13 septembre 2015 : Un avion de Turkish Airlines empêché de décoller de l’aéroport de Nouakchott.

Kassataya – (Paris) – C’est à une scène ahurissante qu’ont assisté les passagers du vol TK 595 de la Turkish Airlines sur l’aéroport de Nouakchott dans la nuit de dimanche 13 au lundi 14 septembre 2015. L’avion de la compagnie turque a purement et simplement été « retenu » contre la volonté du commandant de bord pourtant prêt à décoller. KASSATAYA a reconstitué le fil de l’incident.

Il est près de 19h ce dimanche 13 septembre 2015. L’avion de la Turkish Airlines devant relier Nouakchott et Istanbul s’apprête à rejoindre la piste pour le décollage. Le ravitaillement est terminé et tous les passagers ont embarqué. Tous sauf un. Un bagage en fait et pas n’importe lequel. Il s’agit d’une pièce défectueuse d’un appareil d’une autre compagnie la Mauritania Airlines International qui souhaite l’expédier en Turquie pour réparation[1]. Le commandant de bord de la Turquish Airlines estime que c’est un bagage en retard (comme n’importe quel passager d’ailleurs) et qu’il ne peut pas retarder un avion pour cette raison.

C’est alors qu’entre en scène le PDG de la MAI. Monsieur Hacena Ould Ely fait comprendre au commandant de bord turc que l’avion ne peut décoller sans la pièce qui est entrain d’être démontée de l’avion de la MAI. Le commandant de bord ne veut rien entendre. Mais son avion étant encore arrimé au remorqueur (Tug ou tractor) qui doit le positionner sur la piste, il ne peut manœuvrer son appareil. Il demande et obtient que le remorqueur soit détaché de son appareil afin qu’il fasse la manœuvre en procédant autrement. Le PDG de la MAI accède à sa demande mais ordonne au conducteur du remorqueur de se contenter de détacher l’avion sans bouger son remorqueur d’un pouce.

Pour rappel, la MAI a hérité de la société de handling autrefois propriété de la défunte Air Afrique. La MAI dispose ainsi d'un devoir d'assistance au sol, quelle que soit la compagnie : prise en charge de l'avion dès son atterrissage, sécurité et stationnement compris, les bagages, les formalités avant l'embarquement, cartes d'accès incluses. Les avions règlent le montant de tous ses services, au Directeur de la MAI.

Coincé, le commandant de bord de la Turkish Airlines tombe des nues et s’entend répondre « c’est mon remorqueur, je le place où je veux sur mon aéroport ». Il  informe alors sa hiérarchie de la situation. Le ministre mauritanien de l’équipement et des transports est saisi. Il appelle le PDG de la MAI en vain. L’affaire remonte jusqu’au premier ministre mauritanien qui se garde d’appeler le puissant PDG de la MAI et préfère en parler directement au président de la République en déplacement en Chine. Un coup de fil plus tard le remorqueur peut enfin libérer l’avion de la Turkish Airlines et ses passagers. Il s’est écoulé plus d’une heure.

Pendant ce temps, un autre commandant de bord d’une autre compagnie ronge son frein sur le tarmac avec ses passagers à bord. Le vol Air France arrivera à l’aéroport Roissy Charles De Gaule avec une heure de retard parce que, confie un passager à KASSATAYA, « il y avait un camion sur la piste de l’aéroport de Nouakchott».

Si l’on en croit le journal Le Calame, ce n’est pas la première fois que la MAI immobilise ainsi un avion étranger. Fin octobre 2014, c’était l’avion du ministre marocain des affaires étrangères qui aurait été empêché de décoller pour le paiement d’une somme de… 2300€. Le procédé décrit par Le Calame pour immobiliser l’avion est le même que dans le cas de la Turkish Airlines.  

Cette affaire suscite de nombreuses interrogations. Quel rôle ont joué l’ASECNA, la SAM (société des Aéroports de Mauritanie) et l’ANAC (Agence Nationale de l’Aviation Civile)? Au nom de quoi le PDG de la MAI a-t-il immobilisé l’avion ?

Interrogé par KASSATAYA, un spécialiste confie que « l’usage veut qu’une compagnie transporte en priorité une pièce de rechange pour un appareil en difficulté selon la procédure dite AOG (Aircraft On Ground). Mais il n’y a aucune loi, aucune obligation en la matière. Il s’agit d’un simple échange de bons procédés. De plus, cette configuration ne s’y prête pas. L’appareil de la MAI n’est pas en détresse dans le cadre d’une rotation ou lors d’une escale. L’urgence ne peut donc être invoquée. L’AOG c’est généralement pour éviter un changement d’itinéraire, prévenir  des retards ou des annulations de vol. »

La MAI risque-t-elle une sanction internationale ? Cela dépend de la Turkish Airlines qui pourrait saisir l’OACI (Organisation de l’Aviation Civile Internationale).

« Dans tous les cas, conclue un observateur, ce qu’a fait le PDG de la MAI dépasse l’entendement. C’est du jamais vu. L’affaire est encore plus grave quand on réalise que ni le ministre de tutelle ni le premier ministre n’ont pu le ramener à la raison. Qu’est-ce qui lui donne donc un tel sentiment d’impunité ». Seul le président Mohamed Ould Abdel Aziz -qui aurait décanté la situation- détient la réponse à cette question.

La Mauritanie avait été inscrite sur la liste des transporteurs interdits de vol sur toute l’étendue de l’espace aérien de l’Union Européenne le 23 novembre 2010. Elle n’y a été de nouveau admise qu’à partir de février 2013.

KASSATAYA

 

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[1] Selon une autre version, la Turkish Airlines devait plutôt transporter pour le compte de la MAI une pièce de rechange depuis la Turquie.

 

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