Ce n’est pas le pétrole mais les fortunes du Golfe qui financent Daech

Cela a été l’une des histoires de l’année 2015. L’Etat Islamique tirerait une grande partie de ses revenus de la production et de la vente de pétrole via des réseaux de contrebande. Et nous avons peut-être même acheté sans le savoir ce pétrole. Il s’agit en fait plus d’une légende que d’une réalité explique l’expert Luay al-Khatteeb dans la revue petroleum-economist et dans le Huffington Post.

L’essentiel du financement de Daech lui vient de généreaux donateurs étrangers.

Pour les médias du monde entier, y compris Slate, l’Etat islamique récupère depuis des années de vastes sommes d’argent en vendant du pétrole, en utilisant un réseau ingénieux de raffineries artisanales et même en exportant une partie de sa production. «Une histoire qui colle assez bien avec l’image de Mad Max d’un monde mauvais et post-apocalyptique du groupe terroriste», écrit Luay al-Khatteeb. Il ajoute que de pseudo révélations et théories du complot ont vite donné encore une autre dimension à cette histoire comme celles venues de Russie et annonçant que pas moins de 12.000 camions transportaient le pétrole vers la Turquie.

Le problème, c’est que ces histoires n’ont aucun fondement. Le ministre du pétrole de Daech, Abou Sayyaf, abattu par un commando américain en mai 2015, avait beau méticuleusement enregistrer la distribution pour 2 millions de dollars de pétrole par jour, c’était techniquement impossible.

Luay al-Khatteeb explique que l’Etat islamique a brièvement contrôlé au milieu de l’année 2014 une production théorique potentielle de 45.000 barils par jour qui a été ramenée à 25.000 au début de l’année 2015. Le problème, c’est que ce pétrole est de mauvaise qualité et ne peut pas être commercialisé ou à des prix très faibles.

«Les champs syriens de Al Omar, Al Tanak et Al Ward étaient gérés par Shell avant la guerre. Ils contenaient 40% d’eau… Transformé ce pétrole en brut raffinable avec des processus de dégazage et de séparation du souffre, de l’eau et de la salinité n’est pas facile du tout. Des producteurs de nombreux pays développés n’ont pas la capacité de le faire…».

«En Irak, le champ de Qaiyara contrôlé par Daech contient comme d’autres champs en Syrie un pétrole très lourd, presque impossible à raffiner pour en faire de l’essence. On m’a dit, et c’est une source fiable, que le pétrole lourd de Qayyara se vendait localement autour de 4 dollars le baril.»

Daech n’a pas non plus les capacités techniques pour augmenter la production de pétrole comme l’utilisation de l’injection d’eau. «Cela signifie que la production doit avoir du mal à approcher 20 000 barils par jour». Cela rend impossible des revenus de 2 millions de dollars par jour. Il faudrait que la production soit beaucoup plus importante (au moins 40 000 barils par jour) et les prix très élevés (50 dollars par baril).

«En dépit des affirmations, le pétrole n’a jamais été un élément clé pour l’Etat islamique. Son prédécesseur, l’Etat islamique en Irak a créé le chaos pendant près d’une décennie sans avoir le moindre puit. Même avant l’opération contre Abou Sayyaf, il aurait dû être clair que tout cela était exagéré.» Sauf si c'est une façon de dissimuler les vraies sources de financement du groupe terroriste.

Car les taxes ne sont pas non plus suffisantes pour permettre à sa machine de guerre de continuer à fonctionner. L’économie dans les zones contrôlées par Daech s’est effondrée et les revenus mensuels par habitants sont parmi les plus faibles au monde. L’appropriation des biens des personnes tuées et expulsées et le trafic d’objets d’art ne suffisent pas non plus à payer des dizaines de milliers de combattants et à leur assurer une logistique.

«L’argent doit bien venir de quelque part… Tant que la communauté internationale ne se préoccupera pas de couper la source de financement du terrorisme international, au lieu de répandre des exagérations sur les capacités pétrolières et l’indépendance financière de Daech, elle ne serra pas capable de le vaincre».

 

Source : Slate

 

 

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