En Irak, une combinaison antibombe pour se protéger… du sectarisme

Pour dénoncer les attentats, la violence qui ravage son pays depuis plusieurs années, un jeune artiste irakien a fabriqué une combinaison antibombe qu’il a faite porter à un mannequin dans les rues de Bagdad. Témoignage.

Début février, le mannequin a suscité l’étonnement des riverains de la rue Rachid, l’une des rues les plus fréquentées de Bagdad, en se baladant dans son épaisse combinaison, d’apparence identique à celles utilisées par les démineurs professionnels. Il a fait un peu de lèche-vitrine, discuté avec des enfants, puis s’est attablé à une terrasse de café, où plusieurs groupes d’amis discutaient autour d’un thé. Le tout sous le regard amusé de Hessein Adil, l’artiste qui a conçu ce costume.
 

"J’ai failli mourir dans un attentat où trois de mes amis ont péri"

Hussein Adil est étudiant à l’Institut des Beaux-arts de Bagdad.

J’ai imaginé un homme qui vaquerait à ses occupations quotidiennes vêtu d’une combinaison anti-bombe. Puis j’ai organisé ce happening pour savoir quelle serait la réaction des gens. Malheureusement, personne n’était tellement étonné, car les gens sont devenus habitués aux attentats.

L’idée de ce costume m’est venue progressivement. D’abord, j’avais appris par des militaires que les forces de sécurité irakiennes n’avaient pas assez de combinaisons antibombe alors bien même que le quart de toutes les mines terrestres existant dans le monde se trouve en Irak.

 

Photos du happening postées sur la page Facebook de Hussein Adil.

 
Jusqu’à il y a une année, je n’entendais parler des attentats que dans les journaux télévisés, ou alors parfois j’entendais des attentats qui retentissaient au loin.
 
Mais en mai 2015, j’ai failli mourir dans un attentat où trois de mes amis ont trouvé la mort. Je ne sais par quel miracle j’y ai échappé. Ce jour-là, on se dirigeait vers un café du quartier de Karrada. À un moment donné, je me suis arrêté car je venais de recevoir un coup de fil. J’ai dis à mes amis : "Partez devant, je vous rejoins dans cinq minutes". Quelques instants plus tard, l’explosion a retenti. Cela s’est passé à une centaine de mètres de moi. Parmi mes trois amis décédés, il y avait Ammar al-Shahbander, un journaliste et défenseur des droits de l’Homme.
 
Cette tragédie a donc été l'un des éléments qui m’ont inspiré pour fabriquer ce costume. Néanmoins, je ne l’ai pas fait pour plaider pour qu’une combinaison antibombe soit distribuée à chaque citoyen irakien. Ce ne serait pas la solution à la tragédie que nous traversons. D’ailleurs, ma combinaison n’est pas du tout conçue pour se protéger des bombes – c’est juste du design.
 
Je voulais en fait faire passer un message. Pour moi, ce vêtement est surtout conçu pour se protéger du sectarisme qui gangrène la société, de toutes les idées qui divisent les Irakiens et qui font qu’aujourd’hui le pays est déchiré par la guerre.
 
Depuis plusieurs mois, chaque semaine, des milliers d’Irakiens manifestent dans les rues de Bagdad pour dénoncer la violence sectaire et la corruption. Pourtant ces manifestations n’ont pas beaucoup de retentissement, comme si les gens étaient lassés des slogans. Comme eux, j’ai choisi protester, mais de manière artistique, différente. J’espère que cela laissera une trace dans l’esprit des gens et que ça les poussera à réfléchir.
 

La combinaison antibombe sera exposée en avril prochain dans le cadre du festival d’art contemporain Tarkib.

Selon une étude de la revue scientifique américaine Plos Medecine, les attentats en Irak ont fait plus de 10 000 morts, en majorité des civils, depuis la fin de l’année 2011.

 

Source : France 24

 

 

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