Vu des Etats-Unis : Pour sauver Paris, il faut écraser Daech

L’Otan doit intervenir en envoyant des troupes au sol en Syrie et en Irak pour éradiquer le groupe Etat islamique, estime l’éditorialiste du New York Times Roger Cohen.

La série d’attentats survenue à Paris et revendiquée par le groupe Etat islamique (EI) constitue, comme l’a déclaré le président François Hollande, un “acte de guerre”. En tant que tel, il appelle une réponse collective de tous les pays de l’Otan [qui compte 28 pays membres], conformément à l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord, qui stipule :  
Une attaque armée contre l’une ou plusieurs [des parties] survenant en Europe ou en Amérique du Nord sera considérée comme une attaque dirigée contre toutes les parties.”

Les dirigeants de l’Alliance nord-atlantique discutent déjà de la réponse qui s’impose. François Hollande s’est entretenu avec Barack Obama. D’autres pays de l’Otan, dont l’Allemagne et le Canada, ont manifesté leur solidarité. L’indignation et la colère sont justifiées, mais ne suffisent pas.

Après le meurtre d’au moins 129 personnes à Paris, la seule mesure adaptée est une riposte militaire, et le seul objectif à la hauteur de la menace actuelle est l’anéantissement de l’EI et l’élimination de ses bastions en Syrie et en Irak. On ne peut plus laisser des terroristes barbares contrôler un territoire à partir duquel ils ont organisé, financé, dirigé et planifié leurs atrocités.  

Hollande a clairement dénoncé des attentats “préparés, organisés et planifiés de l’extérieur, avec des complicités intérieures”. L’EI, ou l’une de ses branches, a par ailleurs affirmé avoir abattu l’avion de ligne russe qui s’est écrasé [le 31 octobre au-dessus du Sinaï], faisant 224 victimes. Une revendication que les Etats-Unis et la Grande-Bretagne jugent crédibles.  

Une menace planétaire

La grande erreur a été de croire que l’EI ne représentait qu’une menace régionale. Il s’agit bel et bien d’une menace planétaire. Et la ligne rouge a été franchie. On ne peut laisser un certain type de mal s’implanter physiquement sur un territoire à partir duquel il se développera. “Ce n’est pas humain”, a dit le pape François à propos des attentats de Paris. En un sens, il a raison. Mais l’histoire nous a appris que la capacité des êtres humains à faire le mal est sans borne. Et si elle n’est pas contrée, elle ne peut que s’accroître.

Pour triompher de l’EI en Syrie et en Irak, l’Otan devra envoyer des forces au sol. Après les longues et inefficaces interventions occidentales en Irak et en Afghanistan, nous sommes en droit de nous demander si ce ne serait pas de la folie. Nous sommes également en droit de nous demander si une action miliaire n’aurait pas pour simple effet de grossir les rangs de l’EI. Le terrorisme, dit-on, ne pourra jamais être totalement anéanti.  

Il faut absolument résister à ces arguments spécieux. Une guerre aérienne contre l’EI ne suffira pas à venir à bout du problème : les attaques de Paris ont eu lieu alors que la campagne de bombardements se poursuit. Les grandes puissances, dont la Russie et la Chine, ont vigoureusement condamné les attaques de Paris. Elles ne doivent pas s’opposer à une résolution des Nations unies autorisant une intervention militaire pour écraser l’EI en Syrie et en Irak. Les puissances régionales, et tout particulièrement l’Arabie Saoudite, ont également intérêt à abattre le monstre qu’elles ont contribué à créer et dont le califat imaginaire causerait la perte.

Une machine bien huilée mais pas invincible

L’EI dispose d’une machine de propagande bien huilée et d’une idéologie propre à séduire les jeunes musulmans laissés pour compte et convaincus de la perfidie de l’Occident. L’alliance de son interprétation littérale et médiévale [du Coran] et de son savoir-faire technologique a généré une armée de fanatiques dont l’aura transcende les frontières. Mais, en termes militaires, l’EI est loin d’être invincible. En témoigne la mort pratiquement certaine du bourreau le plus recherché de Daech, Mohammed Emwazi (alias “Djihadi John”), le 12 novembre lors d’une frappe aérienne.

Il ne suffit pas de dire, comme l’a fait jusqu’à présent Obama, que l’EI sera vaincu. En l’absence d’un plan d’action concret, ces paroles n’ont aucun sens. Si le temps presse, c’est précisément parce que le temps est utilisé pour préparer de nouvelles atrocités. Avec chaque nouvel attentat, le risque de voir une spirale de violences religieuses et sectaires embraser des sociétés européennes éprouvées augmente. L’islamophobie semble gagner du terrain. 

Afflux de réfugiés

Le massacre s’est produit au moment où des centaines de milliers de réfugiés musulmans affluent en Europe. Ce n’est pas le moment de s’en prendre à eux, mais de les aider, même si une vigilance extrême s’impose. Eux aussi, dans leur vaste majorité, fuient l’EI, tout comme la violence aveugle du président syrien Bachar El-Assad. La politique de non-intervention en Syrie s’est soldée par de nouvelles effusions de sang et une intensification du danger, qui s’infiltrent désormais en Europe.

La bataille sera longue. L’islam traverse une crise aiguë, déchiré par les intérêts régionaux des sunnites et chiites (entendre les Saoudiens et les Iraniens), affaibli par la gangrène d’une idéologie anti-occidentale et du fondamentalisme wahhabite, il cherche à composer tant bien que mal avec la modernité. Le chancre qu’il porte en lui ne pourra sans doute être éradiqué que de l’intérieur, par les centaines de millions de musulmans qui sont aussi horrifiés que tout autre être humain par les attentats de Paris. Ils doivent à présent se faire entendre haut et fort et parler d’une même voix.

Abattre l’EI en Syrie et en Irak n’éliminera pas la menace djihadiste. Mais la passivité est gage d’échec. Le temps est venu d’agir avec force et conviction contre ce fléau. La désunion et la dispersion ont sapé les efforts militaires engagés contre les djihadistes. L’unité est maintenant à portée de main et, avec elle, la victoire.

Roger Cohen
 
 
 

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