Surmontant sa tristesse, le président de la République aura certainement mis à profit ce repos pour avancer quelques pions, échafauder, loin des indiscrétions et des bruits du Palais gris, quelques scénarii pour marquer la rentrée politiques 2016. Selon diverses indiscrétions concordantes, il aurait même tenu une réunion avec les chefs de corps des forces armées et de sécurité. De quoi ont-ils parlé ? Mystère !
En tout cas, impatients de savoir par quel bout le Raïs va entamer la nouvelle année, les Mauritaniens spéculent à tout va. Beaucoup parient sur quelques touches ou retouches à son gouvernement. On imagine le stress – pour ne pas dire la trouille – qui frappe certains membres de celui-là, inquiets de leur sort. Une chose est sûre, l’immobilisme auquel on assiste ne peut pas durer : l’année 2016 s’annonçant très difficile, le Président devra vite trouver le moyen d’impulser une dynamique à l’action gouvernementale, anticiper les lourdes conséquences des prévisions généralement pessimistes des économistes. Cela passera-t-il nécessairement par un changement d’attelage gouvernemental ? Rien n’est moins sûr. Ce qui est, par contre, certain, c’est que le discours d’autosatisfaction du Premier ministre, il y a quelques jours, devant le Parlement, ne présage rien de bon. Yahya ould Hademine ne semble percevoir aucune des difficultés qui attendent les Mauritaniens en cette année 2016. La baisse des recettes minières, principales ressources financières du pays, et l’augmentation de la TVA sur divers produits vont peser lourdement sur le bas peuple. Une situation qui ne manquera, certainement pas, d’occasionner, de surcroît, une pression sur les recettes que l’Etat se hâte de combler par une pression fiscale accrue qui frappe, déjà, plusieurs entreprises de la place, avec un fort risque de troubles sociaux. Les dockers du PANPA viennent, d’ailleurs, d’en donner le coup d’envoi, en menaçant d’aller en grève. Les prix des produits de première nécessité flambent depuis quelques jours et rien n’est avancé, dans la déclaration du Premier ministre, pour rassurer les populations.
Mauvais exemple
Si la situation économique est loin d‘être rose, la politique reste, pour sa part, complètement bloquée, depuis l’échec de la dernière tentative de reprise des pourparlers, entre le pouvoir et le FNDU. La rencontre tant attendue, entre une délégation de celui-ci et le monsieur Dialogue de celui-là, le docteur Moulaye ould Mohamed Lagdhaf, s’est soldée par un énième bide. Le pouvoir refusant toujours de se prononcer, par écrit, sur la vision du FNDU remise, au gouvernement, en Septembre dernier. Même si le Premier ministre a laissé entendre, dans son discours, que notre démocratie serait « renforcée par la promotion de la culture du dialogue et du pluralisme politique », ce qui, du reste, ne signifie pas grand-chose, l’horizon demeure bouché. Soit dit en passant, opposition et pouvoir y ont, chacun, sa part de responsabilité. Interrogé sur l’avenir du dialogue en cette année nouvelle, un responsable de l’opposition affirme cependant que « tout dépend du gouvernement à qui revient l’initiative de débloquer la situation ». Le fera-t-il ? On attend la sortie du Président ou les décisions du premier Conseil des ministres de la rentrée.
En tout cas, le pays a vraiment besoin de sortir de cette situation de ni paix, ni guerre. Les différents camps doivent œuvrer à briser le mur de méfiance et aller de l’avant, pour ancrer davantage notre démocratie. Assez tergiversé ! Depuis 2008, on n’a pas réussi à tenir le moindre dialogue inclusif et sincère, alors que nous avons largement les moyens d’y arriver. Intellectuels de la diaspora, imams et érudits, qui ont surtout brillé, jusqu’ici, par leur silence, peuvent et doivent s’impliquer pour pousser les acteurs politiques à sortir de l’impasse. Toutes les chances ne sont pas épuisées. La Mauritanie aurait ainsi bien besoin de l’expertise d’un Ahmedou ould Abdallah, ancien ministre, ancien ambassadeur et représentant des Nations Unies ; d’un El Ghassem Wane, depuis peu aux Nations Unies, de Kane Mouhamadou, représentant de l’UA au Soudan, d’un Abdessalam ould Mohamed Salah, représentant de la FAO au Liban, avec tant d’autres intellectuels et sages, pour résoudre, en interne, ses divergences politiques. Le président de la République qui prêche et vante les vertus du dialogue se doit de lui donner, au moins, une chance d’exister. L’excès de velléités détruit notre capacité naturelle à négocier et trouver des solutions apaisantes : c’est bien là le pire exemple que peut donner un président de la République au peuple qu’il est censé représenter, en totalité, au-dessus des partis… alors même que l’amoncellement des difficultés pousse chacun à se replier sur lui-même, son clan, son ethnie, sa classe sociale…
DL
Source : Le Calame
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