Accusée d’avoir acheté « son » Mondial 2006, l’Allemagne sous le choc

Les temps sont décidément difficiles pour les emblèmes de l’Allemagne. En plein scandale Volkswagen, c’est une autre institution qui fait aujourd’hui l’objet de terribles soupçons :

la fédération allemande de football (DFB) et une de ses figures tutélaires, Franz Beckenbauer, l’« empereur » du football allemand, sont au cœur d’un scandale de corruption.

Selon le Spiegel du vendredi 16 octobre, la DFB aurait acheté l’attribution du mondial de football 2006 à l’Allemagne au moyen d’une caisse noire. Franz Beckenbauer était alors président du comité de candidature et d’organisation. L’Allemagne est sous le choc.

L’enquête du Spiegel conclut que la DFB s’est sans doute assurée, moyennant finances, le soutien de quatre voix asiatiques lors du vote du comité exécutif de la FIFA en 2000, qui a décidé de l’attribution de l’organisation du Mondial de football à l’Allemagne. Une caisse noire aurait permis de financer l’opération, alimentée par l’ancien directeur d’Adidas, Robert Louis-Dreyfus. Celui-ci aurait à cet effet effectué un prêt personnel de 10,3 millions de francs suisses (environ 6,7 millions d’euros), remboursé grâce à un transfert d’argent fictif.

La DFB nie

Ainsi, un an et demi avant le Mondial, 6,7 millions d’euros auraient été versés sur un compte de la FIFA à Genève, officiellement comme participation allemande au financement d’un gala de la Fédération internationale au stade Olympique de Berlin, lequel n’a en réalité jamais eu lieu. Le compte suisse de la FIFA aurait ensuite reversé la somme sur un compte de Robert Louis-Dreyfus à Zürich.

Vendredi, la DFB a rejeté en bloc les accusations de corruption pour l’obtention du Mondial 2006 tout en reconnaissant avoir bien transféré, en avril 2005, la somme de 6,7 millions d’euros sur un compte de la FIFA.

« Ce n’est pas comme ça que nous l’avions voulu », commentait, vendredi 16 octobre, le site du quotidien Die Zeit, qui résume sans doute le sentiment de beaucoup d’Allemands. La coupe du monde 2006 s’est déroulée sans un seul nuage, dans une ambiance euphorique, au point que l’événement reste dans les mémoires comme le « conte d’été allemand ».

Si la Mannschaft, l’équipe nationale de football, n’a terminé que troisième du classement, le Mondial 2006 a eu une portée considérable. Pour la première fois depuis longtemps, les Allemands osaient être fiers de leur pays qui accueillait le monde entier dans une organisation qualifiée d’exemplaire. L’événement qui a ainsi positivement changé l’image du pays se trouve maintenant éclaboussé par une affaire de corruption.

« La boue coule au milieu de l’Allemagne »

« Il était connu depuis longtemps que la candidature allemande n’était pas complètement propre, poursuit le Zeit en ligne. Mais cette affaire a une autre dimension. Elle va changer le débat. Si les soupçons s’avéraient justes, elle montre que la corruption n’est pas seulement le fait de dictateurs, de cheiks arabes et de républiques bananières. La boue coule au milieu de l’Allemagne. L’Allemagne serait un membre de la mafia du football. » Exit le mythe selon lequel la fédération allemande de football était le « chevalier blanc » de ce sport, commente le Spiegel sur son site, qui juge que le temps de la naïveté est terminé : « Si presque toutes les attributions de la Coupe du monde ces vingt dernières années font l’objet de soupçons, pourquoi justement le Mondial 2006 devrait-il être une grande exception ? »

Beaucoup d’observateurs s’accordent à dire qu’il sera désormais difficile pour Wolfgang Niersbach, actuel président de la DFB, de se maintenir à son poste, s’il ne dispose pas d’une bonne explication. Envolés aussi ses espoirs de succéder à Michel Platini à la tête de l’UEFA. « Je suis sans voix, a déclaré au quotidien TAZ Andreas Rüttenauer, ancien candidat à la présidence de la DFB. J’ai déjà indiqué il y a des années que la DFB n’agit pas autrement sur le plan national que la FIFA à l’échelle mondiale. »

Lire aussi : FIFA : l’Allemagne soupçonnée d’avoir acheté son Mondial

C’est également toute la crédibilité de Franz Beckenbauer qui est entachée. Le directeur du comité d’organisation du Mondial 2006, figure légendaire du football allemand, avait déclaré en 2012 : « Nous avons travaillé proprement » et démenti les affirmations de Joseph Blatter, président de la FIFA, à un journal suisse, qui faisait état d’irrégularités dans l’attribution de l’événement à l’Allemagne lors du vote du comité exécutif en 2000. « La FIFA ne peut plus servir de cache-misère, écrit le quotidien Die Welt. La pression du système ne doit pas faire oublier que, dans ce pays, on a soudoyé et on s’est tu pendant des années. Si les soupçons s’avéraient fondés, certains hommes portaient un lourd secret alors qu’ils se présentaient volontiers comme irréprochables. »

Cécile Boutelet

 

Source : Le Monde

 

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