliards de dollars.

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« Pour le reste, l’essentiel des investissements indiens dans les infrastructures se concentrent au Ghana, Nigeria, Gabon et Tanzanie avec la construction de routes et de chemins de fer », note KPMG. Le gouvernement indien a prêté 300 millions de dollars pour la construction d’une ligne de train entre l’Ethiopie et Djibouti.

Soucieux d’apparaître comme un ami plus qu’un prédateur, Delhi insiste sur son histoire commune avec le continent, citant le commerce maritime avec l’Afrique au XVIe siècle ou la lutte commune contre le colonialisme. Les politiques s’appuient sur la diaspora de 2,7 millions d’Indiens, nombreux en Afrique du Sud où Gandhi, héros de l’indépendance, a débuté sa lutte.

Inde et Chine concurrents

« L’Inde et la Chine sont concurrents dans plusieurs secteurs en Afrique et c’est une bonne chose pour nous d’avoir plusieurs acteurs avec qui négocier, explique Elizabeth Sidiropoulos, directrice de l’Institut des affaires internationales d’Afrique du Sud. Ce qui a changé, c’est l’accélération politique depuis le premier sommet Inde-Afrique en 2008. Il y a de plus en plus de contacts politiques, même si on est assez loin de ce que fait la Chine avec le Focac. »

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En octobre dernier, plus de quarante chefs d’Etat africains se sont ainsi retrouvés à New Dehli pour un grand sommet Inde-Afrique très symbolique de ce nouveau partenariat.

Depuis son élection en 2014, le premier ministre indien Narendra Modi a lancé de grands projets d’infrastructures (routes, logements et transports), créant un important appel d’air pour les matières premières africaines qui trouveraient là d’importants débouchés pour les dix prochaines années.

« Les entreprises indiennes sont prêtes à investir en Afrique dans l’exploitation minière », a lancé Balwinder Kumar, le ministre indien des mines. Une nouvelle opportunité pour relancer la machine africaine. Même s’il est peu probable que l’Inde puisse combler à court terme la baisse de l’appétit chinois.

 

Sébastien Le Belzic

(chroniqueur Le Monde Afrique, Hongkong)

 

Source : Le Monde

 

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